Par Philippe Desmond
Tartas, jeudi 19 août 2021.
Le grand public a découvert Quincy Jones en 1979 lorsqu’il a produit l’album de Michael Jackson « Off the wall » ; les albums suivant « Thriller »et « Bad » n’ont fait qu’augmenter sa notoriété et son compte en banque. Mais Quincy avait déjà eu plusieurs vies de musiciens. Issu de Berklee College of Music il devient trompettiste et arrangeur dans le big band de Lionel Hampton puis celui de Dizzie Gillespie. Séjour à Paris en 1957 où il perfectionne son savoir auprès de Nadia Boulanger et travaille pour Eddie Barclay. En 1960 il forme son propre big band avec des albums fameux comme le « Big Band Bossa Nova ». Il devient ensuite directeur musical du label Mercury et travaille auprès des plus grands. Dans les années 80, fortune faite grâce aux succès commerciaux de « Bambi » il devient un des producteurs phare du cinéma et de la musique, du jazz à la soul. Je vous conseille son autobiographie « Quincy » parue en 2003 et traduite par Mimi Perrin avec qui il avait travaillé pour les Double Six quarante ans auparavant.
Le Big Band Côte Sud a donc décidé de jouer sa musique et ses arrangements pour Count Basie en particulier. Cette formation d’une vingtaine de musiciens, dirigée actuellement par Pascal Drapeau, mêlant pros- en minorité- et amateurs, a vu le jour en 1983 du côté de Dax et a déjà enregistré près d’une demi douzaine d’albums. Capable bien sûr de jouer le repertoire des big bands « classiques » de Glenn Miller, de Count, de Duke et d’autres, elle avait depuis quelque temps une forte couleur latino avec notamment le dernier CD en hommage à Beny Moré « Hasta Siempre Beny ! ». Voilà donc cet orchestre de retour sur scène après de longs mois de disette, la crise sanitaire n’ayant pas arrangé les choses notamment pour l’impossibilité de se réunir en répétition et l’engagement d’un big band faisant toujours un peu peur aux organisateurs ; pourtant eux sont très accessibles. En 2019 je les avais vus enflammer le festival de Capbreton lors d’une soirée où, la chaleur et la musique aidant, nous avions été transportés à Cuba. Splendide. Il n’ont pas rejoué sur scène depuis…
On les retrouve ce soir à Tartas, ce gros bourg landais au bord de la Midouze, qui parfois se fait tridouze inondant même ces allées Marines où nous nous trouvons et justifiant ainsi leur nom.
Un Big Band n’est jamais facile à gérer surtout quand comme ici, il n’est pas professionnel et donc encore moins permanent. Et quand après seulement deux répétitions de ce nouveau répertoire, le contrebassiste à des ennuis de santé, le batteur un engagement autre, un tromboniste et un saxophoniste font défaut, il faut que la solidarité du monde de la musique se manifeste. Au dernier près, la formation sera complète mais « On va marcher sur des œufs » confie Pascal Drapeau l’infatigable arrangeur, releveur, adaptateur et bien sûr trompettiste hors pair.
Très vite les balances viennent le rassurer un peu, ça sonne bien et le répertoire devrait plaire au grand public qui vient régulièrement à ces jeudis musicaux très variés. Ambiance estivale malgré la fraîcheur, la buvette et la petite restauration sur place n’y étant pas pour rien.
Pascal Drapeau a choisi de revenir au jazz ayant fait un peu le tour du latino et voulant relancer la formation. Son choix s’est porté ainsi sur le répertoire et les arrangements de Quincy Jones au service plus particulièrement de Count Basie. Que de titres devenus des standards, voire des tubes, certains étant arrivés chez nous grâce aux adaptations de Claude Nougaro. La « Gravy Waltz » de Ray Brown devenue « Les mains d’une femme dans la farine », « For Lena and Lennie » de Quincy transformée en « Mon disque d’été ». De quoi réjouir les oreilles de ce public très varié et différent de celui des festivals.
Quincy en plus de ses compositions, comme « A change of peace », « Big walk », « Walk don’t run » ce soir dans une terrible adaptation, avait adapté maints succès pour Count : le légendaire « Moanin' », « I remember Clifford » et l’accrocheur « Killer Joe » les deux de Benny Golson, des standards tels « I left my heart in San Francisco » et « Blues in the night ». Tout cela et d’autres nous sont offerts ce soir et les œufs ne cassent pas. Le répertoire a l’air facile comme ça, mais les nuances, les harmonies, les breaks sont autant d’occasion de se casser la gueule quand on est 17 à devoir jouer ensemble avec peu de répétitions. Mais le chef dirige ça avec doigté et précision, les musiciens sont appliqués, trop bien sûr parfois, on les sent un peu tendus surtout au début. Il y a de quoi, deux ans et des « remplas ». Justement il sont deux à la rythmique qui vont guider tout ce monde, David Faury à la contrebasse (un « ancien » de l’orchestre) et Marie-Hélène Gastinel remplaçant… son mari Antoine, époustouflante hier soir alors qu’elle découvrait quasiment le répertoire. « Merci de m’avoir fait confiance » disait-elle à ses collègues à la fin avec trop d’humilité. Ainsi l’orchestre va se libérer, les solistes se lâcher pour ce choix musical vraiment très réussi, moins d’énergie que les grosses machines des 40’s et beaucoup de rondeur harmonique. Et tout simplement le plaisir pour nous et pour eux – avec l’adrénaline en plus – de se retrouver en concert.
Organisateurs pensez au BBCS !
Le concert était dédié à Jean-Pierre Caup un des piliers du Big Band, récemment disparu.
Pascal Drapeau : direction musicale, arrangements, trompette, bugle
Section :
Sax : Pierre Vignacq, Michel Lesgourgues, Sylvain Guttierez, Didier Grégoire, Franck Loubère
Trombones : Charles Caup, François Darrigan, Erwan Maureau, Antonin Puyo
Tompettes : Jérôme Okresic, Dominique Lauga, Pascal Lacouture, Romuald Comet.
Rythmique :
Marie-Hélène Gastinel (bat), David Faury (cb), Vincent Lajus (clavier)
Sonorisation : Carlito Longerstay
Lumières : Yves Dinclaux
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