Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Marmande (47), festival Jazz et Garonne samedi 13 octobre 2018.
Nous voilà presque à la fin, déjà, de Jazz & Garonne 2018, 8ème édition. Encore une belle soirée qui s’annonce dans cet écrin magnifique du Comoedia de Marmande. Une salle à faire des jaloux, suivez mon regard vers la capitale de la Nouvelle Aquitaine…
L’organisation et la programmation du festival par Eric Séva et Myriam Esparcia sont basées sur l’amitié ce qui est un critère tellement important. A mon arrivée avant le concert tout le monde est attablé pour le dîner, organisateurs, bénévoles, musiciens, techniciens, photographes, dans une ambiance joyeuse et décontractée. Mais qui a dit et continue à véhiculer que le jazz était guindé ?
Baptiste Herbin : Dreams and Connections
Au programme ce soir le quartet de Baptiste Herbin.
Remarquablement bien entouré le saxophoniste, avec Pierre de Bethmann au piano, et Rhodes, Géraud Portal à la contrebasse et Benjamin Henocq à la batterie.
Nous avions découvert avec bonheur Baptiste Herbin en 2014 à Cénac pour Jazz 360 et avions hâte de le revoir . Il a sorti cette année un très bel album « Dreams and Connections » aux consonances brésiliennes et dont la prochaine Gazette Bleue va bientôt parler. Le Brésil et le sax, on pense de suite Stan Getz, Bossa Nova, on fredonne Jobim… Mais ce pays est tellement vaste et culturellement divers que ce serait réducteur de s’en tenir à cela.
La preuve Baptiste explore d’autres pistes, la Samba, le Choro… Le concert commence avec « For Julian » dédié à Cannonball Adderley, une de ses références, du hard bop, d’entrée, dans lequel Pierre de Bethmann s’engouffre avec une verve éclatante avant de laisser exploser Baptiste ; ça commence en effet en boulet de canon ! Ce dernier pousse son instrument, alto ou soprano, dans ses derniers retranchements, il atteint des tessitures surprenantes. Virtuosité mais surtout musicalité et générosité.
Quel beau titre inspiré du Choro avec ses teintes de Polka, en solo, plein de profondeur et d’émotion vers la fin du concert. Rythmique impeccable, et pourtant complexe à produire comme le prouvent les trois pupitres dressés devant Benjamin Henocq et qu’il ne quitte pas des yeux. C’est justement la Saint Géraud aujourd’hui et le contrebassiste célèbre ça en jouant merveilleusement.
Un très beau concert et la confirmation que Baptiste Herbin est un remarquable musicien et en plus éminemment sympathique.
Christophe Wallemme : Ôm Project
A Christophe Wallemme de nous proposer son « Ôm Project » inspiré par ses séjours en Inde dans les années 70 et des musiques de l’époque.
« Du rock jazz plutôt que du jazz rock » selon ses propos. Il y a du monde sur scène et du beau. Autour du bassiste, Manu Codjia (guitare), Alfio Origlio (piano, Rhodes), Pierre-Alain Tocanier (batterie), Adriano Tenorio (percussions) et une chanteuse vocaliste Cynthia Abraham très agréable aussi à la flûte.
Atmosphère planante pour commencer – c’est vrai qu’à l’époque ça planait déjà pas mal – avec les vocalises de Cynthia, les bruitages d’Adriano.
A lui seul il vaut le spectacle derrière son stand de percus dégoulinant de toute sa bimbeloterie.
Le climat se fait plus funk, la basse plus marquée, la batterie plus forte. Manu régale à la guitare évoquant tantôt Metheny, tantôt McLaughlin mais sans plagier, il n’en a pas besoin, il a de l’or dans les doigts.
Sur le titre « Flashback » on reconnaît, et Christophe le confirme, l’influence de Weather Report, Alfio enfilant les habits de Joe Zawinul qui ne lui vont pas si mal.
A mes côtés le contrebassiste Jean-Luc Fabre compte les mesures, « ça c’est du 11 tu vois 4, 4 et 3 et là c’est du 7, que de l’impair, pas facile » du chinois pour moi, quand on aime on ne compte pas ! Christophe Wallemme est un des proches complices d’Eric Séva et bien sûr celui-ci va venir terminer le concert avec eux, un bonheur de plus en cette belle soirée.
Sous les photos des artistes ayant joué de la musique ou des pièces de théâtres – dont celle du grand Claude Nougaro, amateur de jazz et de Garonne – debriefing de tout ça autour d’une coupette et de délicieux biscuits, toujours dans cette ambiance simple et amicale qui règne ici. Bientôt une heure du matin, un retour à Bordeaux à faire et Manu Codjia à y ramener à son hôtel. Il prend le train pour Paris à 7 heures car il joue l’après midi en banlieue et il doit répéter avant ! On évoque dans la voiture son métier qui souvent fait rêver, la musique, les voyages ; oui les voyages, récemment avec le Moutin Factory 5tet, 2000 kilomètres en une journée en vans pour rallier New Orleans à New-York, ça fait moins rêver. « Mais j’adore ce que je fais » ; encore heureux !
Merci Eric, merci Myriam, merci à votre équipe, merci à tous pour votre gentillesse et votre simplicité. Continuez.
