Jazz et Vin en Double : Leïla Olivesi et Giovanni Mirabassi
par Martine Omiécinski, photos Frédéric BoudouFestival Jazz et vin en Double, La Roche-Chalais, samedi 20 juillet 2024Premier concert :Moiteur d’un temps incertain, mais le soleil est là pour accueillir Leila Olivesi et son Quintet. « Astral » qu’elle nous recommande d’écouter les yeux fermés pour se laisser emporter (extrait de son dernier album) débute tout en douceur et vibrations cosmiques, Leila au piano à une frappe appuyée, précise, Adrien Sanchez au saxophone se lance dans de vives circonvolutions « free style », Donald Kontomanou à la batterie et Yoni Zelnik à la contrebasse assurent le groove et l’ancrage avec panache, des cordes de Manu Codjia s’envolent des sons célestes. La liberté de ton, les échappées folles des Cinq et le final créatif et déstructuré nous ont fait décoller vers les astres dès le premier morceau.Sur « Jones », une reprise, la batterie « cymbalienne » de Donald peut évoquer Elvin Jones, le sax ténor se fait puissant et délié, Leila frappe avec envie communiquant son enthousiasme à ses acolytes et au public, puis déroule une longue suite brillante sur fond de folie rythmique, Manu nous émouvant d’un solo final à la guitare.« Sunland » s’ouvre sur un fin travail d’orfèvre de Donald sur lequel Leila surfe en vagues douces, Yoni touche à la volupté avec sa contrebasse, Manu ajoute une touche lyrique. Le piano reprend le leadership pour la mélodie seule puis dialogue avec Adrien romantique : Magnifique !« L’Ile de Beauté » nous rappelle les origines de Leila pour partie Corse (l’autre étant mauritanienne), la mélodie est envoûtante avec rythme et décrochages, lyrisme au piano et boucles musicales de plus en plus groovy.« Afro Queen » Co-composé avec Donald qui débute en souplesse entre fûts et cymbales puis le rythme s’accélère, ondulant sur un court leitmotiv portant les improvisations d’Adrien au saxophone.Sur « Scorpio », un arrangement du morceau de Mary Lou Williams (une artiste référence pour Leila) Yoni couve sa contrebasse pour un solo charnel puis la mélodie devient joyeuse, rythmée, Leila, solaire, entraîne le public à frapper dans les mains.Suit un hommage à Wayne Shorter (décédé en 2023) « Wayne Left Town » : Adrien jongle de la partition à l’impro avec le beau son de son ténor, la rythmique diablement efficace et Manu royal d’inventivité. Le trio de base suit en osmose totale, Leila mène le jeu, super vive, époustouflante !« Révolutions » a été enregistré avec Manu lançant de puissants et étonnants effets sonores, Donald en grande forme échange visuellement et tout sourire avec Leila, leur complicité à tous se voit et s’entend pour le plus grand plaisir du public qui applaudit à tout rompre.« Black Widow » sera le rappel : « un polar musical » annonce Leila, effectivement c’est très cinématographique, chacun y va de ses sons menaçants sur un tempo bluesy suscitant le suspens. Le final collectif explose. Quel bon début de soirée !Leila Olivesi : Piano, compositions / Adrien Sanchez : Saxophone / Manu Codjia : Guitare / Yoni Zelnik : Contrebasse / Donald Kontomanou : BatterieDeuxième concert :Le Quartet de Giovanni Mirabassi s’empare de la scène sous un ciel menaçant !Dès le premier morceau le boss impose son art de manier les touches du piano d’abord plaquées puis déroulant les accords avec aisance et doigté longuement, magnifiquement. Guillaume Perret puissant et bouillonnant au saxo lui fait écho, Gianluca Renzi à la contrebasse nous fait savourer un solo vif, allègre, libre inventif au possible quant au batteur Lukmil Perez d’origine cubaine, nul doute qu’il a le rythme dans la peau.Une ballade suave « Red for Fred » dédiée à un ami pianiste américain suit, jouée tout en tendresse par tous, le saxo s’enlumine de phrases sophistiquées et bien huilées. La complicité entre Giovanni et Gianluca fait plaisir à voir et à écouter (Gianluca n’étant pas le pianiste habituel du quartet mais un complice de longue date vivant à New-York), Giovanni survole les touches, les sons s’envolent littéralement : magnifique !Sur « Getty Nasty » notons les performances « free » de Lukmil et de Guillaume aussi déchaînés et imaginatifs l’un que l’autre !Le feeling à fleur de peau de la douce mélodie « The Swan and the Storm » met en valeur le lyrisme du piano et le saxo aux libres envolées.« Maïdan Rhapsody » au tempo très rythmé met en avant un Guillaume volcanique qui fait siffler son saxo, le rythme s’accélère et Giovanni décolle en osmose avec Gianluca et Lukmil : le plaisir de jouer les rend heureux et inonde le public emporté par leur brio.« Go with the Flow » sera le point final de ce concert : Guillaume prolixe danse avec son instrument, Lukmil nous offre un solo aussi brillant que tonitruant, Gianluca vibre autant que ses cordes, quant à Giovanni la maturité lui va comme un gant, la créativité de ses morceaux et de ses clin d’oeils (ici quelques extraits du Chant des Partisans » repris par le public) nous ravissent. La pluie a même attendu qu’ils finissent pour se manifester pendant les applaudissements très fournis du public. Quel concert !