HENRI TEXIER « AN INDIAN’S LIFE »
5 étoiles
Label Bleu sortie le 13 octobre 2023
Chronique de Martine Omiécinski le 23 octobre 2023
Henri TEXIER : Contrebasse, compositions
Sébastien TEXIER : Saxophone alto, clarinettes
Manu CODJIA : Guitare
Gautier GARRIGUE : Batterie
Carlo NARDOZZA : Trompette, bugle
Sylvain RIFFLET : Saxophone ténor, clarinette
Himiko PAGANOTTI : Chant
Ce nouvel opus d’Henri TEXIER « An Indian’s Life » clôture 1 histoire en 3 volets commencée en 1993 avec l’anthologique « An Indian’s Week » (occasion de le ré-écouter avec toujours autant de plaisir !), poursuivie avec « Sky Dancers » faisant de la cause amérindienne, au-delà de la figure mythologique de l’indien un thème pour exprimer sa création musicale.
Henri magnifie ce rapport aux ancêtres et à leur culture comme dans ses plus belles plages sur l’Afrique.
Encore une fois, son fil d’Ariane « Indien » nous fait cheminer à travers son univers mélodieux où chaque instrumentiste déroule la partition et/ou se jette dans une improvisation vivifiante.
Henri TEXIER s’est, une nouvelle fois, remarquablement entouré. On retrouve les brillants piliers déjà présents sur l’album précédent : « Chance » : Manu CODJIA, Gautier GARRIGUE et bien sûr Sébastien TEXIER auxquels s’ajoutent :
- Carlo NARDOZZA : un trompettiste belge – Il n’y avait pas eu de trompette dans les formations d’Henri depuis Michel MARRE sur l’album « La Compañera » de 1983 (avec Louis SCLAVIS à la clarinette), les autres albums faisant la part belle aux autres cuivres (Glen FERRIS au trombone dans « An Indian’s Week » ou « Mosaïc Man » de 1998, Lee KONITZ au saxophone dans « Respect » de 1997 ou encore Joe LOVANO au sax dans « IZLAZ » 1988 et « Colonel SKOPJE » 1989 pour n’en citer que quelques-uns)
- Sylvain RIFFLET autre cuivre au saxophone ténor et à la clarinette
- Himiko PAGANOTTI au chant : encore une innovation d’Henri qui introduit une voix féminine. Elle a été pour lui la révélation du fait que l’Indien actuel était en fait une femme d’où le premier titre du disque : « Apache Woman ».
Tous les morceaux sont des compositions d’Henri sauf une reprise : « Black and Blue » de Fats WALLER.
Quelques « notes » sur les morceaux :
« Apache Woman » : En clin d’œil au disque « An Indian’s Week » l’ouverture est exécutée aux tambours par Gautier GARRIGUE, suit un dialogue enlevé entre Gautier et Manu CODJIA très en verve avec sa guitare puis Carlo NARDOZZA fend les airs avec brio de sa trompette lancinante rattrapée par les 2 saxophones de Sébastien TEXIER et Sylvain RIFFLET dont les volutes s’entrelacent magnifiquement puis Henri TEXIER prend le solo de sa contrebasse au son chaud et enveloppant. Les dialogues se poursuivent : batterie/contrebasse, voix (Himiko PAGANOTTI )/cuivres, guitare/batterie, un morceau d’ouverture très réussi au groove implacable et impeccable!
« Black Indians » : Blues débuté par les cuivres suivi de Manu CODJIA très lyrique – Manu excelle à la « succession » de Steve SWALLOW ou de John ABERCROMBIE dans les albums d’Henri TEXIER ! Notons également la belle plage de saxo de Sébastien TEXIER puis les changements de tempo appuyés de son père.
« Miss Canthus » : Pour l’apport du sax ténor de Sylvain RIFFLET et la couleur amenée par Carlo à la trompette, pour les cordes (guitare et contrebasse) qui rivalisent d’inventivité.
« Black and Blue » composé par Fats WALLER et chanté par Louis ARMSTRONG est ici interprété par la voix grave et unique de Himiko PAGANOTTI, le chant jaillit au-delà de la puissante rythmique radoucie par les cuivres en circonvolutions plus légères.
« Mingus love call » est un hommage à ce grand musicien admiré par Henri qui s’imprègne de la façon de jouer du maître, les cuivres rivalisent en « free style » dans une impro collective où se mêlent guitare et batterie.
« No fear song » : L’univers d’Henri multifacettes nous embarque dans un morceau « pop » où Manu s’éclate à la guitare sur une rythmique imparable (jeu itératif de Gautier) où explose Carlo au bugle suivi d’un solo magistral de Gautier, le retour collectif sur le thème est très expressif !
« Hopi Hippie » : A l’atmosphère un peu orientalisante à l’entame succède l’alto et la voix puis Gautier aux tambours suggère une musique amérindienne (les « Hopi » sont d’ailleurs une tribu d’Arizona), puis les cuivres se lâchent en impro (dont le bugle) puis la guitare vive, Henri calme le jeu joliment Gautier lui emboite le pas en solo vers un final déchainé de tous : jubilatoire !
« Steve et Carla » : Hommage à un couple de légende amis de longue date d’Henri. Steve SWALLOW comme signalé plus haut fut un compagnon de route musicale sur plusieurs disques et la grande Carla BLEY, son épouse, une magnifique compositrice et pianiste connue notamment pour une œuvre majeure : « Escalator over the hill », un opéra écrit en 1971, une pièce musicale exceptionnelle. C’est poétique, la trompette est lyrique, le sax alto magnifique et les cordes très sensibles…Super !
Bref encore une belle production de l’un de nos musiciens majeurs qui suit sa ligne directrice, son univers propre tout en proposant chaque fois des innovations nous procurant beaucoup de plaisir et nous allant droit au cœur !