Par Dom Imonk, texte et photos.

Festival Sons d’été – Rocher de Palmer le lundi 12 juillet 2021

Paolo Fresu Trio – Tempo di Chet

Après des mois de disette, imposée par la pandémie, les concerts live ont repris de plus belle un peu partout en France, et dans notre région, comme en témoigne par exemple Sons d’Été, un nouveau festival, de coloration plutôt jazz, programmé, entre autres belles propositions estivales, par un Rocher de Palmer, toujours aussi dynamique et ouvert aux sons qui bougent et titillent l’émotion. Vu le nombre de concerts à l’affiche, ce n’est pas le simple songe d’une nuit d’été ! Il fallait y croire, car ne dit-on pas que l’espoir fait vivre ? Certes ! Mais ajoutons aussi que l’esprit fait voir la vie d’une autre façon! Espoir et esprit, deux catalyseurs essentiels de l’alchimie vitale du Rocher de Palmer et de Paolo Fresu, premier invité de ces nouveaux rendez-vous. Déjà présent ici-même en octobre dernier, où il avait rejoint les chanteurs corses d’A Filetta, et le bandonéoniste Daniel Bonaventura, le voici ce soir en trio, dans une toute autre formation. C’est Chet Baker qui est à l’honneur dans « Tempo di Chet », projet initialement théâtral, proposé en trio pour les scènes musicales. Paolo Fresu est l’un des fils spirituels du grand trompettiste, une passion dont témoignait déjà «Shades of Chet », disque de 1999 mené avec Enrico Rava, un autre de ses mentors. Entouré de Dino Rubino (piano, mais également trompettiste de formation), et de Marco Bardoscia (contrebasse), deux excellentes pointures de la scène italienne, également présents sur l’album « Tempo di Chet » (Tǔk Music, 2019), Paolo Fresu s’envole avec ses complices, dans de touchantes histoires, sereines et nostalgiques, révélant à chaque note le lien intime entretenu avec Chet Baker, qui aima l’Italie et elle le lui rendit. Les thèmes, principalement des standards jazz, défilent en une respiration élégante et aérienne, facilitée par la délicate légèreté d’un groupe de jazz sans batterie, les touches percussives étant, selon le cas, assurées avec tact par quelques accords plus fermes de piano, par de furtifs frottements (caresses ?) du bois doré de la contrebasse, suivis de frappes presque « slap » de ses cordes, ou encore par la bague du leader, heurtant, finement taquine, trompette ou bugle. Les sourires complices échangés entre ces trois, la manière de bouger, les mots et la gestuelle singulière de Paolo Fresu, entre mime discret et chorégraphie suggérée, rendent naturellement saisissant ce spectacle vivant. D’autant que nous avons aussi été touchés par l’âme de conteur du trompettiste, notamment quand il nous a raconté avec humour (et détails croustillants !) l’histoire de « Hotel  Universo » (un « hôtel de charme » selon lui) à Lucca, ville au sud de Florence, où il donnait un concert, et de la « chambre n°13 » qui lui était réservée (La n° 18 en fait, à la fin de son récit !) qu’aurait jadis occupé Chet Baker, dont une photo trônait derrière le lit. Charmant interlude ! Passionné de technologie, Paolo Fresu utilise par moment un  dispositif électronique qui lui permet de tatouer son jazz d’une chercheuse modernité, en modifiant les sons, pour les allonger, les rendre plus vaporeux, et créer ainsi en l’instant des phrases d’un onirisme mystérieux, qui ne sont pas sans rappeler celles de son ami Jon Hassell, l’un des pères du mouvement « ambient », récemment disparu. Paolo Fresu a dû penser à lui ce soir-là, en les jouant. Le concert s’écoule ainsi, en climats alternés, de balades intimes susurrées, en instants plus vifs, où la trompette tranche alors le silence, comme celle d’un Miles Davis, autre artiste aimé de Paolo Fresu. La beauté des lueurs du passé cohabite harmonieusement avec des scintillements plus actuels, et les morceaux s’enchainent, mus par une force collective, laissant la part belle à de superbes chorus des trois. Les temps forts furent nombreux, comme cette version de « My Funny Valentine » totalement réécrite, et quelques autres attachantes pépites. La cohésion du groupe, en tous points remarquable, rappela le trio magique que forma jadis Chet Baker avec Michel Graillier et Riccardo Del Fra. Un concert émotion qui a ouvert idéalement ce nouveau festival, et a touché un public nombreux, cela faisait longtemps que nous n’avions pas vue la salle 650 aux trois quarts pleine !

Merci à ces lumineux musiciens, ainsi qu’au Rocher de Palmer et à ses équipes !

Paolo Fresu

Dino Rubino

Marco Bardoscia

http://www.paolofresu.it/

http://www.tukmusic.com/

https://www.lerocherdepalmer.fr/