Par Annie Robert

Monségur / les 24h du swing / 6 juillet 2018

En ce vendredi ensoleillé, c’est le démarrage des 24h du swing.
Monségur, sa délicate bastide perchée, ses paysages de vignes, de bois et de prés s’apprêtent à se lancer dans trois jours de belles festivités autour du jazz et du swing… 29 ans que cela dure… Une longévité enviable dans cette douce ruralité girondine, une sérénité joyeuse mais une opiniâtreté nécessaire parfois pour défendre une culture qui ne va pas de soi.… Monségur tient la place, avec panache !!

Depuis trois ans maintenant, le festival démarre par un ciné- concert au cinéma Eden: ce fut «Le dernier des hommes» de Murnau en 2016, puis quatre courts dessins animés de Walt Disney en 2017 et cette année «Safety last» de Harold Lloyd.

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Avec le ciné concert, on plonge dans une belle alliance, celle de l’image et de la musique. Du temps du cinéma muet ( mais pas seulement) les films étaient accompagnés en direct par soit un piano pour les salles modestes, soit un ensemble instrumental pour les grandes salles. Des partitions la plupart du temps écrites mais parfois aussi improvisées en direct où le jazz tenait la part belle. Dès le départ, il a fallu pour les créateurs s’interroger sur cette coopération… Illustrer ? Anticiper ? Soutenir ? Quelle est donc la place de la musique dans un film, son importance, sa signature ?

Ce soir, nous avons la chance d’avoir pour nous tout seuls un spécialiste, un créateur de ciné concert reconnu par tous : Christian Paboeuf qui revisite depuis dix ans les grands classiques du cinéma muet. S’appuyant sur le hautbois, les flûtes à bec alto et basse mais aussi sur un vibraphone, soutenu par une bande son qu’il a créé tout exprès, il conçoit une musique égrenée de sons réels joués en direct, remplie de poésie, toujours étonnante et jamais redondante avec l’image. Pleine d’inventivité.

Quant au film, tout le monde a en tête l’image de cet homme aux lunettes d’écaille, suspendu dans le vide aux aiguilles d’une grande horloge, mais peu nombreux sont ceux qui peuvent citer le titre du film: Safety last (Monte la dessus en français).
Un classique mais pas tant que cela car on s’aperçoit en le regardant à nouveau de son étonnante modernité.
Tout semble déjà inventé: caméras embarquées, plongées et contre-plongées, cadrages, prises de vue et trucages. Rajoutons y le rythme infernal des gags, un scénario campé, des personnages bien dessinés et un crescendo hallucinant dans l’absurde et le drolatique. Sans parler du témoignage de la vie moderne en marche…
Un film incroyable, vivant, vertigineux. Et si contemporain qu’on en reste ébahi.
Une redécouverte que Christian Paboeuf va dessiner avec une belle délicatesse une heure durant. La musique qu’il nous offre est tellement incluse qu’on arrive à l’oublier, ce qui je pense est le summum de la réussite… merci à lui pour ce talentueux et gai moment.

Le suite de la soirée se déroulera en compagnie de Michele Hendricks, maîtresse incontestable du scat vocal pour un hommage croisé à Ella Fitzgerald et à son propre père Jon Hendricks, véritable « fou chantant », reconnu comme l’un des maîtres du vocalese, parolier des plus grands jazzmen modernes dont il était l’ami. Bruno Rousselet  Philippe Soirat et Arnaud Mattei  l’accompagnent pour un moment classique, rodé, impeccablement professionnel. La présence du saxo d’ Olivier Temime, de son look décalé, et de sa belle puissance d’invention nous permettront quelques échanges denses dans un programme court ( une heure dix, rappel compris) et sans surprise, l’heure tardive du concert ne facilitant pas peut être l’implication totale ni du public, ni de l’artiste.

Les journées de samedi et dimanche vont gagner en intensité, les scènes s’éclairant un peu partout, les arcades vibrant d’une bruit délicieux, celui des supporters … de jazz bien sûr !!

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