South Town Jazz Festival 2022 – #1/2

par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat

South Town Jazz Festival, Soustons (40) mars 2022.

Premier des deux volets consacrés au festival dont la dernière édition datait de 2019. Le bonheur de s’y retrouver !

Lundi 21 mars

Il aura donc fallu patienter trois ans avant de retrouver la sympathique et efficace équipe du festival de Soustons, habilement nommé South Town Jazz Festival. Deux millésimes sans récolte, 2020 et 2021, allusion viticole à la nouvelle passion de son directeur musical, le grand batteur Guillaume Nouaux qui durant cette longue période de disette a préparé, avec le sérieux qui le caractérise, des qualifications d’œnologie, non en vue d’abandonner la musique mais pour penser à autre chose en attendant la reprise. Dieu merci il a retrouvé ses baguettes et son activité musicale a repris de plus belle et partager un verre avec lui devient maintenant très instructif.

Pour ce premier soir c‘est une conférence qui ouvre le festival, Bernard Jouan, président du Hot Club du Bassin d’Arcachon est venu nous parler des « Fondamentaux du jazz ». Il est ravi de se retrouver devant une assemblée moins grisonnante que d’habitude, son intervention se déroulant au Pôle Sud de Tyrosse qui héberge l’antenne sud du Conservatoire des Landes et donc de jeunes élèves. De l’histoire, des anecdotes et des illustrations musicales jusqu’au hard bop inclus. Très intéressant aussi bien pour les novices que pour les autres. « Après ce n’est plus du jazz » selon ce digne représentant du Hot Club de France !

Place au concert des Grands Elèves et de leurs professeurs dont certains qui, à Action Jazz, nous sont familiers, comme Didier Ballan (directeur du département de jazz) ce soir à la basse et pas au piano et Guillaume Schmidt toujours aussi brillant aux saxophones et compositeur de trois magnifiques morceaux qu’il va jouer avec ses élèves. Des élèves prometteurs, un batteur de vingt ans déjà bien expérimenté, Loïc Bonnaud, Gilda une délicieuse chanteuse, Jules pianiste-bassiste lui aussi et d’autres.

Mardi 22 mars

Le lendemain honneur aux photographes avec le vernissage de l’exposition des photos de Philippe Marzat d’Action Jazz heureux de retrouver sur les cimaises ses collègues du coin, Franck Mage, Max Loubère, Fernand Mainpin et Pierre Vignacq. Avec eux l’artiste peintre Sonia Michel et ses toiles faites d’entrelacs très habiles.

Puis place au premier concert dans la salle Roger Hanin de Soustons, celui du International Classic Jazz All Stars . Entièrement acoustique, à l’ampli de guitare près du pittoresque et talentueux vétéran américain Howard Alden, ce sextet s’est regroupé autour du saxophoniste ténor espagnol Enric Peidro : on trouve le magnifique tromboniste californien Dan Barrett, le pianiste au style élégant et fluide l’anglais Richard Busiakiewicz , l’espagnol Andres Lizon à la contrebasse et bien entendu Guillaume Nouaux à la batterie.

Du swing, il va y en avoir, tout en souplesse avec une apparente facilité d’exécution, la rythmique impeccable déroulant aux trois solistes un tapis des plus confortables. Ah ce son onctueux du saxophone avec ce vua-vua velouté, cette pureté du trombone avec ce chorus amusant et terrible, tout en glissando, la délicate guitare à sept cordes venant se mêler aux deux vents. Et toujours quelques morceaux de bravoure de Guillaume Nouaux au top de sa forme devant les siens ici à Soustons où il vit depuis quelques années quand il n’est pas sur les routes. D’ailleurs il était de la tournée espagnole de deux semaines de ce sextet qui s’achève ici. L’extravagant Howard Alden nous proposera un titre en solo et surtout un autre en duo avec Dan Barrett, d’une délicate finesse. Tout cela est des plus classiques, l’enchaînement des chorus bien réglé, et il se trouve qu’on est venu pour ça, ce jazz intemporel merveilleusement interprété, ce swing au rasoir qui ne vous quitte pas, ce style que certains puristes revendiquent comme le vrai jazz. Laissons les étiquettes et prenons tout simplement le plaisir qui nous est offert, ça fait tellement de bien ! « Enjoy the douce ambiance !» nous lâchera d’ailleurs Dan Barrett dans une tentative amusante de parler notre langue. Quant à Enric Peidro, dans son anglais hispanisant il nous livrera son état d’esprit « Jazz is over amplified nowadays », carrément ! Final sur « Lady be good » version Lester Young, la classe tout simplement.

Mercredi 23 mars

Deuxième concert du festival, le très attendu trio de Julien Brunetaud. Annoncés pour l’édition 2020, puis celle de 2021, les voilà enfin sur scène, aussi impatients que nous ! Grand pianiste de blues, Julien Brunetaud a élargi son répertoire sur son dernier album « Feels like home » et le concert de ce soir va être un assemblage habile de ce disque et du précédent « Playground » dédié lui au blues de New Orleans. Plusieurs fois je me surprendrai à attendre l’arrivée sur scène de Dr. John mais Julien qui chante aussi se débrouille très bien sans lui qui écoute peut-être depuis le paradis des bluesmen. Si Julien Brunetaud est là ce soir ce n’est pas par hasard – jamais le cas ici pour les musiciens d’ailleurs – mais parce qu’il est un vieux complice de Guillaume Nouaux. Associés de nombreuses fois par le passé, ils ont même accompagné ensemble dans leur jeunesse un certain Chuck Berry ! Sam Favreau à la contrebasse et Cédric Bec à la batterie (le set de Guillaume, endorsé comme lui chez ART Custom Drums une marque française). On ne le sait pas encore mais on va se prendre une grosse claque avec ce concert, alternant blues dynamiques et blues profonds, jazz moderne et ballades romantiques mêlant sonates et blues, nous transportant au Mardi Gras de NO au rythme des second lines ou nous prenant par la main pour du boogie-woogie flamboyant. Quelle générosité de ces musiciens qui vont jouer deux sets, en tout 2h10 de musique, partageant avec nous le plaisir évident et avoué qu’ils ont de se retrouver sur scène.

Quel pianiste ! Ah ce « Russian Rag » rebaptisé « Ukrenian Rag », magique. Quel romantisme dans ces ballades où au milieu des sonates le blues n’est jamais loin. Quelle verve de la main droite et quelle accompagnement de la gauche, aucune touche du piano ne sera oubliée et certainement du travail pour l’accordeur après ce déploiement d’énergie.

Quel contrebassiste ! Fondamental rythmiquement bien sûr mais aussi alerte et musical dans ses initiatives. Un son rond et profond qui ne vous lâche pas.

Quel Batteur ! Une inventivité incroyable et des ponctuations infinies, virgules de cymbales, points d’exclamations de grosse caisse, points EN suspension, comment peut-on faire tout cela avec une « simple » batterie ?

Et les trois ensemble c’est de l’ horlogerie de précision. Quel concert ! Amis bordelais ne les ratez surtout par pour le festival « Jazz & Blues » le 9 juin prochain à Léognan.

A suivre :SouthTown 2/2

Galerie photos de Philippe Marzat :

International Classic Jazz All Stars

Julien Brunetaud trio :

Classes Jazz :