Dhafer Youssef « Street of Minarets » à l’Opéra de Bordeaux

par Philippe Desmond

Auditorium de l’Opéra de Bordeaux, jeudi 23 janvier 2025.

La programmation en jazz de l’Opéra de Bordeaux à l’Auditorium est souvent prestigieuse. Cette fois encore c’est une figure de la musique jazz actuelle, celle où le mot fusion prend tout son sens, qui nous est proposée, le oudiste et chanteur tunisien Dhafer Youssef. Il vient présenter sa dernière création qui a fait l’objet de l’album « Streets of Minaret ». Sur l’album figurent Herbie Hancock, Marcus Miller, Dave Holland, Ambrose Akinmusire, Vinnie Colaïuta, Nguyen Lê… Avec qui va-t-il donc se présenter ce soir ?

L’Auditorium est quasiment complet ce soir et let du temps a se remplir – Dhafer Youssef est devenu un personnage important du jazz – et ainsi pour une des rares fois ici c’est avec cinq minutes de retard que le concert va commencer. Dhafer entre le premier, suivi de, surprise, Daniel Garcia (1 – piano), Swaéli Mbappé ( 2 – basse), Tao Ehrlich ( 3 – batterie) que j’identifie et d’un trompettiste qui s’avéra être le musicien Autrichien Mario Rom. Un plateau de tout premier choix que ces jeunes musiciens au palmarès déjà très bien étoffé.

Le concert débute de façon intimiste en duo piano voix , Dhafer chante dans sa langue maternelle, vocalise de sa large tessiture aux aigus puissant et ahurissant. Les sons arabo-andalous nous enveloppent jusqu’à une surprenante explosion funk-fusion. Le ton est donné, une succession de climats changeants, la douceur laissant progressivement place à l’énergie, inexorablement. L’échange entre Dhafer et ses musiciens est permanent, il les dirige d’un bras vif, il va les « provoquer », les lancer, dialoguer. Les regards lors de ces échanges ne trompent pas, un check du poing vient les conclures.

La fusion alterne avec les mélopées, mais finit par l’emporter jusqu’à l’apothéose du titre dédié a la Palestine traduisant la violence du propos. Quel solo explosif de Tao ! Il a bien sûr été impressionnant tout au long du concert, aussi à l’aise dans la légèreté que dans l’énergie. Tous ont été magnifiques dans ce registre musical pas facile à jouer, bourré de mesures impaires et complexes. Daniel, quel pianiste ! Lyrique, inspiré il est d’un des meilleurs du genre actuellement. Swaéli au groove monstrueux mais aussi plein de finesse quand il le faut. Mario, inarrêtable dans ses chorus virtuoses sur sa trompette proche d’un bugle. Quant à Dhafer c’est un véritable oudhero, délivrant avec maestria le son si caractéristique et coloré de ce bel instrument.Et quelle voix magique !

Une réelle fusion culturelle, pour un concert chaleureux mené par un Dhafer Youssef rayonnant et à l’humour taquin. Public debout !

(1) Daniel Garcia, merveilleux pianiste espagnol, leader de son propre trio et équipier d’Antonio Lizana et son jazz flamenco.
(2) Swaély Mbappé joue dans le collectif Monsieur Mâlâ, il a collaboré avec Jean- Luc Ponty, Blick Bassy, China Moses et Gaëtan Larrue…
(3) Tao Ehrlich que nous avions découvert tout jeune avec Tom Ibarra puis retrouvé avec Panam Panic, Léon Phal, Eric Truffaz…