par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
le 26 janvier 2021
Lors des concerts, le premier qui a rangé son matériel, c’est l’harmoniciste, il glisse instantanément l’instrument dans sa poche et peut aller de suite boire un coup ! Pendant ce temps le batteur empile ses caisses et cymbales, les vents astiquent leurs cuivres – du moins les plus soigneux – les guitaristes enroulent les fils et rangent leurs amplis… Et dans le train c’est moins encombrant qu’une contrebasse. Est-ce tout cela qui guide certains musiciens vers le choix de l’harmonica ?
Ce petit instrument inventé au début du XIXe siècle, supposément en Europe centrale, a réussi à trouver une place, souvent petite, dans tous les styles de musique. On pense bien sûr au blues, de Robert Johnson à Jean-Jacques Milteau en passant par John Mayall, mais aussi à la country avec Charlie McCoy, au folk avec Dylan et son « clone » français Hugues Aufray, à la soul avec Stevie Wonder, au rock avec Mick Jagger et Brian Jones, à la variété avec le trio d’Albert Raisner et anecdotiquement Antoine et enfin au jazz avec le regretté Toots Thilemans et plus près de nous Olivier Ker Ourio et Laurent Maur. Dans le coin, ce sont les bluesmen Teddy Costa, Nico Wayne Toussaint et Cadijo qui en sont les spécialistes, mon pote Dany Ducasse faisant souvent des irruptions impromptues sur les scènes bordelaises avec les siens.
Mais ce petit instrument de poche a quand même un inconvénient, il a besoin d’être amplifié. De là l’obligation d’utiliser un micro fixe sur pied, obligeant souvent l’harmoniciste à se contorsionner, ou un micro mobile, coincé sous l’instrument dans le creux de la main, encombrant et lourd.
Ainsi Roger Frébault, qui s’est mis à l’harmonica depuis sept ans seulement, a eu l’idée de créer un micro dédié aux harmonicistes. Et comme il aime les beaux objets, il a décidé de le faire en bois à l’image de la structure de l’instrument lui-même. Son premier il l’a construit en septembre dernier à partir de bois de récupération.
Une coque ergonomique, d’un diamètre d’une cinquantaine de millimètres, une cellule, un peu d’électronique, une prise de raccordement, un bouton de volume commandé avec le petit doigt et le premier prototype était prêt en trois semaines. Un second avec potentiomètre a vite vu le jour et après l’avoir lui même testé, Roger est allé tout penaud le présenter à son professeur d’harmonica, le bluesman bordelais Teddy Costa, spécialiste de l’instrument. Quand à la fin du test Teddy lui a crié « génial, j’en veux un ! » imaginez sa joie et son soulagement !
Depuis il en a fabriqué artisanalement une vingtaine dans son garage atelier sur un petit tour à bois, dans diverses essences, du noyer, du chêne, du hêtre, du palissandre, du merisier, du tek, et même en lamellé collé de hêtre avec du cocobolo, un bois exotique brun rougeâtre. Tous ces bois proviennent de chutes, d’anciens meubles, lits, armoires dénichés chez les gens qui s’en débarrassent…. La finition est parfaite. Pas de prise jack mais un raccordement vissé Switchcraft qui évite un arrachement intempestif. Il fournit même les câbles avec la connectique ou un raccord spécial pour un émetteur HF.
En dehors de l’aspect pratique, trois fois plus léger qu’un micro en métal, c’est le rendu de l’instrument qui en est amélioré. Plutôt conçus pour le Chicago Blues avec ses sons saturés, ces micros sont selon l’essence utilisée, de rendus différents… quand on a une bonne oreille. Mais on peut les utiliser bien sûr pour d’autres styles de musique. Roger a aussi cherché à obtenir un son vintage avec des composants modernes.
Nous sommes venus avec Dany Ducasse, le rocker vintage bordelais, et sa boîte d’harmonicas et il même amené son propre ampli Fender. Son choix a fini par se porter sur un modèle en hêtre/cocobolo au demeurant esthétiquement magnifique avec son contraste de couleurs. Dany va envoyer du bois désormais.
Ne doutons pas que le filon va vite être connu, les prix restant très accessibles, équivalents à ceux des lourds micros traditionnels. Un gros site de blues québécois l’a même déjà repéré…
La visite s’est terminée autour d’un café, Dany à la guitare et Roger à l’harmo pour une impro de blues bien sympathique, mais en acoustique pure.
NB : les 10, 11 et 12 septembre 2021 se tiendra à Caudrot (33) un festival de musique autour de l’harmonica et de l’accordéon « , le Harmodéon Festival 2021.
Vidéo source Sud-Ouest :
site web : https://rogersmics.com/