Capbreton Jazz Festival 2024

par Philippe Desmond

Une semaine de jazz à Capbreton du lundi 1er au dimanche 7 juillet ! Action Jazz a vécu les trois derniers jours, ceux où les concerts du « In » ont eu lieu.

Vendredi 5 juillet

Depuis quelques années les concerts démarrent le vendredi matin à l’heure de l’apéritif au jardin public, le long du Boudigau, cette rivière qui rejoint le port de Capbreton après avoir longé les dunes sur le très ancien lit de l’Adour.

On découvre la formation toulousaine Les Rogers Brass dans la grande tradition des formations de New Orleans, celles qui sillonnent les rues en marching band mais qui se produisent aussi en clubs. New Orleans certes mais de toutes les époques, du traditionnel mais aussi du moderne avec des pointes de funk. De tels groupes on en voit beaucoup mais pas souvent avec de tels arrangements superbes et pleins de fantaisie. Une très belle ouverture du festival sous un soleil timide, mais au moins il n’est pas loin. https://www.lesrogersbrass.com/

On se retrouve le soir pour l’inauguration officielle du festival avec les élus locaux autour de Bernard Labat le chef d’orchestre de la semaine. Ce festival est offert au public il y a donc quelqu’un qui finance. En tête bien sûr la ville avec en plus le travail des services mais aussi la communauté de communes MACS (Maremne Adour Côte Sud) et le Département des Landes. On ne les remerciera jamais assez.

Après les discours place à Jeff Espinoza (guitare et chant) et Gaby Jogeix (guitare et lap-steel électriques) en duo. Le premier, californien désormais installé en Espagne, a travaillé avec Steve Cropper, les Blues Brothers, Chris Rea, Stevie Ray Vaughan… Le second est un des spécialistes mondiaux du lap-steel instrument ressemblant au pedal-steel guitar mais sans pédale. Du blues, du folk-blues, un peu de country et surtout une qualité musicale extrême. Voix profonde de Jeff, solos incroyables de Gaby, une découverte majeure. A noter que chaque soir à 19 heures la programmation est aux mains de l’association culturelle locale Le Circus qui et – ce n’est pas la moindre de ses qualités – assure le bar et la restauration sur place !

Capbreton est jumelée avec la ville de Nazaré au Portugal, célèbre pour sa gigantesque vague mais aussi désormais pour son Big Band. Après un échange là-bas avec le Big Band Côte Sud c’était au tour des Portugais de venir jouer avec eux ici. On annonçait une battle de Big Bands mais ce qui n’était pas prévu c’est qu’à la même heure se disputait une autre bataille entre les deux équipes de foot nationales !

Mais avant ce combat c’était plutôt une rencontre pacifique qui avait lieu. Toujours dans le cadre de l’échange, un sextet franco-portugais nous a proposé un très beau concert, les jeunes musiciens mêlant leur compositions après les avoir préparées à distance et rodées ensemble au festival de Nazaré en mai dernier. pour le Portugal : Daniel Vinagre (sax), Rita Caravac (clavier), Vitor Copa (batterie) ; pour la France : Robin Jolivet (guitare), Joanna Esteves (sax), Alexis Cadeillan (contrebasse).

Alors que le match de foot a commencé déjà depuis un bon moment, place aux big bands. La scène cette année a été agrandie, il faut en effet y accueillir une quarantaine de musiciens ! Côté jardin le Big Band Côte Sud dirigé par Pascal Drapeau, côté cour le Big Band Municipio de Nazaré dirigé par Adelino Mota. Certes la préparation de ce gros projet a été complexe ; distance, barrière de la langue, changement de gouvernance à la ville de Nazaré mais tout cela est oublié. Visuellement c’est déjà très beau et les échanges débutent avec le BBMN puis au BBCS et ensuite à tour de rôle, on s’observe ; les footeux aussi, toujours un score nul et vierge. Mais les premières gouttes de pluie arrivent et dans le public venu nombreux c’est la débandade, on fuit ou se réfugie sous les quelques barnums et le chêne séculaire du parc. Quelques courageux, mais surtout prévoyants, restent à leur place sous leurs imperméables ou parapluies. Il y en a même qui dansent. Dommage on doit un peu écourter le programme et arriver plus vite à ce qu’on attendait, les deux BB ensemble ! Et là ça va décoller de puissance d’énergie de musique la battle est lancée et le rappel avec un « Oh when the saints » va permettre aux deux formations de libérer leur puissance et offrir quelques joutes entre solistes. Mais les Portugais ont l’air un peu triste ; et oui au tout début du rappel le score a tourné en faveur de l’équipe de France ; les deux matchs étaient quasiment synchronisés ! Tout cela devant des chaises vides le public réfugié « à l’abri » au fond et un couple dansant au son de deux big bands jouant pour lui seul ; inoubliable certainement. https://bbcs.fr/ https://www.facebook.com/groups/Big.Band.Nazare/

Samedi 6 juillet

Déambulation de percussions dans la ville en ce samedi matin avec Daniel Dumoulin en tête . Ça claque, ça percute dans la rue piétonne, la librairie Vents Délires, si calme d’habitude se voit même envahie par les caisses claires, les grosses caisses et les cymbales ; un moment très insolite.

A 19h au jardin public Apéro Blues pas très blues avec le duo Absynthium et une promenade autour des compositeurs impressionnistes du 20ème siècle, Satie, Debussy, Ravel, à la fois pédagogique, historique et humoristique https://www.canaldecreacion.com/grupos-y-artistas/jazz-canal-de-creacion/absynthium/

Soirée très éclectique décidément car voilà François Poitou et Pumpkin dont nous avions chroniqué l’album https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/francois-poitou-pumpkin-aromes-complexes/

Le jazz a toujours été une musique qui évolue, en voilà une nouvelle preuve. Le contrebassiste bassiste et compositeur François Poitou a intégré à sa musique du hip-hop avec les textes ciselés scandés par la rappeuse Pumpkin. Musique énergique, textes percutants parfois dérangeants pour certains et une ouverture vers un nouveau public. Le jazz est là avec les improvisations flamboyantes des deux soufflants mais un pas de côté ou plutôt en avant a été fait. Une belle prise de risque. François Poitou (basse, contrebasse), Pumpkin (voix), Maxime Berton (sax ténor), Nicolas Fox (batterie), Olivier Laisney (trompette)

On laisse les rythmes de hip-hop et on part vers ceux du Maloya avec le projet « identité » de Gaël Horellou en septet. Un coup de foudre pour la Réunion et ses rythmes spécifiques et voilà un musicien qui crée une œuvre de jazz fortement influencée par ces musiques d’ailleurs. On sent la gourmandise de Gaël dès les premières notes, pas de round d’observation, ça part à fond ! Et de suite le public qui se lève et vient danser, les chaises étant remisées. Ça va durer jusqu’à plus de minuit sur ce tempo ardent et gai malgré le froid de la soirée !

Gaël Horellou (sax alto), Florent Gac (orgue), Nicolas Beaulieu (guitare), Romaine Deconfin (kayam), Frédo Ilata (percus), Vincent Aly Béril (percus), Vincent Philéas (percus).

Dimanche 7 juillet

Déjà le dernier jour, il commence près de l’Estacade en bord d’océan. Atelier percussions avec Daniel Dumoulin, atelier chant avec Natacha Kanga et restitution par les deux groupes réunis. Un joli moment de découverte sous, enfin, un soleil d’été. A 17h on retrouvera Daniel et Natacha en quartet sur la terrasse du 102 pour une agréable guirlande de grands standards

A 19h apéro blues annoncé mais apéro rap proposé par Zehtra apprécié par les amateurs du genre dont je ne suis guère…

The Soulsters enchaînent avec ses onze musiciens de la région pour nous égrainer les grands tubes de soul music ou de pop. L’été s’est enfin installé et une belle ambiance règne sur le site envahi de monde. Marvin Gaye, James Brown, Amy Winehouse, bien d’autres, ajoutent à la chaleur ambiante.

Traditionnellement le final du festival est festif et on ne va pas déroger à la règle ce soir. Au menu de l’afrobeat avec Sarbakul Afrobeat Collective. Un hommage appuyé à l’œuvre de Fela Kuti avec ses compos et des titres du groupe. Je n’ai jamais vu Fela en concert mais j’ai déjà vu ses fils Femi et Seun et je peux vous dire que Sarbakul est tout a fait dans l’esprit et en possède le son et l’énergie. Rythmique riche et folle, soufflants puissants, guitare inspirée, textes engagés avec au chant la présence très forte et souriante de Linda Charlier. Magnifique set devant un public debout et ondulant ! https://sarbakulafrobeat.wixsite.com/sarbakul-afrobeat

Voilà c’est fini, c’était la 34ème édition, rendez-vous pour la 35ème l’été prochain avec toute l’équipe du festival. Services municipaux très engagés, bénévoles enthousiastes, ingés son et lumière au top, traiteur, Bernard Labat est bien entouré !