Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat
24 heures du Swing, Monségur samedi 6 juillet 2019
30ème anniversaire ou 30ème édition je ne sais pas, les fameux piquets et intervalles, mais un sacré millésime 2019 !
Nous voilà à la journée du samedi après un départ de grande qualité la veille au soir. Ici le mot festival n’est pas galvaudé, on joue partout et de tout, sous la halle, sous les arcades aux terrasses des restaurants, dans la rue, au cinéma, sur la place de Tilleuls, au jardin du presbytère, à l’église ! Sacré organisation pour cette équipe bien expérimentée et ses bénévoles actifs.
Véritable institution ici le collège Eléonore de Provence – drôle de nom au cœur de la Guyenne ! – et ses classes jazz, une pépinière de musiciens dont certains sont devenus professionnels.
Il va être au centre des réjouissances aujourd’hui avec d’abord un concert de son orchestre sous la halle, accompagné des Percutemps, le groupe du foyer de vie pour handicapés. Toujours un moment émouvant ici, et un joli concert ! Il sera ensuite mis à l’honneur grâce à ses parrains musiciens.
Laurent Robino sextet et la jeune garde
Mais d’abord nous voilà place des Tilleuls pour un concert auquel Action Jazz n’est pas tout à fait étranger. Le Laurent Robino sextet.
Musicien de la région avec un itinéraire intéressant (voir son portrait dans le blog « Frenchman in New York ») il a fait partie de la sélection du tremplin 2019 où le festival l’a remarqué.
Toujours avec ses compères Charley Rose (sax ténor), Alexandre Turco (guitare) et Marco Girardi (batterie), le saxophoniste alto joue cette fois avec Alexis Cadeillan (basse) vainqueur du tremplin en 2018 avec Robin and the Woods et Paolo Chatet (trompette) vainqueur lui en 2019 avec V.E.G.A.
Le sextet réussit à associer moderne et classique à la fois, pouvant aussi bien partir vers des ambiances très be bop, voire hard bop que des douceurs brésiliennes ou encore sonner comme un (petit) big band.
Eléonore Godfathers en concert unique !
Le thermomètre affiche 33°, et oui on est au cœur de la Gironde, les musiciens ont bien du mérite ! Nous les spectateurs aucun, nous avons de l’ombre, de quoi nous rafraîchir et nous écoutons de la bonne musique !
Place maintenant à ce qu’on appelle dans le jargon musical un « One Shot » sauf que celui-là a un goût très particulier, il est en effet composé de cinq parrains du collège, son nom « Eléonore Godfathers », ça fait plus jazz que « Parrains d’Eléonore » ; entendons nous bien, pas des parrains avec costard rayé et borsalino, non des musiciens qui ont travaillé avec les jeunes et les ont aidés. Et donc Michel Alibo (basse), Roger Biwandu (batterie),
Mario Canonge (piano), Mickaël Chevalier (bugle) et Eric Séva (Sax ténor et soprano), des incontournables, et tous compositeurs bien sûr. Pour autant avant le concert les discussions vont bon train, la mayonnaise va t-elle prendre ?
En musique ou en sport, le rugbyman Roger ne me contredira pas, les talents peuvent s’ajouter mais aussi se neutraliser. On va être très vite rassuré ! Le répertoire ? Puisé dans les compositions de chacun avec l’hymne biwandien « From Palmer » en entrée où l’on comprend que ça ne va pas rigoler mais tout en rigolant, car visiblement les cinq larrons s’entendent bien.
Voyage sur les mers avec les compos du marin Mickaël, hommage aux Indiens d’Amérique avec « Karawak Dream » de Michel, un « Not Really Blues » tonitruant de Mario, une promenade en douceur dans « le Village d’Aohya » avec Eric suivi de son « Tchiky Monkey » plein de chausses trappes mutuelles, de relances, de changements de tempo, avec sur scène une bonne humeur communicative.
La mayonnaise, malgré la chaleur accablante, a pris et drôlement bien même. Quand ils nous confieront n’avoir répété que deux heures le matin même, c’est l’envie de me prosterner devant eux qui me viendra !
C’est beau des artistes ! Et quand j’apprendrai que Mario Canonge n’en menait pas large en montant sur scène ça confirmera l’opinion que j’ai de ces personnes, un respect total.
Christian McBride pour une première
Le temps d’un confit-frites rafraîchissant (!) au restaurant de la place et voilà un nouveau concert qui s’annonce, une tête d’affiche même « A Christian McBride Situation » avec une des stars planétaires de la basse pour un projet tout neuf dont le festival a la primeur mondiale !
Du jazz funk avec certes des musiciens, le boss, un sax, une chanteuse et la pépite Patrice Rushen aux claviers, mais avec deux DJ pour la rythmique et l’habillage branchouille. Mouais… Pour autant ça a l’air de plaire, la piste de danse est pleine (j’y suis) , et si ça ronfle gros, musicalement c’est assez élémentaire.
Patrice Rushen sous employée quand on pense à ce qu’elle sait faire – elle nous en a montré quand même – et une interminable battle de DJ sans queue ni tête de près d’un quart d’heure.
Des titres classiques comme « In a Sentimental Mood », du gros son de dance floor, un McBride impérial à la basse on est bien d’accord, une idée qui reste bonne pour attirer un public plus large mais qui demande à être creusée. Un peu sur notre faim musicale, le confit ayant vaincu l’autre.
C’est parti pour la nuit !
Il est minuit et ici la nuit commence. 30 ans, anniversaire donc feu d’artifice ; très beau.
Remontée vers le Foyer Rural pour rejoindre le bal derrière le marchin’ band « Brass Under Influence » mais à la française, sans la folie de New Orleans.
Rita Macedo et le Parti Collectif une connexion Bahia/Uzeste détonante qui transforme l’injonction lazarienne en « Lève toi et danse » , imparable. Piste pleine pendant près de deux heures dans une gaieté absolue.
Il est 2h30 du matin on va se coucher ? Pas ici, un autre concert arrive avec « Brass Under Influence » dont on a eu un teaser tout à l’heure. Sébastien Iep Arruti grand fervent de NO a monté ce groupe festif dans la pure lignée des fanfares jazz-funk de là-bas.
Lui au trombone ainsi que Renaud Galtier, Alain Coyral (st), Pascal Drapeau et Pierre-Jean Ley (tr), Fred Dupin (sousaphone) Julien Lavie et Fred Faure (percus) Il y a même le Grand Marshall en la personne de Pierre Cherbero.
Impossible de résister malgré l’heure qu’on a d’ailleurs oubliée, de la joie musicale, de la folie même. Et une parade dans la rue à 4 heures du matin ! Oui mesdames et messieurs, c’est à Monségur que ça se passe. Incroyable. Pour s’en remettre rien de tel que la garbure servie à tous dans l’arrière salle, une chose à vivre vraiment.
Il est près de 5 heures du matin il faudrait un peu rentrer, demain d’autres bonheurs nous attendent.