par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Les 24 heures du Swing, Monségur, dimanche 6 juillet 2019.

Tout le village en mode jazz

La nuit a été courte, à peine le temps de digérer la garbure servie à 4h30 que nous voilà, vaillants, à la messe swing animée par les Petits Baigneurs. En jazz si on ne connaît que trop les chapelles on fréquente moins les églises…

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Mais sous la halle – quelle merveille ce bâtiment ! – le Big Band du Périgord nous fait réviser les standards , du tendre « Stolen Moments » au trépidant « Sidewinder » en passant par une « Night in Tunisia ».

– Ce sont les balances ? me demande un musicien qui va jouer bientôt sous les arcades.

– Non, c’est le concert.

– Ah, bon mais le chef d’orchestre est en bermuda !

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Et oui l’esprit Monségur, cool, la musique d’abord, le reste si on veut. Pourtant il a raison, c’est beau un Big Band en uniforme on le verra dans l’après-midi avec un autre… (et jamais deux sans trois, puisque le Big Band 104 du Pays Foyen dirigé par Xavier Duprat joue aussi plus tard ; on ne sait plus où donner de l’oreille !)

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Musicalement il sonne bien cet orchestre, mêlant, élèves, profs, pros, jeunes et moins jeunes. Tiens, mais devant au sax alto c’est Francis Bourrec ! Ah oui…

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Un tour dans le bayou avec Crawfish Wallet

Déjeuner sous les arcades au son de la fanfare festive des Petits Baigneurs et direction la place des Tilleuls où on a retrouvé un portefeuille en écrevisse ;  Crawfish Wallet un quartet bordelais fervent de New Orleans, Gaëtan Martin (trombone), Jean-Michel Plassan (banjo), Fred Lasnier (contrebasse) et Amandine Cabald Roche (chant et washboard).

Sacré chanteuse celle-ci, une présence lumineuse et avec les trois fameux gaillards qui l’entourent rien à craindre pour voyager de Louisiane aux Antilles, passer du swing aux rythmes créoles, suivre les pas des Beatles avec « Honey Pie » ou de Gainsbourg avec « Black Trombone ». Un bien joli cocktail rafraîchissant et aujourd’hui ce n’est pas du luxe !

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Le swing du Big Band de Franck Dijeau

A 15h30 au pic de la chaleur, les voilà tous en tenue noire avec une pointe de rouge, les musiciens du Franck Dijeau Big Band. Ils arrivent en marchin’ band au milieu du public pour célébrer les 30 ans du festival au son d’Happy Birthday.

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Toujours un immense plaisir que d’entendre ce bel orchestre égrainer les grands classiques du genre, réarrangés par son leader.

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En effet des arrangements très réussis, dynamiques et précis, qui laissent la place par exemple à la guitare, pourtant en concurrence avec une grosse rythmique et une horde de soufflants sensationnelle ! Que c’est bon un vrai big band cette puissance sonore et aussi ces nuances, ces rebondissements.

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Des rebondissements autres, avec un tel effectif il y en a toujours comme ce saxophoniste appelé d’urgence le jour même pour un « rempla » imprévu et qui pourrait laisser croire qu’il a toujours été titulaire de la formation ! Le public a des fourmis dans les jambes et les danseurs sont évidemment au rendez-vous, le nom de ce festival n’ayant jamais aussi bien collé à la musique, ça swingue d’enfer ! Doo wap doo wap doo wap !

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Au passage une mention spéciale à David Cappellazzo au son et à son équipe, la sonorisation a été impeccable tout le week-end.

La grande classe de Monty Alexander

Mais le public, que dis-je, la foule, attend maintenant une légende et la préparation de la scène va paraître interminable. C’est vrai qu’il faut protéger le piano lui masquer le soleil. Le Steinway est là sous sa housse épaisse, protégé même par des couvertures de survie en alu et il a eu droit à un chapiteau spécifique pour lui faire de l’ombre. Mais cette fois il est devant, bien au milieu attendant son Maître. Le voilà justement chemise blanche et petit gilet, Ray Ban, cheveux gris et un port élégantissime. Trois notes de piano, des frissons qui nous parcourent le dos malgré la chaleur, c’est déjà dans la poche. Il va se passer quelque chose c’est sûr.

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Et oui, Monty Alexander en personne est là devant nous dans le village de Monségur, en trio avec Jason Brown à la batterie et Hassan Shakur à la contrebasse. Ils sont physiquement tout proches les uns des autres, ils vont l’être tellement mentalement pendant le concert ! Avant de parler de Monty évoquons ses compagnons. Jason, mais quel batteur, quelle finesse, que de nuances dans son jeu ! Un pur joyau.

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Hassan, tellement musical et lisant dans les doigts de Monty, devinant ce qu’il allait faire ;

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il va en plus de chorus extraordinaires nous proposer un intermède en forme de medley soul passant de « Give me the Night » à « Billy Jean » ou encore « Pink Panther » devant le regard faussement effaré de Monty en totale connivence avec le public.

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Que de sourires, de joie sur cette scène, que de bonheur partagé et communicatif entre ces trois seigneurs ! Ce concert est un diamant, tout le jazz y est passé en revue, du stride, du swing, du bop avec une élégance faite de simplicité et de grande classe. Le piano chante sous les doigts de Monty, l’émotion passe, tout cela paraît si simple, d’ailleurs je vais me mettre au piano ça a l’air tellement facile. On reconnaît « April in Paris », puis « Afternoon in Paris » de John Lewis, arrive le thème de « Un Eté 42 » de Michel Legrand, émouvant, tout en retenue avec ses tendres flux et reflux de vagues océanes.

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Les titres sont des prétextes à inventer de la musique à s’y référer, les citations fourmillent de Miles à Bach, un enchantement. Le jazz défile devant nous. Monty est jamaïcain et du même âge à quelques mois près que Bob Marley, hommage lui est ainsi rendu, ravissant la partie du public qui connaît davantage l’un que l’autre. « Get up stand up » en citation au milieu de « No Woman no Cry » et d’autres. Rien d’artificiel, il adapte ça à sa façon, il recrée les morceaux. Un autre musicien d’origine jamaïcaine est mis à l’honneur Harry Belafonte et son « Day O », pour cela Monty s’empare de son mélodica aux couleurs de la Jamaïque pour en tirer là encore des sonorités uniques. Aisance, simplicité, humour, la classe, un régal.

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La chaleur est forte, ils ont joué au soleil la plupart du temps, quant à moi les gouttes de sueurs se mêlent aux larmes d’émotion comme chez beaucoup d’autres. En rappel Monty va nous achever, revenant avec sa femme Caterina Zapponi, une chanteuse italienne, pour un dernier cadeau et surtout un hommage à Joao Gilberto disparu la veille. Pas une compo de Joao mais la chanson de Bruno Martino qu’il a immortalisée « Estate ». Nous serons nombreux à ne pas pouvoir parler de longues minutes après, bouleversés. Je le suis encore. Un des plus beaux concerts de jazz de ma vie, c’est dire.

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Bravo au directeur artistique Philippe Vigier et surtout merci de nous avoir offert ce cadeau.

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En repartant une halte sous les arcades où Nicolas Saez joue en trio avec Julien Cridelause et Nicolas Frossard. Un flamenco jazz contemporain plein de finesse et de duende, idéal pour redescendre des nuages en douceur.

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Pardon aux groupes et musiciens que je n’ai pas cités, ne pouvant être partout à la fois, eux aussi ont contribué au succès de cette magnifique édition. Citons l’impeccable trio de Célia Marissal (des amis de confiance m’en ont parlé) et le spectacle pour enfants des talentueuses Ceïba et Laura Caronni. Un grand bravo et des remerciements à Sébastien Vaillier directeur de l’OMCL et du festival et sa formidable équipe de bénévoles !

L’an prochain nous reviendrons et sur notre 31.

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Sébastien Vaillier

NB : Monty Alexander reviendra en trio le 29 novembre 2019 à l’Auditorium de Bordeaux. Il manquera cependant le soleil, l’ombre des tilleuls et l’ambiance décontractée…

 

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Carte AJ