par Philippe Desmond

Capbreton, samedi 10 juillet 2021

Deuxième journée du festival, miracle il ne pleut pas depuis son début et ça devrait durer jusqu’au bout, une vraie fenêtre de tir en ce maussade début juillet.

Le samedi c’est déambulations et pique-nique. Les premières le matin au marché et le soir en bord de plage avec le Bokalé Brass band (Baptiste Techer, Fabien Durou, Julien Desforges, Romain Luzet, Olivier Vernhères, Jérôme Laborde et Frédéric Faura) le second au jardin public épicentre du festival.

Denis Girault New-Orleans Project

Un festival sans jazz New Orleans ce serait un manque de respect à l’histoire de cette musique, ce sont donc des Bordelais qui sont là pour nous faire remonter à la source, une des sources. Voilà le jardin public transformé en Congo Square devant un public familial qui casse la croûte. Pas de sono, ces messieurs n’en ont pas besoin. La clarinette allègre de Denis Girault, les montées chromatiques de la  trompette de Thibaud Bonté, la rondeur parfois rugissante du trombone de Cyril Dubilé, le timbre si marqué du banjo de Jean-Michel Plassan et les slaps de contrebasse de Nicolas Dubouchet vont ravir les convives et attirer les passants. Un festival c’est aussi la fête (même si en ce moment…) en voilà un bout ici pour nous faire patienter jusqu’au soir.  Et quand le Bokalé Brass band rejoint le groupe pour jammer ça déménage !

 

Pirate quartet

Action Jazz les avait suivis en résidence, puis vus en concert dans une salle peu adaptée, les voilà cette fois en liberté au bord du Boudigau, un bateau amarré juste à côté semblant annoncer leur présence ; en réalité une pinasse (et oui en pin)  de Capbreton récemment restaurée par une association locale. Pirate c’est Christophe Maroye (guitare), Pascal Faidy (sax ténor), Philippe Valentine (batterie) et aujourd’hui Laurent Vanhée (contrebasse) qui remplace Nolwenn Leizour.

Leur projet, restituer la période où John Scofield et Joe Lovano jouaient ensemble dans les années 80, pas forcément la plus connue. Un jazz mêlant l’électrique à l’acoustique plein de verve avec ces rythmiques tournantes et obsédantes comme sait les créer John Scofield, un peu sa marque de fabrique. La contrebasse et la batterie y sont en effet très actives alors que ténor et guitare dialoguent, se taquinent, se répondent et parfois se bagarrent. Le public toujours très mélangé, locaux, touristes, promeneurs, amateurs… adhère de suite et l’enceinte du jardin public bien pleine se voit ceinturée sur la promenade par une foule de curieux ; masques dans l’enclos, en dehors un peu moins… Gros succès pour nos amis bordelais.

 

Céline Bonacina trio

Vite le changement de plateau, le public ici est volatile, de passage pour beaucoup, il faut le garder d’autant que fraîcheur et moustiques sont déjà là.

Le trio qui arrive en vaut la peine, la saxophoniste Céline Bonacina une des références du genre, accompagnée à la contrebasse par pas moins que Chris Jennings et à la batterie par John Hadfield qui joue notamment avec Nguyên Lê.  Ce dernier, complice de Céline, avait été envisagé pour transformer le trio en quartet mais l’organisation du festival n’a pas pu suivre… Finalement tant mieux, on a ainsi pu profiter pleinement du talent de la saxophoniste. Toujours une surprise de voir arriver cette silhouette fine avec son gros saxophone baryton. Le plus impressionnant reste pourtant de la voir en jouer, en tirant des aigus improbables et des vibrations harmoniques toujours stupéfiantes. Elle fait aussi le grand écart en passant au soprano dont elle joue avec verve et finesse. Avec une rythmique pareille, les deux sont incroyables de groove et de créativité, Céline peut libérer le riche langage de ses compositions. Alternant douceur et énergie, évoquant la Réunion où elle a longtemps vécu se nourrissant des ses musiques, elle nous a offert un set très riche, un jazz très moderne et personnel. Depuis le début du festival c’est d’ailleurs, voulu ou pas, le saxophone qui est à la fête. Rappel funky pour enfin rassasier un public toujours très nombreux, les quelques inévitables couche-tôt s’étant punis eux-mêmes en n’allant pas jusqu’au bout.  Encore une soirée réussie, félicitations à Bernard Labat le directeur artistique du festival.