par Philippe Desmond

Capbreton, vendredi 9 juillet 2021.

En 1991 Christian Nogaro, luthier de contrebasse à Saubrigues proche du Marais d’Orx créait à Capbreton un festival de musiques alors appelé les Rencontres Internationales de la Contrebasse. Toutes les musiques mais depuis le début beaucoup de jazz. Les plus grands de l’instrument ont ainsi défilé, pas tout seuls bien sûr en trio, quartet… Au fil du temps le festival a évolué, grossi marqué malheureusement en 2014 par la disparition de son créateur. Repris entièrement par la ville il y a quelques années, avec comme directeur artistique Bernard Labat, la nouveauté de cette édition est son passage de fin août à début juillet, concurrence avec le Festival du Conte oblige. Autre changement il est entièrement gratuit et en plein air, les circonstances sanitaires ayant guidé vers ce choix. Si vous comptez bien c’est donc la 31ème édition à laquelle nous avons assisté ce week-end.

Black Bass quartet

Le jeudi au cinéma Rio c’est Billie a ouvert les réjouissances et le vendredi matin, au jardin public, la musique vivante a commencé à résonner avec les gagnants du Tremplin Action Jazz Nouvelle-Aquitaine, le Black Bass quartet. Vus au festival de Monségur le dimanche précédents où ils ont fait un tabac, nous étions impatients de les retrouver. Moyenne d’âge de 22 ans pour Lucas Massalaz (guitare), Théo Castillo (basse), Pierre Thiot (Sax alto et ténor) et Emile Rameau (batterie et fantaisie) tous déjà de sacrés musiciens, issus du Conservatoire de Bordeaux mais pas que. Ecrivant leur propre musique, ils n’empruntent pas au répertoire existant du jazz mais ils en maîtrisent tous les codes et les courants. Du bop, à la bossa en passant par le rock progressif ou la musique modale ils sont à l’aise dans tous les domaines, fruit d’un travail et d’une culture musicale déjà impressionnants pour des jeunes musiciens. A cela ce rajoute la fantaisie d’Emile, pur produit de la galaxie uzestoise et de son mentor Bernard Lubat. Un grain de folie même chez ce remarquable batteur, capable de scatter gascon, de jouer les percussionnistes déjantés avec des jouets pouet-pouet ou même l’artificier. Mais ce mélange des genres est sensible à maîtriser et si à Monségur devant un public venu exprès au festival cela a parfaitement fonctionné, ici devant un public de passage en ce vendredi matin, mêlant locaux, touristes de tous âges et encore peu d’amateurs de jazz, l’audace en a dérouté beaucoup. Le métier qui rentre donc, savoir s’adapter sans se renier , resserrer le set au lieu de l’étirer. Mais retenons la qualité musicale du groupe, ses compositions qui sont vraiment d’un haut-niveau. Il va falloir compter avec eux, Black Bass un futur gros poisson du jazz !

 

Du blues aussi 

Le jardin public lieu du festival bénéficie cette année d’un aménagement absent l’an dernier lors de la 30ème édition déjà fortement impactée, mais présente, par la crise sanitaire. Une buvette et une petite restauration tenue par le Circus , association locale dont on parlera bientôt car adepte de jazz (https://lecircus.fr/) , une cabane Juke Joint avec des luthiers de cigar box, l’asso Luth & Blues. Vers 19 heures après l’inauguration officielle par les autorités locales et départementales c’est un concert de blues qui anime le vin d’honneur ; un remarquable set de Larsen un bluesman de la région, homme orchestre : chant, harmonica, guitare, percussions, samplers…

 

Guillaume Nouaux trio

Place ensuite au jazz trad et pour cela dans le coin qui mieux que le batteur désormais soustonnais Guillaume Nouaux en trio avec Alain Barrabès (piano) et Jérôme Gatius (clarinette).

Le public est là, les « spécialistes » sont arrivés mais une grande partie est encore de passage et ce type de jazz va lui parler, l’attirer. Le stride, Fats Waller Jelly Roll Morton ça marche toujours, surtout joué parfaitement comme ici. La clarinette virevoltante, le piano à la fois contrebasse et mélodique, la batterie alerte, tout pour accrocher des oreilles multiples. Les miennes en particulier qui en live se régalent de ces musiques intemporelles. Voilà le morceau de bravoure de Guillaume, « Moanin’ » et sa mélodie jouée à la batterie, un moment toujours surprenant. Une « Flambée Montalbanaise » pour valser, « Honey Suckle Rose »… le public en redemande alors que le soleil va se coucher, lui reste, après s’être régalé il a envie de découvrir la suite et ça c’est bien !

 

Baptiste Herbin quintet

La suite c’est Baptiste Herbin, le saxophoniste en quintet ce soir. C’est toujours un régal de retrouver ce flamboyant saxophoniste, venu nous faire voyager au Brésil, faisant écho à la façade voisine du cinéma et trois grosses lettres de béton rouge RIO. La virtuosité de Baptiste arrive instantanément le concert commençant en duo avec Emile Saubole pas encore à la batterie mais au pandeiro, un tambourin brésilien.

La sax alto quasi seul qui chante au public, une entrée en matière audacieuse mais avec un tel talent tout devient possible. Nous découvrons ensuite au piano Julian Leprince-Caetano, remarquable et le vieux complice de baptiste, le contrebassiste Mathias Allamane pour un set coloré, sensible et chaleureux. Un alto volubile, un soprano plein de finesse, rien ne résiste à Baptiste Herbin, il est tout simplement incroyable, indécent même me dira un ami musicien ! Dans la deuxième partie du set arrive Diana Hoarta-Popoff, chanteuse et flûtiste, le concert rejoignant ce jazz cool brésilien tant apprécié, bossa, samba, saudade nous faisant traverser l’océan tout proche. Le public est resté, hormis quelques couche-tôt tristounets, en redemande, heureux de cette découverte. Nous aussi qui ne le découvrons pas en redemandons, c’est tellement bon qu’on en oublie la fraîcheur et ces foutus moustiques à rayures.

A suivre…