Texte et photos Philippe Desmond.

Jeudi 18 juin 2020.

La situation invraisemblable que nous vivons depuis plusieurs mois est pour les artistes, les musiciens nous concernant, totalement ubuesque. Certains ont ainsi cherché des solutions pour enfin retrouver leur public. Certes les réseaux sociaux ont permis d’échanger beaucoup de musique mais tout cela n’a pu remplacer le réel et n’a pas nourri les musiciens. Les concerts en ligne gratuits, les vidéos seuls ou à plusieurs, très souvent superbes, n’ont pas fait rentrer de droits même si la SACEM a mis un système de rétribution en place :

De base, le montant minimum attribué est de 10 euros pour un morceau, 46,35 euros pour une durée de moins de 20 minutes et 76 euros pour tout live de plus de 20 minutes. A cela s’ajoute un montant lié au nombre de vues, où chaque clic vaut 0,001 euro. « Par exemple, si vous avez interprété un livestream d’une durée de 15 minutes vu 10.000 fois, vous toucherez 46,35€ de montant minimum et 10€ (10.000 x 0,001) de rémunération complémentaire, soit 56,35€ au total » 

Et précisions importantes, cela ne concerne que les auteurs et compositeurs, seulement à partir de 1000 vues, à condition par ci, condition par là, bref ne pas trop y compter.

Mais la formule du Bordeaux Swing and Wine est intéressante. Voir l’article https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/jazz-club-ephemere-bordeaux-swing-and-wine/

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Elle marie à la fois un concert en ligne et un vrai concert avec du public. Droit minimum de 10 € pour les spectateurs réels et 5 € pour les virtuels. Si les premiers ne vont pas resquiller, j’ose espérer que les autres, habitués à la (fausse) gratuité du web ne cherchent pas à se défiler. Mais les noms des personnes en ligne apparaissent à l’écran…

Le lieu ? Le domicile de Stéphane Séva le chanteur washboarder bordelais bien connu, frustré d’avoir vu sa tournée aux USA en avril annulé. Alors il a pris le taureau par les cornes et monté ce jazz club éphémère chez lui.

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Il s’est entouré d’Hervé Saint-Guirons aux claviers et de Laurent Vanhée à la contrebasse, un invité venant à chaque fois compléter le trio : le guitariste Yann Pénichou la semaine dernière et le batteur Didier Ottaviani ce soir. Un maître de cérémonie en la personne du comédien Benoît Teytaut assure la présentation, les enchaînements et relaie les commentaires du web, en inventant peut-être certains, toujours avec humour.

Voilà pour le swing, mais pour le wine ? Un viticulteur, Emmanuel Tignol, présente sa « Parcelle 045 » un délicieux vin rouge des Côtes de Bordeaux. Dégustation, achat c’est comme on veut. Pour moi ce sera un carton de six, merci. http://www.laparcelle045.fr/un-vigneron.php

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Certains ont porté de quoi casser la croûte (désolé je n’ai pas vu l’info) ce qui permet de patienter avant le concert et un verre à la main. Mais, dans le grand salon, le générique nous appelle, pas n’importe lequel, le titre «Shiny Stockings » par Count Basie ; ça fait très show télé américain des 60’s, bonne idée.

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On évite de s’entasser, d’ailleurs certains portent un masque et les salutations se sont faites à distance, il faut encore faire attention.

Au programme Claude Nougaro. Plus besoin de présenter de grand petit homme disparu en 2004, sa poésie qu’il fait swinguer sur des choix magnifiques de musiques de jazz, de Michel Legrand à Herbie Hancock en passant par Basie, Brubeck, Hefti, Louiss, Shorter… tant d’autres, sans oublier son fidèle Maurice Vander avec qui les rapports étaient complexes…

Stéphane Séva l’a rencontré, c’était au Franc Pinot sur l’île Saint-Louis à Paris. Il y a plus de vingt ans alors qu’il débutait, il avait eu le culot de demander à la fin du concert du trio de Maurice Vander auquel Nougaro s’était joint, de pouvoir chanter. Et ainsi devant un de ses maîtres il avait chanté « Un été » cette merveilleuse musique de Bruno Martino (« Estate ») sur laquelle Claude a mis des paroles qui nous parlent tant, comme la plupart de ses textes. Cela s’était naturellement terminé au bar avec lui ! Il va la chanter bien sûr ce soir, tout en tendresse servi par ce merveilleux trio presque improvisé, mais ils se connaissent tellement par cœur tous les trois.

Après des mois de disette, sentir les musiciens bien réels, si proches, c’est un vrai bonheur, une résurrection. Les titres s’enchaînent, les chorus aussi, c’est bien du jazz. Stéphane chante sans fioriture, fidèle aux chansons. Tant mieux, je n’aime pas quand des morceaux aussi connus sont trop interprétés, voire dénaturés, ce qui n’est pas le cas ce soir, ça sonne juste. Et quel plaisir cela doit-être de chanter avec un tel trio derrière soi.

Tout le monde se régale, les « Marie-Christine » sont criés par l’assistance qui va claper à n’en plus pouvoir sur « Sing Sing Song ». Pendant ce temps plus de mille personnes viendront faire un tour sur le Facebook live, la retransmission sur Zoom ayant moins de fréquentation. Tous n’auront pas fait un geste mais au moins la musique aura rayonné au delà de cette jolie maison à la campagne.

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Jeudi prochain un hommage à Frank Sinatra avec le batteur Antoine Fillon comme invité.

https://www.facebook.com/Bordeaux-Swing-and-Wine-107113504367489/

https://www.facebook.com/stephane.seva.9

Liste des chansons :

Bidonville

Les Don Juan

Le cinéma

La pluie fait des claquettes

Le coq et la pendule

Cécile ma fille

Le chat

Un été

Je suis sous

Dansez sur moi

Sing Sing song

Armstrong (rappel)

Carte AJ