texte et photos Philippe Desmond

Festival Août of Jazz, Capbreton du 20 au 25 /08/2019

Ce samedi à Capbreton (où bizarrement il n’y a pas plus de cap que de Bretons) s’annonce chaud à divers titres. L’ambiance générale dans la région balance entre décontraction vacancière et tension due au G7. Même ici à 35 kilomètres de Biarritz les rues voient défiler des hordes de bikers un peu moins bariolés malgré leurs tenues bleu vif et jaune fluo, des kyrielles de camping cars bleu marine bourrés de costauds en uniforme et on croise même des touristes espagnols en 4 x 4 curieusement siglés Guardia Civil. Un hélicoptère bleu lui aussi, couleur très tendance en cette fin de saison, passe souvent et au large un yacht pas très glamour un peu grisâtre croise lentement. Et ce quinqua en marcel-pantacourt-sandales n’est ce point un policier en civil ?

 

Arnaud Labastie Trio

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Malgré tout ce matin le marché voisin est bondé et la place de la mairie ne l’est guère moins pour le concert apéritif de 11 heures. Ce sont des figures locales, de Tarnos à Bayonne qui l’animent, Arnaud Labastie (clavier) et ses deux compères Laurent Aslanian (cb) et Antoine Gastinel (bat).

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Autant dire des valeurs sûres. Bonne idée, pour fixer ce public déambulant, pourquoi ne pas lui rappeler sa jeunesse, non pas avec les inévitables standards de jazz auquel il n’a peut-être jamais prêté l’oreille, mais des musiques de génériques de séries ou de dessins animés à la sauce swing ? Et voilà donc Maya l’abeille suivie par la Panthère Rose de Mancini qui se voient ainsi arrangées ou dérangées par les facéties d’Arnaud Labastie. Je dis souvent que le jazz n’est pas une musique mais une façon de la jouer, la preuve.

Voilà d’autres bluettes comme le générique de l’Ile aux Enfants de Casimir ou Spiderman qui retrouvent du punch, bien malmenées par un trio impeccable. Car ce trio est d’une redoutable efficacité ne nous trompons pas. L’Inspecteur Gadget peut en témoigner sa musique jouée à la manière d’Erroll Garner lui redonnant du lustre. Et tout cela plaît beaucoup, derrière moi de vieilles dames (de mon âge) fredonnent les thèmes, se remémorent le passé, mes petits enfants entre deux courses effrénées identifient un air. Une façon habile de montrer aux gens qu’ils l’aiment ce jazz tant décrié.

 

Elephant Brass Machine

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Le prochain rendez-vous de la journée n’est qu’à 19 heures près de la plage où comme c’est souvent le cas ici, la météo a brusquement changé, grisaille et vent après une après midi torride. C’est l’Elephant Brass Machine qui est là, un G7, groupe de 7 musiciens dans le style fanfare.

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La plupart sont engagés dans d’autres projets de haut vol mais au sein du Collectif Tribal Poursuite proposent des formations festives à géométrie variable comme celle-ci. Plusieurs mesures de standards, des épices africaines, une sauce swing, des tenues improbables allant jusqu’à la peau de bête (synthétique rassurez-vous, ou pas) et voilà une déambulation sympathique et musicalement excellente qui démarre.

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Le délicat « Afro Blue » en fanfare il faut l’entendre une fois ! Monk, Duke et la « Caravan » de Tisol inévitable ici, des tradis, pour faire patienter le public pendant plus d’une heure trente avant le concert du soir. Le soleil se couche bien que la fanfare ne propose pas de berceuse, la plage s’est vidée.

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Matthieu Chazarenc quartet

La queue s’est déjà formée à l’entrée de la salle Ph’Art du Casino pour le concert du soir. File trompeuse, la jauge n’étant pas atteinte ce soir non plus, même si la fréquentation a augmenté. Et pourtant , que de belles choses allons nous entendre !

Matthieu Chazarenc et son quartet ouvrent la soirée avec le projet « Canto » hommage aux musiques de son Sud Ouest natal.

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Le batteur compositeur s’est entouré de Laurent Derache qui va fortement colorer la musique de son accordéon, du contrebassiste Christophe Wallemme qui va éblouir de son lyrisme et de Sylvain Gontard au son de bugle si chaleureux.

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Le jeu souple et vif à la fois de Matthieu associé à la rythmique mélodieuse et ronde de Christophe permettent aux deux solistes de développer cette ambiance poétique et délicate s’appuyant souvent sur des valses lentes. On sent de la joie sur scène avec des regards qui ne trompent pas.

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Des caresses on passe imperceptiblement à des tensions, rythmiques et harmoniques très réussies. Intéressant ce contraste entre ce type de compositions et l’idée qu’on se fait d’un batteur. La Chanson de Fébus « Se Canto » est bien sûr citée, hommage est rendu à Jo Privat et en rappel à Charles Aznavour, dont Matthieu était le batteur, avec une version merveilleuse de « la Bohême ».

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Un jazz différent un pari réussi.

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Roger Biwandu 2FX trio

On reste dans le Sud-Ouest avec le trio suivant mais dans un tout autre style. Le plus international des Cenonnais (pas Bordelais) Roger Biwandu est venu avec son 2FX Jazz Trio ; nom mystérieux rendant tout simplement hommage aux deux Femmes eXtraordinaires qui l’accompagnent.

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La contrebassiste bordelaise Nolwenn Leizour (la patronne comme la nomme souvent Roger) et la pianiste lourdaise Camélia Ben Naceur (l’autre miracle de Lourdes, dixit toujours le patron). Nous avions vu plusieurs fois cette formation en janvier dernier à Bordeaux baptisée alors Power Trio, et pour cause !

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Commencé tranquillement par une « Ballade à Vélo avec Huyên » de Roger, c’est en bateau de course que le périple s’est poursuivi sur le « Black Nile «  de Wayne Shorter.

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De suite dans le vif du sujet avec un engagement total des trois, un thème be bop qui s’envole, un tempo plus que soutenu tenu par une Nolwenn incroyable, une batterie monstrueuse de puissance, d’accents, de musique et le festival attendu de Camélia, auditif et visuel. Elle joue, chantonne, danse, bat la mesure, rit, grimace, caresse le clavier, le malmène, un spectacle à elle seule.

Wayne Shorter encore avec la plus douce « Ana Maria » puis «le magnifique « Back to Earth » de Camélia. Nolwenn garde son beau sourire même quand le tempo s’affole , Roger au sommet frappant chaque note, Camélia passant par toutes les nuances, le tout avec des regards plus que complices échangés.

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Voilà maintenant des titres de Roger Biwandu dont son hymne « From Palmer », « Didi » de Jobim, Coltrane…

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Je n’hésite pas à le dire, autant le jazz peut parfois m’être ennuyeux mais quand comme ce soir il est jubilatoire c’est le bonheur. Et ne comptez pas sur Roger Biwandu pour plomber l’atmosphère, il ne peut s’empêcher de plaisanter avec le public, ses partenaires et même sa compagne qui essaie de se cacher dans la salle !

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Deux concerts tellement différents ce soir, deux façons de se sentir bien sur Terre grâce à ces deux formations.

Et vous savez quoi ? Ca continuait le lendemain ! On en reparle.

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Carte AJ