Jazz et Vin en Double 2024 – 1/3
Jean-Marie Ecay 4tet et Félix Robin 4tet
Par Alain Piarou – Photos Frédéric Boudou.
C’est à La Roche Chalais, petite ville aux confins de 4 départements de Nouvelle Aquitaine que se déroulait la 8ème édition du festival « Jazz & Vin en Double ». Un festival à taille humaine dans un milieu rural relève toujours d’une prouesse, en tous cas d’une volonté d’une poignée de passionnés et d’une municipalité décidée à faire vivre le village avec un événement majeur. C’est un festival à découvrir pour sa convivialité, son cadre et sa programmation. Convivialité car l’accueil des bénévoles est irréprochable. On peut déguster, midi et soir, saucisses, merguez, confits et bien entendu, du vin bio de la région sur les tables installées sur la place de l’église, rencontrer le Maire, l’équipe de bénévoles et aussi les artistes. Le cadre, superbe car cela se passe sur une grande place-terrasse surplombant la vallée de la Double où passe le méridien de Greenwich. La programmation est toujours de qualité. Une particularité cette année puisque Patrick Ledru, programmateur et homme aux multi casquettes avait invité l’extraordinaire guitariste Sylvain Luc. Il n’en sera malheureusement pas ainsi mais le programmateur a su rebondir en dernière minute en invitant le non moins talentueux guitariste et ami d’enfance de Sylvain, Jean-Marie Ecay pour un hommage particulier.
Félix Robin Quartet
C’était au talentueux vibraphoniste Félix Robin à qui incombait la charge de lancer le festival avec un «Tribute to Milt Jackson». Le set commençait avec «wild man» puis avec «Bags groove» véritable hymne avec de magnifiques phrasés de Félix Robin au vibraphone. Suivaient sur un train d’enfer les superbes compositions de Milt Jackson : «Softly as morning sunrise», «Compassion» et «Comis Ray» et reprises à la sauce Félix Robin et sur lesquelles le quartet faisait des prouesses.Un des morceaux les plus joués par les jazzmen : «Django» de John Lewis permettait à l’excellent pianiste Valentin Pommeray de réaliser une splendide prestation avec son jeu subtil, intelligent et tout en finesse. Les musiciens se connaissant très bien, le quartet était au top et la charnière, comme on dirait au rugby, était à l’unisson, soutenant les chorus musclés du vibraphoniste, le boostant à souhait. Louis Laville réalisait de magnifiques lignes de basse et quelques beaux chorus fredonnés comme le faisait à l’époque Major Holley. Thomas Galvan réalisait un drumming métronomique avec sensibilité et toujours avec une redoutable efficacité, n’hésitant pas à prendre quelques libertés. Le quartet continuait à égrener quelques beaux standards faisant planer alors le spectre du MJQ (Modern Jazz Quartet) pour le plus grand plaisir de l’auditoire captivé par ce répertoire. C’est alors que le magnifique guitariste basque, Jean-Marie Ecay acceptait avec générosité l’invitation de Félix à partager la scène pour une autre belle composition de Milt Jackson «Sam sack». Cette belle prestation du quartet de Félix Robin prenait fin sur un morceau de Cannonball Aderley, cette fois-ci, «Things are getting better». Un régal !
D’autres improvisations de saucisses, merguez, magrets prenaient alors place derrière les barbecues sur la place de l’église.
Jean-Marie Ecay Quartet
Au tour du remarquable quartet de l’excellent guitariste Jean-Marie Ecay de prendre le relai et nous offrir un véritable feu d’artifice. Le guitariste qui a déjà joué avec les grands noms et a participé à plus de 350 enregistrements avait réuni autour de lui un all stars pour l’occasion. La claviériste lourdaise, Camélia Ben Naceur qui accompagne comme Jean-Marie habituellement Billy Cobham, toujours aussi créative et percutante ravissait le public. Le tonitruant Swaéli Mbappé, le fils d’Etienne, faisait des merveilles à la basse électrique et LE batteur qu’on ne présente plus, Nicolas Viccaro, très demandé (et pour cause) par un nombre considérable d’artistes ne se contentait pas «d’asseoir» le quartet, mais réalisait des merveilles avec un drumming percutant et inventif. Jean-Marie Ecay était donc aux anges, servi sur un plateau par ses trois compères. Ce formidable guitariste , capable de jouer dans tous les registres musicaux, a accompagné Didier Lockwwod, Alain Caron, Randy Brecker, Richard Galliano, Billy Cobham, Jean-Luc Ponty, a composé pour Claude Nougaro, etc… débutait le set sous les ailes frottées des grillons, comme en Provence, par une belle composition «Almadia» rappelant le village de sa maman et posait le tableau. Suivaient «Gemini mode», titre de son dernier album (à écouter sans modération) et «Streggae dance» qui mettait la barre haute au niveau sonore et au niveau créatif. Les envolées aux accents parfois Blues, parfois rock ou même les deux, d’une rare intensité de Jean-Marie faisaient réagir le public. Et puis, ami d’enfance de Sylvain Luc, tous deux bayonnais, qui jouaient lorsqu’ils étaient gamins, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, s’amusant à se défier et se piquer des plans, il ne pouvait éviter de lui rendre un bel hommage. C’était donc une intro très émouvante «Heures denses» interprétée les yeux vers le ciel avec une virtuosité remarquable que se poursuivait ce magnifique concert. De très belles mélodies régalaient le public : «Bras dessus», «Zazpiak Bat», «Exit 11» ou encore Up the baou» et sur lesquelles, le guitariste excellait, titillant par moment l’une ou les autres musiciens. Quel guitariste ! Et pour finir, un rappel envoûtant sur lequel Jean-Marie et Camélia dialoguaient avec beaucoup de plaisir «Couleur Louisiane» dédié à l’infatigable organisateur Patrick Ledru, nous conduisait dans les bayous de Louisiane et ses accents Cajuns pour un final musical qu’on aurait tellement voulu repousser si le temps orageux l’avait permis. On en redemande, alors, courrez voir et écouter Jean-Marie Ecay, où qu’il se trouve. C’est un phénomène, virtuose, généreux, modeste et attachant à ne pas manquer.