Alfa Mist & Amika Quartet
Recurring (Live at King’s Place)
par Julien Motard.
Alfa Mist est de retour accompagné de l’élégance d’un quartet à cordes en live à Londres dans la salle King’s Place. Encore une fois le pianiste britannique nous émeut et nous ouvre les portes d’une toute nouvelle expérience musicale. Je vous souhaite donc une bonne découverte par les mots de ces sensations magiques.
Alfa Mist : piano à queue et chant (6) / Amika Quartet : violons, alto, violoncelle / Kaya Thomas-Dyke : contrebasse et chant (4) / Jamie Houghton : batterie
A 32 ans Alfa Mist fait partie des artistes de cette génération aux multiples facettes. Ceci est peu fréquent mais le jeune pianiste puise ses sources du Jazz via le Hip Hop. Autodidacte, il explore les multiples paysages musicaux pour créer un style fusion de Jazz-Rap. Étonnant par ses textes et ses mélodies, il crée avec le son de son Fender Rhodes et ses musiciens une certaine mélancolie avec des albums comme Antiphon ou Bring Backs, accompagnée d’un groove surprenant. Son style plaît, c’est certain mais sa polyvalence lui vaut des éloges qui vont mettre en lumière sa polyvalence, son art de la mélodie notamment à travers de nombreuses collaborations. Il ne s’arrête pas au métissage Jazz et musique urbaine : compositions néo-classique pour le London Contemporary Orchestra, musique du monde… Bref, vous l’avez compris : pas de limite pour ce producteur, compositeur, à la tête de son propre label Setiko sur lequel sort Recurring enregistré dans la salle King’s Place reconnue pour son acoustique spectaculaire et son cadre intime.
Après une légère brume musicale introduisant l’arpège du premier titre, l’union avec les cordes du Quartet s’ouvre à nous. Les cordes frappées et frottées s’entremêlent avec élégance avant l’entrée du Band à mi-morceau avec une contrebasse légère et une batterie qui s’affirme déjà avant un retour du duo des cordes relançant la mélodie. Nous avons tous nos petites références musicales et bien celle qui me vient à l’esprit à l’écoute de ce premier titre c’est la composition de Mehldau « When it rains » (sans la technique géniale de l’artiste) mais l’accompagnement des flûtes, bassons, clarinettes et hautbois pour débuter l’album Largo.
Alfa Mist a travaillé cet album pour Amika String Quartet avec qui il travaille déjà depuis quelques années. Ainsi le pianiste ne prend pas le devant : c’est un ensemble qui se présente sans réel leader. Ce quartet de cordes est composé de 4 jeunes artistes : Laura Senior (violon), Peggy Nolan (violoncelle), Lucy Nolan (alto) et Simmy Singh (violon). Après un début de collaboration qui débute en 2015, ces musiciennes classiques de chambre vont effacer les frontières pour s’orienter vers une polyvalence musicale elles aussi en alliant le jeu de quatuor classique avec des orientations plus contemporaines.
Le live se poursuit avec «Just Dreams» où le quatuor se présente autour d’un air plutôt mélancolique avant le discours entre ces cordes puis l’arrivée de la colosse cordes pincées avec la fidèle contrebassiste Kaya Thomas-Dyke. Le violoncelle prend le relais solo suivi d’une fusion totale de l’ensemble avec les aigus des violons vers un finish en toute délicatesse.
Le 3ème titre «Decay» est en trio introduit par la contrebassiste : le jazz contemporain s’affirme alors avec bien sûr l’excellent Jamie Houghton à la batterie.
Les titres suivants sont un délice avec Kaya au chant sur «With in the rain», puis Alfa Mist prend le micro sur «Checkpoint (Violence)». Un jazz en trio avec «Yellow Tie» puis la suite du mariage avec le Quartet se poursuit jusqu’au dernier titre.
Cet album a certes l’avantage de réunir tout un ensemble de polyvalences musicales et artistiques notamment avec cette très belle jaquette créée par Kaya Thomas-Dyke. Recurring a aussi le mérite d’être sous forme d’enregistrement en prise entière. En effet Alfa Mist s’est inspiré des enregistrements classiques de jazz live qui sont moins fréquents à notre époque. Je pense qu’il souhaite ajouter ce cachet authentique à l’album. Cela rappelle le célèbre concert de Cologne de Keith Jarrett qui a pris encore plus vie dans ces conditions d’enregistrement. Justesse, maturité épatante, ces artistes brouillent les pistes du jazz pour un résultat unique en son genre, bousculant le jazz, le hip-hop et la musique orchestrale ! Alfa Mist poursuit ainsi ses explorations. Il est loin de se cloisonner dans un genre spécifique et ça c’est prometteur pour la suite !
« La musique est un cadeau que je ne cesserai jamais de faire parce que j’essaie toujours de trouver quelque chose de nouveau »