Affinity Quartet : la fiesta avec Chick

Texte et photos Philippe Desmond

Le Thélonious , Bordeaux le 27 octobre 2022.

Le dimanche 9 février 1975 à l’Alhambra de Bordeaux, j’étais parmi le public avec un jeune du même âge que moi, 20 ans, que je ne connaissais pas, pour ce qui était le premier concert de jazz de ma vie, du jazz rock en l’occurence. C’était pour Return to Forever, le quartet électrique de Chick Corea. L’autre jeune homme est ce soir sur scène à la basse. Cette nuit là j’entrais réellement en jazz grâce à Chick, Stanley Clarke, Lenny White et Al Di Meola (j’ai vérifié Dominique, ce n’était plus Bill Connors). Le dimanche 25 novembre 2018 à l’Auditorium, toujours à Bordeaux, je voyais Chick pour la dernière fois, un peu plus de deux ans avant sa disparition. 43 ans étaient passés et entre les deux, le Maître avait bâti une carrière inouie, enrichissant le jazz de ses compositions aussi riches que variées et avec un style qui lui était propre.

Comment alors ce soir ne pas venir écouter le Affinity Quartet, cette bande de vieux grigous (comme moi donc je peux le dire) qui rendent hommage à Chick, dans son répertoire de musique latino-hispano-jazz que les grincheux ont qualifié d’espagnolades ; les albums, « My Spanish heart », « Friends », « Duet », « Light as a feather » par exemple. Francis Fontès (piano), Hervé Fourticq (sax ténor et soprano), Philippe Valentine (batterie) et donc Dominique Bonadei (guitare basse) ont placé la barre très haut, car dès le premier titre « Samba Song », il vont caler le métronome à un tempo très élevé qu’ils ne vont guère quitter de la soirée. Je me surprendrai à noter sur mon bloc « Ce n’est plus de leur âge de jouer à ce rythme », réflexion que Francis et Dominique me feront spontanément après le concert ! Peut-être plus de leur âge (et encore si vous aviez vu ça!) mais de leur génération, la mienne aussi. Corea les a marqués eux-aussi et Francis n’a-t-il pas chez lui le piano de concert que Chick utilisait lors de ses tournées en Europe ! Signé même. Ce soir il se contente du piano droit numérique du Thelonious que par acquit de conscience il est venu tester la veille ; sorti de révision il va très bien – pour sa catégorie – mais surtout grâce aux doigts du pianiste du soir. Avec Hervé ils se partagent le lead prenant en charge à tour de rôle les chorus. Francis impérial comme toujours et Hervé aussi à l’aise au ténor qu’au soprano avec énergie et finesse, dans un répertoire casse-gueule ; il faut se l’envoyer la cascade de notes de Spain ! A la basse Dominique choruse souvent aussi et il a ganté sa main gauche pour aller plus vite sur le manche ; visiblement ça fonctionne ! Séance de fitness pour Philippe qui n’a pas lâché ses peaux de tout le concert, à la mine !

Ambiance fiesta notamment sur « La Fiesta » et un public déchaîné bien ambiancé par Dominique Bonadei !

Affinity c’est du solide, on le sait depuis longtemps et on en a eu la confirmation, de là haut Chick a dû apprécier. Dommage que les jeunes musiciens ne viennent pas trop les entendre, ils ont de l’expérience à partager.