photo Sylvain Gripoix

Sylvain Rifflet « Aux Anges »

Astrada de Marciac, 31 Juillet 2022

par Annie Robert

Merci aux Anges, merci à eux.
Merci à tous les anges, anges gardiens, voire anges déchus ou exterminateurs, anges oubliés aussi pour avoir inspiré à Sylvain Rifllet ce travail si personnel et si abouti. Ils ont veillé sur lui à leur manière, parfois sans le savoir et continuent à le faire.
Tous ces anges sont ceux qui ont eu un impact sur sa musique, des influences multiples qu’ elles soient musicales ou littéraires. Et il sont nombreux, ces gardiens éveillés :Stan Getz, Abbey Lincoln, Moondog et tous les autres… ils sont là, habitent les lieux, occupent l’espace sonore, fantômes légers et bienveillants.

Depuis plus de dix ans, nous suivons les créations de Sylvain Rifflet avec avidité. Mechanics puis Troubadours ont enchanté nos oreilles et nos neurones. On y a plongé sans retenue. Sa vision globale est toujours soutenue par une vraie pensée, une vraie réflexion sur la musique en général et la sienne en particulier. On sait qu’il puise volontiers, en le renouvelant toujours dans les musiques répétitives et minimalistes pour développer une écriture mélangeant habillement l’improvisation, la rupture et la transe. Il n’y dérogera pas cette fois-ci encore mais en y posant une pâte singulière, personnelle sans doute plus intime.

Car ne nous y trompons pas. Son écriture est forte et travaillée.
Ce n’est pas juste un fil que l’on tire en s’ appuyant comme souvent dans le jazz sur les capacités improvisatrices de ses partenaires. Cette dernière vision donne, il est vrai, de belles choses. Mais il semble que Sylvain Rifflet va bien au delà.. Il y a une globalité dans la composition, une cohérence et un «son» Rifflet qu’il soit au sax ténor ou à la clarinette.
Ce concert, on va le découvrir, est aussi un jeu des pistes dont le saxo serait l’axe majeur.
Il débute par une musique céleste égrenée au mini limonaire, reprise par la trompette remarquable de Verneri Pohjola en cri animal, puis par la guitare et la batterie. Cette « valse des Vikings » est délicieuse de précisions mais aussi de ruptures. On retrouvera cela tout au long du concert : par dessus, avec ou contre les structures répétitives toujours à l’honneur, des à-côtés se font jour, des cassures et même parfois des oppositions. Sur cette trame très écrite, dynamique et relativement électrique, le groupe reprend aussi des morceaux de Mechanics et de Troubadours et dévoilent des nouveaux morceaux créés pour le dernier CD : Sven Coolson, Baldwin, Mésanges…
Rifflet a cette qualité d’utiliser les instrumentistes et les instruments dans toutes leurs palettes et leurs possibilités: mélodie mais aussi son brut, rythmes, couleurs, déformation puis harmonie… Il faut écouter les riffs rageurs de la guitare de Philippe Giordani et les percussions multiples de Benjamin Flament et son flamentophone (constitué de métaux, de gongs, d’équerres, d’éléments de batterie et autres objets chinés) Ces deux fidèles l’ont accompagnés sur ces deux autres opus et ils dévoilent là encore une autre facette de leur talent.
Sans parler de cette compagne discrète, automatisée qui est installée à côté de l’artiste; cette shruti box, une sorte de bourdon indien qui donne un couleur décalée et parfois sombre à un jeu collectif plus que brillant. Et que dire qui n’ait pas été dit sur ce jeune trompettiste finlandais
Verneri Pohjola dont la trompette possède une palette démoniaque et angélique…

Un premier rappel fera revenir Sylvain Rifflet seul sur scène, avec sa shruti box et ses clochettes indiennes au pied. Un second rappel avec tous les musiciens clôturera une soirée magnifique.

Un artiste béat et aux anges est paraît il un artiste mort? Ce n’est pas le cas de Rifflet
Aux anges il est, et nous avec.