Robin McKelle & Ella, deux divas du jazz à l’Auditorium

par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine.

Auditorium de l’Opéra de Bordeaux, samedi 4 novembre 2023.

Robin McKelle est une artiste très éclectique dans le choix de ses répertoires. Déjà neuf albums à son actif qui ont balayé la soul, le blues, la pop et le jazz bien sûr. Du big band au trio comme ce soir, elle s’est accompagnée de formations diverses. La dernière fois que nous l’avions vue c’était au Anglet Jazz festival en septembre 2022 où elle rendait hommage à Amy Winehouse, Sade, Janis Joplin, Joni Mitchell et même Dolly Parton avec ses propres arrangements jazz.

Ce soir l’Auditorium de l’Opéra de Bordeaux est bien rempli malgré les mises en garde alarmistes annonçant la tempête et dans ce bel endroit c’est la sérénité paisible qui règne, peut-être même trop parfois, on va le voir. Robin est venu nous présenter « Impressions of Ella » l’hommage musical qu’elle rend à celle qui, la première, l’a inspirée, la grande Ella Fitzgerald, the First Lady of Song.

Avec elle, un trio formé de Jonathan Thomas le musculeux pianiste, Diego Joaquin Ramirez à la batterie et Blake Meister à la contrebasse.

Habitué aux salles plus petites et à une certaine proximité je suis à chaque fois un peu désarçonné ici quand la musique démarre ; il me faut prêter l’oreille, le son me paraît lointain. Il est vrai que sonoriser un tel volume tient de la gageure surtout pour un public plutôt « classique » moins habitué aux décibels et aux chaudes ambiances du jazz. Mais c’est justement une très bonne chose que l’Opéra de Bordeaux intercale ainsi des concerts de jazz au milieu de ce que certains appellent pompeusement la Grande Musique, touchant ainsi un plus vaste auditoire.

Dès le deuxième titre « Taking a Chance on Love » se lance avec son micro couvert de strass dans un scat – dont on prête l’origine à Louis Armstrong dans les années 20, ayant fait tomber sa partition et les paroles lors d’un enregistrement et poursuivant avec des onomatopées – dont Ella était une des reines. Elle en a les capacités et l’aisance bien portée par le trio. Voilà une version de « Caravan » assez aérienne qui s’achève alors qu’on l’imagine disparaître lentement dans la brume du soir… Éternel titre que l’on peut interpréter de toutes les manières, ce dont Robin ne se prive pas ce soir ; très agréable. Immense standard des frères Gershwin que « Embraceable You » joué ici avec une lenteur et une sensualité extrêmes, le grain de voix de Robin commençant à apparaître ; belle présence aussi, gracieuse, voluptueuse même.

Voilà « Lullaby in Birdland » dans une version très swing, chacun des musiciens y allant de son chorus, notamment Diego dont la batterie annulerait tout effet de berceuse pour l’endormissement de petits enfants ! Robin nous propose un blues de Duke en duo avec Jonathan Thomas et, ça y est, son grain de voix légèrement enroué qui est sa signature arrive. Tiens on change de registre avec « Desafinado » où Robin fait participer le public qui répond timidement malgré sa sollicitation pleine de gentillesse naturelle.

Le concert, assez convenu à mon humble avis jusqu’à présent, va prendre une autre dimension avec ce titre composé par Robin en hommage aux chanteuses qui l’ont inspirée et au pouvoir des voix féminines, « Head High » de l’album « Alterations ». Le trio qui jusque-là accompagnait plutôt, se met à jouer le feu ; le voilà en liberté et à très haut niveau. Robin aussi est libérée, leur version de « April in Paris » est superbe.

« How High the Moon » qui, nous dit Robin, a révélé Ella en 1947 puis « Halleluya I love you so » de Ray Charles (You know Ray Charles ? Pas de réponse ! Bon d’accord elle l’a demandé en anglais ! ) pour finir avant un court rappel, clôturent ce concert, très pro devant un public visiblement comblé. Celui-ci, pour vraiment connaître le jazz, devrait de temps en temps aller plus loin pour le découvrir en club, dans de petites salles, en festival, y partager sa ferveur, son émotion, sa sueur parfois, sa fête souvent.

Merci à Robin McKelle de nous proposer régulièrement des projets de grande qualité, elle s’avère une des chanteuses importantes du jazz et elle est tellement agréable avec son public à qui elle s’adresse en français s’il vous plaît, encore un bon point !

 

  • Prochain concerts de jazz à l’Auditorium :

Vendredi 24 novembre : Rolando Luna

Lundi 27 novembre : Jacky Terrasson en solo

Samedi 16 décembre : Abdullah Ibrahim

  • La saison jazz 2023/2024  à l’Opéra :

https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/le-jazz-a-lopera-de-bordeaux-saison-2023-2024/