par Philippe Desmond, photos Pierre Diener.
Café du Sport, Uzeste le 17 décembre 2017.
Les rendez-vous dominicaux au Café du Sport à Uzeste sont toujours un grand plaisir, l’ambiance y est vraiment sympathique, mêlant les habitués du comptoir, les amateurs de jazz, les novices, les familles. Tout est sans façon, chaleureux. Ce soir on nous offre des sablés maison, juste sortis du four. La bière basque se sert à la tireuse et le vin au BIB.
Musicalement c’est toujours de très grande qualité, le Collectif Caravan de Cécile Royer et son fer de lance, le trio de Thomas Bercy y étant bien sûr pour quelque chose. A chaque fois un invité vient se joindre au groupe mais ce soir c’est même deux. Le trio étant cette fois un duo, Thomas Bercy et Jonathan Hédeline, c’est Eric Pérez qui est venu avec sa batterie et Guillaume Schmidt, dit Schmity (orthographe non certifiée) avec ses sax alto et ténor.
Répertoire original avec une sélection de titres pas vraiment habituels. Le concert démarre en effet par « Hand in Hand » du pianiste Mulgrew Miller pas le plus célèbre. Du hard bop à la rythmique alerte, souvent circulaire, enivrante, idéale pour le jeu de piano de Thomas et l’alto de Guillaume. Un début tout en gaieté.
Puis le trépidant « Bolivia » de Cedar Walton qui donne envie de bouger, de danser même, Schmity régalant au ténor. Concentrons-nous sur le drumming d’Eric Pérez dans un registre différent de Post Image dont il est le titulaire ; c’est amusant de comparer ce qu’on entend et ce qu’on voit. Un groove élégant, un beat souvent effréné, syncopé à souhait et pourtant l’air de ne pas y toucher, calme et plein d’aisance. « Certains prennent ça pour du détachement, me dira t-il, alors que je suis simplement très concentré et vraiment à l’écoute ».
La température monte petit à petit malgré les enfants qui sortent, rentrent puis ressortent jouer au foot dans la cour. Sur « Straight Life » de Freddie Hubbard Thomas devient plus chaud que la braise qui couve à côté de lui dans la cheminée. Ses chorus frôlent la frénésie, l’atteignent, bientôt rejoints par ceux d’Eric et Guillaume.
Chaud, chaud, merci Jonathan de calmer un peu le jeu avec la douce rondeur de la contrebasse sur les passages lents du superbe « Phantoms » de Kenny Baron ; sur ce titre alternance des fracas rythmiques et des plaintes mélancoliques du sax ténor, la violence, les accalmies, une forte émotion qui me bouleverse encore.
Pour finir le premier set, le nerveux « Nothing Personal » de Don Grolnick au répertoire de Michael Brecker. Ça démarre à fond, ça freine, Thomas tel un boxeur agresse son piano, Jonathan le ramène au calme, le sax repart de plus belle, la batterie s’emballe ; du très haut niveau.
C’est la pause, le chapeau passe, un bonnet ce soir, on fait la queue au bar sur lequel nous attendent des chocolats, y’a d’la joie.
Revoilà Mulgrew Miller avec la rythmique en boucle de « The Countdown » ; il ne faut pas perdre le fil pour ce type de morceau me dira Jonathan. Ah, un vrai standard « All nothing at all » (Billie, Frankie, Diana…) qu’Eric et Thomas, arc bouté sur le piano, vont exploser, dynamiter ; un véritable attentat à cette bluette, énorme !
Un thème de John Ellis, un boogaloo dont voici la recette : sur un fond de contrebasse assurant le liant, assaisonnez de sax alto, passez au batteur, réchauffez au piano et servez brûlant ! Ré-ga-lez vous !
La jeune garde à la rescousse avec un thème un peu plus déstructuré mais tellement vivant de Kamasi Washington, un sax presque free de Guillaume puis lyrique, le drumming syncopé et vif d’Eric toujours aussi tranquille, apparemment.
Quel répertoire hors des entiers battus, et quels musiciens, « pas la peine d’aller au Sunset ou au Duc » me dit Alain l’animateur de l’émission Because the Night sur Radio Entre deux Mers, ici c’est encore mieux. Au bar certes ça s’agite mais là juste à côté, dans la salle à manger il y a une formidable écoute.
Pour finir Joe Henderson avec « Isotope » car dixit Thomas Bercy la maîtresse des lieux Marie-Jo is au top ! Hommage à celle qui vient de céder son Café du Sport à Betty sa fille. Belle ovation à cette personne qui a su créer des événements festifs, culturels et conviviaux autour de son affaire. Merci Marie-Jo ! Bonne chance Betty !
La Collégiale de Clément V s’éloigne, retour vers l’agitation urbaine et le lundi matin qui s’annonce. A bientôt Uzeste.
NB : un grand merci à Pierre Diener, musicien à l’Asso Ardilla de Saint Macaire, pour m’avoir plus que dépanné avec ses photos. J’avais l’air malin avec mon appareil sans sa carte mémoire laissée dans l’ordinateur…