Paul Lay full solo et full vidéo
Quand Beethoven s’habille de jazz et de vidéo
par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat
Pour la soirée de clôture du festival l’Esprit du Piano, le rendez-vous est au Rocher de Palmer et nous concerne car il s’agit de jazz. Cette année le festival, plutôt axé sur une programmation classique, a déjà accueilli des pianistes de jazz, Rémi Panossian dans l’amphi de Sciences Po, Jacky Terrasson et Rolando Luna à l’Auditorium de l’Opéra de Bordeaux.
Ce soir c’est Paul Lay qui est annoncé en piano solo sur le répertoire de son dernier album « Full Solo » autour de l’œuvre de Beethoven. Certes il sera seul sur scène mais il va évoluer dans un environnement vidéo graphique composé par quatre étudiantes et un étudiant en Motion Design de l’école des Gobelins de Paris.
Musicalement Paul Lay qui a une culture classique puis jazz est un fervent du « grand » répertoire, nous l’avions ainsi vu cet été en trio au festival d’Andernos où il rendait hommage à J.S.Bach.
Sur l’album « Full Solo » qu’il va nous égrener ce soir, il reprend quelques œuvres du pianiste et compositeur allemand en y ajoutant des compositions personnelles pour la plupart écrites à Vienne lors d’un séjour sur les traces du Maître.
Mais si Paul Lay a déjà donné des concerts sur ce répertoire, c’est à une première mondiale que nous assitons comme nous le précise en introduction Paul-Arnaud Péjouan, le directeur artistique du festival. Depuis des mois, un groupe d’étudiants travaille sur une mise en images de la musique de Paul. Chacun a proposé sa création au pianiste qui a validé leur travail.
Paul Lay est donc seul sur scène aux commandes d’un beau Steinway mais derrière lui l’écran va s’animer tout au long du concert qui commence avec deux « Bagatelles » dont l’une écrite par Beethoven à l’âge de 10 ans… Il nous confie que ce qu’il aime c’est jouer entre l’écrit et l’impro, évoquer les mélodies puis les colorer harmoniquement autrement, en faire d’autres créations. De par sa culture, son talent et n’oublions pas, son travail, il en a les capacités, tout paraît fluide naturel. L’esprit de l’œuvre sera à chaque fois conservé tout en lui ajoutant cette touche personnelle élégante et inspirée.
Si le plaisir auditif est on ne peut plus assuré, s’y ajoute le plaisir des yeux. Images mouvantes kaléidoscopiques, géométriques, abstraites ou figuratives, colorées ou monochromes, dans tous les cas singulières et qui s’accordent avec la musique. Le plus dur est de ne pas se laisser distraire par ces images au détriment de la musique par qui elles ont un sens. Images fantasmagoriques, univers à la M.C. Escher, formes ectoplasmiques, paysages imaginaires, volume géométriques… une grande variété de motifs s’enchaînant avec grâce.
Enigmatique cette main qui cherche à saisir le piano pour le « Blues in Vienna » ; évidente ces gouttelettes et cette pluie pour « Waterdrops in Vienna » cette averse tombant en gouttes d’ivoire et d’ébène sur le piano ; singulière cette lune, puis ces lunes, sur la symphonie Clair de Lune triturée par Paul mais dont l’essentiel de la mélodie revient toujours ; affairé ce petit bonhomme qui essaie de rattraper on ne sait quoi sur la symphonie n°9 et son Hymne à la Joie, l’écran s’animant de couleurs gaies.
Paul ne joue pas Beethoven, il joue avec lui, un petit clin d’oeil de 5ème dans la 9ème, murmure dans le public qui a compris, du blues, du swing parfois, du stride peut-être ça et là, du tango même ! Et toujours chez Paul ces accords téméraires qui le caractérisent, quel beau pianiste vraiment.
La totalité de l’album « Full Solo » nous est offerte avec ce bonus visuel très esthétique et en totale harmonie.
Rappel bien sûr et même s’il n’est qu’autour de 22 heures, Paul nous propose une version très personnelle de « Round Midnight » sur laquelle les étudiants vont se lâcher visuellement comme il leur avait suggéré lors des balances !
Quelques clés du concert
A l’issue du filage dans l’après-midi j’ai pu discuter avec Alexandra, Eléa, Elizaveta, Samantha et Oscar, étudiants en Motion Design à l’école des Gobelins de Paris.
AJ : qui a eu l’idée de vous associer à la musique de Paul Lay ?
Étudiants : c’est Paul qui a demandé à ce qu’on se cale sur la musique de son dernier album. On s’est répartis les morceaux sur lesquels on a composé des assemblages vidéo qu’on joue en live tout en improvisant avec Paul.
AJ : justement c’est cet aspect improvisation qui m’intéresse, lors du filage je trouvais que Paul était calé à la seconde près avec l’image finale. C’est lui qui est synchro sur l’image ou c’est vous qui l’êtes sur son interprétation ? Ou dit autrement, son interprétation intègre-t-elle de l’improvisation sur laquelle vous devez vous adapter.
Et : son interprétation c’est de l’improvisation et c’est un jeu de ping-pong entre lui et nous, en totale harmonie.
AJ : vous êtes capables donc de rebondir s’il rallonge un morceau.
Et : oui, c’est le but de cette prestation, qu’on arrive à communiquer à improviser nous aussi
AJ : vous devez donc être réactifs.
Et : c’est ça, à l’affût.
AJ : Paul Lay a-t-il eu un droit de regard sur les images ou vous a-t-il laissé une totale liberté ?
Et : totale liberté au début mais évidemment validation finale avec ses retours. Il a été très vite enthousiaste sur nos productions, tout s’est déroulé de manière très naturelle entre nous tous.

de g à d : Eléa, Elizaveta, Samantha, Paul, Oscar, Alexandra
AJ : merci et bravo pour votre travail, le mariage est vraiment très réussi.
https://www.paul-lay.com/paul-fr
https://www.espritdupiano.fr/
https://www.gobelins.fr/design-graphique
Galerie photos :