MATTEO PASTORINO « SUITE FOR MODIGLIANI »

Chez : Challenge records / Bertus

par : Alain Flèche

Matteo Pastorino: Suite for Modigliani

Matteo Pastorino : Clarinettes

Matthieu Roffe : Piano

Damien Varaillon : Contrebasse

Jean-Batiste Pinet : Batterie

& Gilad Hekselman : Guitare

A l’instar de Fred Borey introspectant Picasso pour nous le livrer à travers son émotion, ce nouveau projet pré-tent à inciter de quitter son rôle de simple auditeur, fut-il attentif, pour le rejoindre dans ce voyage instantané où le passé recouvre le présent et l’influe, comme cette musique peut modifier l’art même du peintre, en tout cas désormais, notre regard , et l’écoute.

Ici, musique et peinture sont dans la même recherche spontanée de grâce et de pureté. Dans un jeu de notes sculptées, ciselées dans les bois par les clefs et par le regard de Matteo qui est rentré dans la toile du maître par l’œil sans iris d’une femme, tourné vers l’intérieur, à la poursuite de son soi, de son âme. Reflet ésotérique de l’art consommé de la Renaissance. Des bustes d’hommes aussi, dans leur être intime, sans plus de masques, délivrés de leur paraître.

Ainsi est la musique. Servie, effet miroir, dans l’intention de création, en volonté de creuser, épurer, et en respect du trait, révélateur de l’effort nécessaire qui conduit à l’acte. Le clarinettiste est à la hauteur de son ambition. Précis, peut être précieux presque. Conducteur d’une belle machine qui va bon train, chacun à son poste, il y a à faire, à défaire pour parfaire. Piano étincelant, ce sont les pas d’une fée qui frôlent les cordes , en courant dans un paysage sans cesse inventé. Cordes et bois que manie Damien. Souvent en suspend, en apesanteur, puissant et léger en même temps. Bois et cordes qui se rejoignent, se mêlent, s’unissent et repartent. Souffle de métal et de peaux battues qui agite l’air, et respirent les autres instruments. Vrombit parfois comme un ogre, sans dévorer ni le temps, ni ses enfants, juste pour s’étirer plus fort, plus loin. Et puis, encore cordes et bois, guitare ponctuelle, juste à temps. Points et contrepoint, point de trop. Aérien et efficace. Écoutez moi donc tous ce beau monde dans la dernière illustration de ce beau livre sonore : c’est joyeux, enfin. La Beauté retrouvée grâce à la nostalgie, pays inaccessible pourtant, abordé maintenant de par la confiance donnée en l’amour. Fin du disque comme fin de l’artiste, cet exilé, ce nomade, qui ne cesse de peindre un hymne au départ, à l’amour, à la mort.

Beau