Par Philippe Desmond

Collège Eléonore de Provence, Monségur (33) le jeudi 10 juin 2021.

En février dernier nous étions allés pour la Gazette Bleue, le collège Eléonore de Provence de Monségur et ses classes jazz. https://lagazettebleuedactionjazz.fr/une-journee-avec-les-classes-jazz-du-college-de-monsegur/

Nous y revenons aujourd’hui pour une masterclass destinée aux 6ème et 5ème avec comme invité le clarinettiste Jérôme Gatius. La veille en concert de reprise à Soustons avec Guillaume Nouaux et Alain Barrabès il a fait la surprise d’arriver avec ce dernier, le pianiste plein de fantaisie très apprécié dans le milieu.

Dans l’auditorium les jeunes en cette fin d’année scolaire sont bien excités et longs à se mettre en place avec leurs instruments. Ils vont en effet offrir une prestation aux invités avant de dialoguer avec eux et de les entendre jouer. Une vingtaine d’élèves de 6ème vont lancer une bossa-nova en big band suivie de « My little suede shoes » de Charlie Parker à ne pas confondre avec les mêmes en bleu de Carl Perkins ! Rémy Poymiro, François Mary et Christophe Gagner les professeurs relancent le tempo de ces tous jeunes enfants qui pour certains n’ont même pas un an de musique derrière eux, la pratique musicale n’étant pas une obligation à l’entrée au collège ; elle le devient bien sûr ensuite.

Et d’ailleurs Jerôme Gatius et Alain Barrabès interviennent pour féliciter les enfants et leur faire réaliser qu’ils ont la chance de jouer comme cela très tôt ensemble, loin des années de théorie pure et d’instrument dans son coin qu’a connues le clarinettiste, saxophoniste à l’origine. « Partagez, écoutez du jazz vous avez maintenant les outils pour cela sur le net , nourrissez vous de musique » s’enthousiasme Alain et il ajoute « bravo aux solistes pour leur courage ! ».

Un autre intervenant du collège vient d’arriver, le trompettiste-tromboniste Slobodan Sokolovic qui va lancer l’orchestre dans un blues de sa composition « on n’en pouvait plus de travailler C Jam Blues tout le temps ! »

Au tour des deux invités de jouer en duo avec « If dreams come true » mais joué en stride avec la fameuse pompe de basse du piano. Alain explique les caractéristiques de ce style stride en Français « la foulée » où la main gauche voyage sans arrête en basse et médium. Sur le titre suivant le facétieux Slobodan entre dans le jeu de façon impromptue, Jerôme Gatius lui tournant le dos se demandant d’où vient ce son de trombone !

Puis avec « Careless Love » Jérôme Gatius introduit les notions de vibrato, d’inflexion, de bec ajoutant des couleurs au thèmes joué brut en introduction. Il pourrait en parler des heures mais le temps est compté.

Au tour des 5ème avec un très réussi « Song for my Father » puis un « I don’t mean a thing » à encore travailler pour lui donner le swing. Slobodan est déçu, « En répétitions ça sonne et là ils sont en dedans ! »

Place au dialogue avec les questions préparées par les jeunes. La première est surprenante « Connaissez-vous personnellement des stars du jazz ? » Alain Barrabès jamais avare d’humour désigne aussitôt du doigt Denis Bielsa le professeur de batterie assis à côté de moi.

Suivent des questions sur leurs débuts, leur choix d’instrument, leur meilleur souvenir ensemble ou seul « le festival du Mont Dore » pour Alain en duo ce jour-là avec son compère, pour Jérôme la rencontre et le partage de la scène avec le pianiste Steve Pistorius à New Orleans et notamment sur le steamer Natchez sur le Mississippi. « Combien d’heures de travail par jour » demande un élève, la réponse provoquant des soupirs et certainement générant des inquiétudes : « souvent 5 à 7 heures ».

Les deux invités donnent ensuite des conseils, sur le travail, l’écoute, le repiquage avant de rejoindre les professeurs pour une jam. Après le premier titre avec en plus à la basse François Mary, à la guitare Christophe Granger, au trombone Slobodan Sokolovic et à la batterie Denis Bielsa, Alain Barrabès fait cette jolie remarque aux jeunes : « Ce que vous voyez-là ne s’est jamais produit et certainement ne se reproduira jamais, nous n’avons jamais joué ensemble, profitez de ce moment et travaillez pour en vivre de tels». On jurerait pourtant le contraire, langage universel du jazz quand il est maîtrisé.

Une rencontre tellement sympathique, des yeux et des oreilles émerveillés, des envies de progresser pour certains peut-être des inquiétudes pour d’autres. Bravo à l’équipe du collège pour ce travail, merci aux invités pour leur sens du partage.

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