Par Dom Imonk

Parue le 01 juillet 2014 dans la Gazette Bleue N° 5

Loïs Le Van sextet The Other Side - Hevhetia 2013 hv 0073-2-331

Récemment intrigué par un article sur Loïs Le Van, j’ai cherché une vidéo sur la Toile et suis tombé sur celle filmée au Voicingers 2012 (à Zory, Pologne), concours qu’il venait de remporter en interprétant une chanson de Björk. Le choc ! Un ange est passé, oui, mais un ange qui chante et qui possède une voix singulière et rare, de celles qui vous accrochent dès les premiers mots. « Ange », c’est aussi le vocable qu’avait choisi Lou Reed pour évoquer Jimmy Scott, tout récemment disparu.

Loïs Le Van n’a pas trente ans mais déjà une carrière bien remplie. De sa biographie l’on apprend qu’il a notamment étudié avec Roger Letson en Californie, puis avec David Linx au Conservatoire de Bruxelles et qu’avant la création de son sextet, il a participé à divers projets (Brussels Vocal Project, Vocal Flight, Ego System, Les Yeux de Berthe).

Le disque du Loïs Le Van sextet est un concentré d’émotions en onze étapes. Une écriture ambitieuse et inspirée forme les huit compositions de la plume du leader, avec les textes délicats (en anglais) de François Vaiana, sauf Venture (texte de Laura Karst). Sandrine Marchetti (piano) le rejoint aux arrangements sur Ivy Said et sur le très émouvant Are we the Unknown (Ana Maria – musique de Wayne Shorter), ainsi que Thomas Mayade (trompette et bugle) sur le fabuleux The Other Side et sur Old and Wise (Alan Parsons). On évolue dans un jardin mystérieux, où de précieux parfums flottent un peu partout. Le groupe reprend aussi Home (Tord Gustavsen), avec la même grâce et ce sens inné du beau que l’on retrouve sur tous les morceaux.

Loïs Le Van a une voix captivante. Comme il le reconnaît lui-même, il reste un peu de Chet Baker en lui, et on lui a même dit qu’il chantait comme Robert Wyatt, dont on retrouve un peu l’univers dans sa musique. Pour ma part, c’est à un « je ne sais quoi » de Terry Callier que j’ai pensé la première fois que je l’ai écouté, un soupçon de fragilité, la chaleur dans le grain de sa voix, un verbe épuré et cette manière généreuse et protectrice d’envelopper les mots avant leur envol.

Loïs Le Van n’est pas tout seul et les autres musiciens du sextet sont tout aussi épatants. Forts de leurs déjà riches expériences, ils forment avec leur leader un être multiple à la force indivisible. On est d’emblée séduit par leur implication et leur jeu. On aime le romantique et élégant piano de Sandrine Marchetti, le verbe jazz de haute volée dit par Thomas Mayade, qui excelle à la trompette et au bugle, et l’on apprécie la belle idée de lui avoir associé le mellophone et le cor de Manu Domergue, formant ainsi une section très originale. Enfin, à bel esquif, solide charpente, il revient au pacte rythmique formé par Leïla Renault à la contrebasse et Roland Merlinc à la batterie la lourde responsabilité de « driver » ce beau sextet, avec force et tact, et ils y parviennent à merveille. Ces musiciens nous ont touchés en plein cœur, leur univers est cet « autre côté », fait d’une poésie jazz toute neuve. Nous voulons les y suivre désormais, venez donc avec nous !

Par Dom Imonk

© HEVHETIA 2013 – HV 0073 – 2 – 331