par Anne Maurellet

Festival Uzeste – 42ème Hestejada de las Artes

La Réole 17/08/19 – Ancienne prison –

Les Imachinasons de Patrick Deletrez

avec
Fabrice Vieira, vocal électronisé
Bernard Lubat, clavier synthétiseur
Frank Assémat, sax baryton

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Donner aux prisonniers leur voix dramatique. Objets animés, redonnez-leur donc leur âme. Une horloge insouciante donne le la, le ton. On verrait des bagnards dans cet opéra contemporain monter pesamment l’escalier central pour rejoindre leur geôle…Ici, tout est mécanique, comme leur geste dans le labeur forcené qui paie la dette. De petites lumières impriment l’architecture du lieu. Une voix mortelle, mais humaine?…rend la douleur. Des corps métalliques sont encagés, le couloir renvoie l’âme des condamnés.
Un pendule prend le relais du temps qui griffe les heures, les désaccords du clavier psychédélique et la voix d’outre-tombe grattent les consciences, violentent la bonne conscience. Fantômes de douleur. Lieu de torture mentale pour expier?
Surgit un saxo grave, ondulation continue, grondement des souffrances? Il est prolongé par la voix multiple. Il interroge ensuite par petits sons les poupées désarticulées qui tournent sur elles-mêmes.

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Musée vivant des curiosités, des étrangetés, de l’étrange-nous-même qui laissent les désignés coupables dans les oubliettes… L’Histoire, réveillée ainsi de son terrible sommeil bruyant. Les sons des objets rocaillent sans cesse, seul le saxophone ralentit le temps comme pour nous le restituer autre. Manifeste, plainte, complainte, réveil des mentalités endormies à l’abri. Ici, les objets représentent les consciences emmurées versus la répétition des gestes pénibles de la punition. La réparation ne semble pas avoir été efficace…utile? Je ne sais.
La musique de cet ensemble inattendu se construit avec la mécanique des objets tous horlogers. Décomposition du temps, recomposition progressive, profonde, montant d’un sous-sol imaginaire où la culpabilité s’est peut-être terrée pendant des années… Qu’en savons-nous? Les instruments deviennent ces objets, assujettis, volontairement soumis. Naît un curieux dialogue, la cloche rappelle l’autorité, la voix embraye, chant mi-totalitaire, mi-évocateur. On en perd ses repères. Le clavier l’inonde parfois.
Les petites lumières projetées provoqueraient la féerie, un merveilleux inadéquat, un peu désespéré. L’accélération des sons advient, nous y perdant. Coupables, responsables, mais qui?