par Philippe Desmond, texte et photos.

Salle Simone Signoret, Cenon le 23 septembre 2021.

Le Jazz Vibes Quartet pille le répertoire Classique

 

Les « concerts tôt » de Polifonia, créée par la chef de chœur Eliane Lavail, sont toujours un peu en marge de la programmation classique – la musique s’entend – de l’association. C’est justement ce qui fait plaisir, cette ouverture vers d’autres univers tels que le jazz, sans barrière, sans frontière. Pour ce concert on est à cheval entre les deux mondes, le Jazz Vibes Quartet a en effet décidé d’effectuer un pillage d’oeuvres classiques (j’emploie leurs termes) de quoi heurter certains classiqueux et en réjouir beaucoup d’autres. Le JVQ c’est Jacques Ballue professeur au Conservatoire, au piano et aux arrangements – et là il y a avait du travail – Patrice Guillon récent retraité de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine au vibraphone, Jean-Patrick Allant qui a formé tant de batteurs et lui aussi joué à l’ONBA et Aurélien Gody contrebassiste menant beaucoup de projets surtout jazz. Le quartet sort lui aussi du tunnel pandémique et se réjouit de retrouver le public.

Pillage donc, les partitions suivies à la note près en musique classique étant vite oubliées une fois le thème joué pour partir vers des improvisations, rassurez vous, bien dans l’esprit des œuvres. Un pillage sous contrôle, nos musiciens, s’ils aiment la liberté, n’en sont pas moins respectueux de leurs illustres aînés !

Le résultat est particulièrement réjouissant d’autant que les quatre lascars sont facétieux et quelques chausse-trappes sont tendues parfois par l’un ou l’autre. Bernard Causse l’organisateur du concert et mélomane plus qu’averti leur fera remarquer que ce concert est différent de celui de la veille à la Chartreuse Saint-André de Caudéran « En musique classique on n’est pas surpris alors que là on ne sait pas où on va » la réponse des musiciens fusera « Nous non plus ! », le jazz !

Les titres sont pour certains métamorphosés, le luth et la voix de l’oeuvre de John Dowland étant remplacé par le vibraphone, Jean-Patrick Allant jouant lui du darbouka sur la « Marche pour la cérémonie des Turcs » de Lully. L’apport de la rythmique aux œuvres initiales les transforme bien évidemment en jazz, le swing bousculant l’ordre établi. Et quand sur la « Vieille chanson française » de Tchaikovsky » déboule le drumming de Gene Krupa les puristes ont de quoi frissonner ; les autres jubilent. Quand Joe Henderson et son blues rencontrent Bernstein l’anachronisme est bien moindre, les ponts entre ces musiciens ayant été lancés de leur vivant. Tout cela Jacques Ballue nous l’explique avec son humour habituel, surgissant de derrière son piano armoire où il se cache pendant les morceaux !

Un bien agréable concert, décalé, jubilatoire par moment, qui brise les chapelles dans lesquelles certains se complaisent. Juste un symbole ce cette porosité entre les musiques, Patrice Guillon portait une stricte chemise blanche à col cassé, partie de son uniforme de l’ONBA mais sur un jean délavé, baskets aux pieds.

 

Improvisations autours de :

« O Come again » de John Dowland

« Marche pour la cérémonie des Turcs » issu de la comédie ballet le Bourgeois gentilhomme de Jean Baptiste Lully,

« Sinfonia 11 » de J.S Bach,

« Vieille chanson Française » P. I Tchaikovsky

« Pavane » de Gabriel Fauré

« Le Prélude du Tombeau de Couperin » de M.Ravel

« PiazzoBach » de J.Ballue

« Cool » issu de West side story de Bernstein

en bis: « Petite ouverture » du ballet Casse-noisette de PI Tchaikovsky