Kyle Eastwood à l’Olympia d’Arcachon
Eastwood by Eastwood : La passion en héritage.
Par Christine Moreau, photos Erick Moreau.
Olympia d’Arcachon, le 8 octobre 2024.
Kyle Eastwood : contrebasse et basse électrique / Andrew McCormack: piano / Chris Higginbottom: batterie / Quentin Collins : trompette et bugle /Brandon Allen : saxophone ténor
Clint Eastwood a marqué de son empreinte le cinéma américain en tournant des films qui brossent le portrait contrasté d’une Amérique tourmentée. Acteur et réalisateur de légende, il est également musicien et nourrit depuis toujours une passion pour le jazz.
Certains patronymes peuvent peser et il est parfois difficile pour les « fils de » de s’émanciper de la tutelle paternelle. Kyle a su se faire un prénom, non pas à l’ombre du grand homme, mais en tant que musicien accompli. En 2023, le contrebassiste, bassiste et compositeur a publié son 10ième album, Eastwood Symphonic. Il y dirige un road movie à travers la riche filmographie de son père en revisitant les arrangements des bandes originales pour le grand format des orchestres symphoniques.
Kyle revendique ici fièrement sa filiation en rendant hommage à la fabuleuse carrière de Clint.
Il a su brillamment redimensionner son projet panoramique à la mesure de son quintet. Ses fidèles musiciens sont anglais sauf l’Australien Brandon Allen qui est tout de même installé à Londres. Leur collaboration remonte à de nombreuses années et leur complicité, voire le plaisir jubilatoire qu’ils ont à jouer ensemble, est évidente.
A Arcachon la salle était quasi comble pour écouter un répertoire alternant pièces immédiatement identifiables et compositions moins emblématiques. Tout au long du concert, le quintet a plongé avec gourmandise au cœur d’une bande son qui relève du patrimoine collectif pour nous offrir une séance riche en rebondissements.
Le ton a été donné avec le premier morceau, Cool Blues de Charlie Parker que l’on retrouve dans la BO de Bird. Sa simplicité délibérée se prête volontiers à des chorus vitaminés sur des arrangements enlevés. Kyle Eastwood, au centre de la scène s’approprie le thème, fait corps avec sa petite contrebasse. Porté par son excellente technique, il déploie un jeu véloce, souple et varié.
Les musiques choisies valorisent son approche mélodique du jazz. Sont mis à l’honneur des compositeurs comme John Williams, auteur de l’inquiétante BO de La sanction. Le jeu délié et lyrique d’Andrew McCormack s’épanouit pleinement sur Claudia’s Theme, que l’on retrouve dans le film Impitoyable, morceau écrit par Lennie Niehaus et Clint Eastwood himself. Pour l’occasion, Kyle a troqué sa contrebasse pour une basse électrique afin de délivrer un jeu plus percussif. Un hommage appuyé est rendu aux compositeurs des années 70 avec l’interprétation des thèmes principaux d’Inspecteur Harry et Magnum Force de Lalo Schifrin. La puissance feutrée des cuivres et l’impétuosité maîtrisée de Chris Higginbottom à la batterie restituent parfaitement l’ambiance de ces films. Et quel bonheur d’écouter les musiciens s’emparer de l’émouvante composition écrite par Kyle pour Letters from Iwo Jima ou encore de la superbe mélodie de Gran Torino, fruit d’une collaboration entre père, fils et Jamie Cullum, présentée ici dans une version épurée.
Le concert a atteint son point d’orgue avec Ennio Morricone, l’un des compositeurs préférés de Kyle Eastwood. Sur le thème principal de Pour une poignée de dollars, seul à la contrebasse, juste nimbé d’un halo de lumière, il déroule, sur un tempo sidérant, un chapelet de notes pincées incroyablement évocatrices. Les traits du visage du père et du fils se confondent dans cette concentration extrême qui irradie Kyle, le public retient son souffle devant ce morceau de bravoure. Intense et magique.
Pour le rappel, nous retrouvons le génial Ennio Morricone avec la musique du « cultissime » Le bon la brute et le truand qui a rendu célèbre le cri du coyote. Le dialogue facétieux qui s’installe entre Quentin Collins et Brandon Allen exulte dans l’écrin des improvisations nerveuses des autres instrumentistes pour nous transporter sur une place gorgée de soleil et de testostérone où l’affrontement entre les 3 protagonistes passe uniquement dans les regards. Une scène d’anthologie où la musique remplace les mots.
Avec des musiciens hors pair à ses côtés, Kyle Eastwood a subtilement réorchestré des partitions souvent iconiques. Quant à Clint Eastwood, il a su construire une œuvre cinématographique majeure : bon nombre de ses films sont considérés comme des classiques.
Mais seraient-ils aussi remarquables sans la puissance de leurs bandes originales ?
Prochains concerts :
-22 novembre à Fougères
-04 décembre à Boulogne-Billancourt
Magnum Force : https://www.youtube.com/watch?v=cb4LoHqW7pY