Par Philippe Desmond

Espace Simone Signoret, Cenon le 10 septembre 2020

La France ne serait pas le pays du jazz, historiquement c’est évident. Mais si musicalement elle avait un patrimoine qui pouvait rivaliser avec les standards du Real Book ? Caloé et Clément Simon l’ont compris depuis un bon moment. La preuve ces concerts en duo qu’ils donnent régulièrement comme en ce début d’après-midi dans le cadre des « Concerts tôt » organisés par Polifonia, association plutôt orientée vers la musique classique mais ouverte au jazz notamment, c’est à souligner.

« La complainte du progrès » de Boris Vian et son inventaire électro-ménager ouvre avec énergie le concert. On comprend de suite comment fonctionne le duo. Il ne s’agit pas d’une chanteuse accompagnée d’un pianiste mais bien d’un duo et de jazz pour sûr. De suite le piano prend des libertés. Dans le titre suivant d’un autre vrai jazzman français, Claude Nougaro, le célèbre « Sing Sing Song » (Work Song) c’est même Caloé qui improvise d’un scat magnifique tandis que Clément swingue. Dans « Ces petits riens » de Gainsbourg elle laisse rien loin derrière elle une certaine Jane. Elle a une réelle pureté de voix que le minimalisme ici du piano met bien en valeur, on n’est pas loin de Bill Evans. Et quel plaisir d’entendre chanter le jazz en Français !

Caloé n’est pas seulement interprète, elle est aussi auteur-compositeur (j’ai encore du mal avec auteure-compositrice, l’âge certainement) comme le révèle son premier album « Saison » chroniqué il y a peu dans la Gazette Bleue.

En voilà trois extraits, la valse « Les gouttes » et « L’été » et son florilège de petits bonheurs sensuels, Clément en profitant pour placer un solo canaille, un dialogue complice s’installant entre tous les deux. De temps en temps Caloé prend des risques avec sa voix montrant l’étendue de son registre mais elle excelle aussi dans les murmures délicats comme dans l’émouvante chanson « Chiir » en hommage au poète syrien Adonis. Les murmures y laisseront vite la place au scat, Clément nous offrant lui quasiment un concerto.

Voilà « Syracuse » plus belle en chanson qu’en réalité comme j’ai pu le vérifier il y a quelques années. Henri Salvador lui aussi a fait partie de ce jazz français loin de ses pitreries. Arrive une chanson française qui,elle, est bien dans le Real Book sous le nom de « Beyond the Sea », « la Mer » bien sûr de Charles Trenet (enfant je croyais qu’on parlait de sa mère…) reprise ici sur un tempo stride entremêlé de passages classiques au piano dans l’esprit des fugues de Bach. Quel pianiste ce Clément Simon !

Pour le rappel, on revient chercher Nougaro mais accompagné de Michel Legrand, autre grand nom du jazz de chez nous et au delà, avec « Le cinéma ». Belle découverte pour moi que cette magnifique chanteuse qu’est Caloé qui a connu notre pianiste bordelais au Baiser Salé à Paris où elle anime régulièrement la jam du dimanche.

Ainsi s’achève pour ce duo un marathon de deux jours avec quatre concerts, hier à la bibliothèque et à la mairie de Caudéran et ce matin avec les scolaires ci même. Et à chaque fois un concert différent pour un même répertoire comme le soulignera Bernard Causse de directeur de Polifonia ; on vous l’a dit, c’est du jazz !

 

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