Kei McGregor’s band chez Alriq

Texte et photos Philippe Desmond

La Guinguette chez Alriq, vendredi 22 septembre 2023

Dernier jour de l’été, l’automne a bien tenté de le saboter le matin par une pluie dense qui aura plus arrosé un certain Charles III, venu sur les traces de ses ancêtres flairer le bon air bordelais, que la Guinguette Alriq, totalement épargnée le soir.

Histoire de dynastie là aussi avec Kei McGregor, le fils du grand Chris, le pianiste sud africain qui dans les années 60 et 70 a, avec sa musique, participé à la lutte contre l’apartheid dans son pays. Il devra s’exiler à Londres avec ses musiciens à cause de son engagement et de la composition multi raciale de son sextet, finissant sa vie en France, à Agen. Disparu d’un cancer à l’âge de 53 ans en 1990, il aura eu le temps de former son fils Kei à sa musique, celui-ci la jouant tel un héritage qu’il protège.

Kei est lui trompettiste et ce soir il joue avec son septet : Vincent Lefort (sax ténor), Marc Mouchès (sax alto), Nicolas Cérézuelle (clavier), Benjamin Pellier (basse), Aurélien Matifas (percussions), Eric Dambrin (batterie).

Ses propres compositions vont se mêler à celles de Chris et du saxophoniste de son groupe emblématique afro londonien Brotherhood of Breath, Dudu Pukwana.

Cette musique qui mêle la tradition africaine au jazz américain moderne est tellement chaleureuse, lumineuse, éclairée par les cuivres sur une rythmique implacable. L’enracinement dans la culture sud-africaine se traduit par la scansion des rythmes, les références au kwela, au gospel aussi avec les questions-réponses. Polyphonie, polyrythmie, développement à l’envie des thèmes tirant parfois vers la transe, puissance rappelant les big bands, une musique qui porte la liberté, qui donne envie de bouger, de danser, ce dont le public ne va pas se priver. Comment rester immobile devant cet appel à la joie, à ces riffs de cuivre et à cette rythmique échevelée ? Le septet une fois lancé est inarrétable , les chorus s’enchaînent, les impros pleuvent, c’est du pur jazz qui nous est offert sous les lampions bordelais.

Kei a donc reçu l’héritage de son père et entre les titres il l’évoque avec tendresse et les yeux brillants lui dédiant le concert. Certaines de ces musiques il les jouait déjà à 12 ans nous dit-il, il a baigné dans cette culture malgré le déracinement imposé. Chris, sa famille et ses musiciens avaient dû quitter l’Afrique du Sud dès 1965 ; Il y aurait encore 26 ans à vivre de cette abomination qu’était l’apartheid et que Kei qualifie de régime nazi.

Ah ces ballades sensuelles au son du bugle de Kei, où malgré tout couve la braise ! Ah ce « Lili Express » à la rythmique ferroviaire sautillante que je ne résiste pas à joindre à cet article lors d’un récent concert du groupe à Blonde Vénus. https://youtu.be/evVXjyHNesw?si=lVKuB3XbbhlUFboJ

Généreux, ils nous ont régalés en deux heures quinze de bonheur, distribuant de la chaleur dans cette fraîche soirée ; c’était presque trop court ! Curieusement j’avais toujours raté Kei et son groupe, me voilà enfin à jour et totalement emballé par ce que j’ai vu et entendu.

C’était la soirée idéale pour finir l’été mais attention pas la saison à la Guinguette chez Alriq, ça continue encore quelque temps. Ce lieu est magique !