par Philippe Desmond et Anne Maurellet,  photos Philippe Marzat.

Jazz 360, 10, 11 et 12 juin 2021

Le festival Jazz 360 est de plus en plus itinérant, 6 communes cette année. Pour ce second week-end c’est à Langoiran, village coincé entre l’abrupt coteau et la large Garonne, que reprennent les concerts. Le festival s’est installé justement sur le quai qui l’hiver peut disparaître sous l’eau boueuse. Ce soir tout est calme et serein, un léger courant vers l’amont indique que la marée monte. Un petit nuage vient faire la malin juste avant le début des concerts déversant quelques malheureuses gouttes qui sécheront aussitôt tombées, il n’insistera pas.

Un Big Band junior par PhD

Masqués, gélifiés, QR-codés, distanciés (merci aux bénévoles de gérer tout cela, vous êtes au top) les spectateurs s’installent pour écouter d’abord le Big Band de la classe de 3ème du collège Eléonore de Provence de Monségur. Bonne nouvelle, il est vraiment très mixte la section de vents étant très féminine ainsi qu’une des deux bassistes. Je reconnais les premières mesures du « Chicken » de Pee We Ellis dans un arrangement proche de celui de Jaco.

Bonne idée, un titre enjoué mettant de suite en valeur et en confiance ces jeunes pleins d’avenir. « Nature Boy » bien chanté par une des saxophonistes-flûtistes les plus actives de la section, « Tenor Madness » un blues de Sonny Rollins, « Recorda me » de Joe Henderson , « Footprints » de Wayne Shorter, « Bernie’s Tune » de Gery Mulligan, voilà un choix de répertoire très éclectique et de grande qualité. Merci pour cette jolie prestation et continuez à travailler votre plaisir et le nôtre ne feront qu’augmenter !

La frénésie de Tribal Poursuite par PhD

Que ce site est magnifique ! Le soleil déclinant les lumières changent, le fleuve est monté et évoque pour nous amateurs de jazz le Mississippi lointain et mythique, ne manquent que les steamers.

Car la musique, elle, est bien là. Voilà Tribal Poursuite le septet du collectif du même nom qui compte plusieurs formations. Rassemblé autour du batteur percussionniste Jean-Michel Achiary il se compose de Jonathan Bergeron (sax tenor), Olivier Gay (trompette et bugle), Félix Robin (vibraphone), Louis Laville (contrebasse), Jean-Loup Siaut (guitare électrique) et Christophe Urbanski (percussions).

Jean Michel Achiary est un fan absolu de Pharoah Sanders, Don Cherry et de John Coltrane ces musiciens ayant intégré la musique des racines africaines du jazz dans leur musique. C’est donc tout a fait dans cet esprit qu’il a composé le répertoire de cette formation.

Sur scène une énergie folle, volcanique, mêlant jazz hard bop à l’afro beat, le free n’étant jamais loin, des percussions et une rythmique monumentales permettant aux deux soufflants des chorus ou des joutes insensées.

Quel plaisir de retrouver la jeune garde issue du Conservatoire partager avec leurs ainés cette musique bouillonnante frisant avec la transe ; mais pas de danse possible dans les conditions actuelles ce dont vont s’affranchir quelques jeunes d’un Institut voisin, à qui la musique, cette musique, va parler et donner cette envie de s’exprimer avec leur corps ce que le quotidien et souvent leur mise à l’écart ne leur permettent guère. C’est très émouvant de les voir vivre ce moment, c’est tellement bon de voir que la musique est ce vecteur d’émotion quand elle est sincère et de qualité comme ce soir.

Bientôt un album de Tribal Poursuite, on va surveiller ça de très près. Il s’appellera »Route 124 », ne me demandez-pas pourquoi.

Demain sera un autre jour pour la caravane de Jazz 360, que c’est bon de retrouver ce rythme perdu pendant des mois !

Le jazz créole d’Akoda par PhD

Ce samedi c’est à Camblanes sur un lieu désormais traditionnel, à côté de l’église, mais malheureusement cette année sans la jambalaya néo-orléanaise habituelle, mesures sanitaires oblige… Reste la musique, on fera mieux que s’en contenter !

Le soleil tape dur et personne ne s’en plaint, on cherche juste l’ombre pour s’installer devant le concert du trio Akoda. Les revoilà nos trois amis, ravis d’être là devant le public qu’ils ont retrouvé la veille à Langon.

Mais ils ont encore cette réserve d’énergie accumulée pendant de long mois. Valérie Chane Tef (clavier, compositions, voix) Franck Leymerégie (set de percussions) et Benjamin Pellier (basse) vont ainsi nous proposer un concert magnifique, chaleureux, leur jazz créole sentant le rhum et la vanille, le protocole nous empêchant malheureusement de danser…

Set très jazz avec de plus en plus de liberté au clavier pour Valérie, des chorus plus nombreux et un super groove pour Benjamin et ces étincelantes percussions toujours aussi spectaculaires de Franck. Ils nous jouent leur dernier album « Muzik pou lo Ker » la bonne nouvelle étant qu’un autre est en préparation, déjà huit titres composés dont un dévoilé aujourd’hui. Il faut voir dans quel état ils ressortent de scène, un engagement total !

Les racines gasconnes du Matthieu Chazarenc Canto II par PhD

Au tour du quartet du batteur percussionniste Matthieu Chazarenc de venir nous proposer un autre univers, un jazz aux racines gasconnes, sa région d’origine à lui l’Agenais qui a déjà roulé sa bosse dans le monde entier et dans divers univers, le jazz bien sûr mais aussi la chanson française, il a ainsi assuré l’ultime tournée de Charles Aznavour. Il reprendra d’ailleurs en son hommage « Plus bleu que tes yeux » chanson à l’origine écrite pour Piaf.

Une version superbe, comme le sera tout le concert plein de finesse et de délicatesse. Matthieu est très bien entouré, Christophe Walleme (contrebasse), Sylvain Gontard (bugle), Laurent Derache (accordéon) tous au sourire éclatant tout au long du set.

Plaisir partagé par le public sous le charme de ces rythmes jazz particuliers, un pas de tango par ci, quelques tours de valse par là, un fond de folklore qui remonte ; longue citation de « Se Canto » en introduction d’un titre, une jolie mélodie « Garona » en hommage au fleuve qui passe au pied du côteau où nous sommes. Une musique aux nombreux rebondissements harmoniques avec une batterie tellement musicale, une contrebasse des plus mélodieuses en plus de son rôle rythmique habituelle et un accord parfait entre accordéon et bugle. Sylvain Gontard m’expliquera qu’au début du projet il y a déjà quelques années, il utilisait la trompette avec des sourdines, le bugle, des effets et qu’au fil du temps le bugle s’est imposé comme une évidence pour s’accorder avec l’accordéon. Le quartet nous a joué son dernier album « Cançon » sorti à l’automne dernier et coup de cœur d’Action Jazz.

Deux concerts gratuits, merci la ville de Camblanes et la Communauté de Communes des Portes de l’Entre deux Mers, du monde mais pourtant une jauge non atteinte. Il en faut de l’abnégation à tous ces bénévoles qu’on ne remerciera jamais assez !

L’Elephant Brass Machine embarque Cambes par AM

Dernier concert du samedi à la salle Bellevue de Cambes.

Jean-Michel Achiary, percussions et compositions, Ludovic Lesage, percussions, Anoumou Nador, percussions, Bastien Weeger, sax alto, Franck Vogler, trompette, Michaël Ballue, trombone, Damien Bachère, soubassophone, Jean-Loup Siaut, guitare

Entrée en matière. 360°, on fait le tour de la terre en 120 minutes, ce soir. La vie prend la forme d’un bras de fleuve qui s’ouvre sur l’espoir. On y croit parce qu’un public attend les musiciens qui apparaîtront face à cet horizon prometteur.

 

Les cuivres annoncent la couleur. Donner, offrir, partager. Sur scène, bien sûr, mais on les imagine déambuler dans les rues. Bon, oubliez votre chaise, elle plie déjà sur les tressautements. Pouvez pas faire autrement. Le démarrage « en fanfare » vous a embroché direct. Alors, vous attrapez le tempo et eux le découpent… Jean Loup Siaut agace avec précision sa guitare, il est bien question d’aller titiller les percussions et le soubassophone de Damien Bachère. Inflammation du cerveau assurée, ça vous colore les neurones d’emblée. Le décor est planté, et même si le soleil continue de darder de ses rayons impérieux la colline en ce jour de célébration du partage retrouvé. Je vous jure que la lumière vient de la rencontre, public/Elephant Brass Machine.

On se reprend. Les cuivres ont repris le swing, mais les percussions de Ludovic Lesage et d’Anoumou Nador découpent et redécoupent le tempo. Musique du plaisir : elle fait épanouir chaque mesure, chaque note. Elle entrechoque proprement, c’est un chaos organisé. L’expulsion de la joie. Adieu tristesse. Prenez des électrons, ils vont se chahuter, se provoquer, se repousser puissamment. Les percus s’exhibent avec panache ; de superbes paons étalent leurs ocelles miroitantes.

A la fin de chaque morceau, ils célèbrent les retrouvailles du même ensemble. Des enfants au bord de la scène sont descendus de leurs chaises et tournent sur eux-mêmes. Il y a peut-être quelque chose de l’enfance qui ressent et ne calcule pas, ne mégote pas dans cette musique-là. Quelque chose de généreux, et de volontaire aussi.

La marche comme une source vive au débit puissant. Bastien Weeger incruste son sax et sa clarinette dans la scansion collective pour scruter encore l’instant, pour mieux le remplir. La guitare en écho, démultiplier mieux pour s’amuser. Qui dirait que ce n’est pas faire œuvre. Les cuivres ponctuent, synthétisent, simplifient, belles lignes fluides.

Les musiciens ont apporté un peu de gravité soudain pour nous entraîner dans d’autres espaces. La japanéité de Keiko Jones. Et puis, quand même la marche est repartie. Un brin majestueux ici, m’enfin, ça chahute ! Apparent désordre, millimétré…C’est comme ça, la mesure du temps n’est plus la même, que les heures ne s’égrènent plus, elles germent en accéléré… La vie à foison quoi !

Et quand le temps ralentit, c’est pour nous entraîner sur une superbe barque dont les pagayeurs rythmeraient la progression dans l’eau. Belles rames, attrapant le liquide pour créer des sillages parallèles. A la proue, le chant du Bayou, celui de la guitare enjôleuse.

Le soir tombe un peu en douceur et c’est nous qui sommes enveloppés. Bien sûr, ils remontent le fleuve avec de plus en plus de force, de force heureuse qui nous remplit les poumons !

 

Et puis, encore, le morceau fétiche, écrit aussi par Jmi Achiari, compositeur, musicien. Couleurs des folies. Folie des couleurs du tempo, tempo, tempo, tem-po ! Djembé ! Djembons !

Elephant Brass Machine, c’est comme si chacun proposait son chant à l’autre avec son propre instrument mais pas pour rivaliser, pour être ensemble. Se conjuguer, faire corps, faire fête !

Clôture le dimanche à Latresne

Le matin déambulation au marché de Cheeky Brass en mode fanfare jazz-funk et l’après-midi à l’école primaire le quintet swing manouche nantais Swing Affair.

Une jolie et colorée édition 2021 malgré les difficultés d’organisation liées à la situation et une préparation express en un mois au lieu de trois habituellement, l’autorisation préfectorale ayant tardé ! Bravo et merci à toute l’équipe, à l’année prochaine et sans contrainte !