Par Dom Imonk, photos Philippe Marzat

Le Rocher de Palmer a toujours ouvert ses portes en grand pour accueillir et encourager les jeunes talents, qu’il s’agisse de tremplins, de résidences ou de premières parties, comme celle offerte ce soir à l’Isotope Quartet, un groupe bouillonnant d’énergie et d’inventivité, venu présenter son tout nouvel album. On rappelle qu’initialement, Isotope était un trio formé d’Olivier Gay (trompette), de Thomas Boudé (guitare) et de Tom Peyron (batterie), les trois, associés de compositions.

Olivier Gay

Thomas Boudé

Tom Peyron

La formule s’est bien vite élargie au quartet, par l’accueil enrichissant du tromboniste Michaël Ballue en ses rangs, ce dernier étant cependant absent pour ce concert, remplacé par Robinson Khoury. Nous étions ainsi passés de la formule abrupte et sans filet du trio, avec prise de risque maximale, on évoquait alors le Tiny Bell de Dave Douglas, à une formation plus dense, comblant les espaces sonores vacants par plus de richesse harmonique, et de matière au grain complexe mais passionnant à appréhender.

Robinson Khoury

Dès le tourbillonnant  « Tempête en été » (Tom Peyron), nous voilà d’entrée emportés dans la tourmente vivifiante d’Isotope Quartet, les partitions d’une écriture moderne et perchée servant de feuilles de route. Les soufflants, intrépides navigateurs, détournent en des  voix unies et obliques, les ardents rayons d’un soleil affleurant qui les aveuglent. Mais ils parviennent à le dompter et à s’en servir, alors que Thomas Boudé barre ce turbulent esquif,  tel un surfeur frondeur, glissant sur les vagues agitées de ce jazz atypique, alimentant le flow de riffs boisés, dont l’épiderme brut se laisse tatouer de chorus d’une primale limpidité. A ses côtés, un batteur possédé, dont la gestuelle mouvante, dessine les contours saisissants d’une polyrythmie intérieure, projetée en impulsions foisonnantes et maîtrisées, laissant par moment éclore d’hallucinantes fractales. Sans clavier ni basse, hormis celles des cordes du haut du guitariste, le groupe puise sa force d’une densité pulsionnelle imparable, nourrie d’une alternance hachurée de climats, pourfendue de breaks,  que l’on retrouve dans le puissant  « Yaounde » (Olivier Gay) qui fait suite, l’occasion pour Robinson Khoury de faire mieux connaître l’énergie de son jeu passionnel.

Robinson Khoury et Thomas Boudé

Et les choses n’iront pas en se calmant dès l’ouverture de « Monsieur Marsoute » (Thomas Boudé), où son introduction incroyable au trombone a instauré un climat oriental inattendu et totalement habité, rejoint un temps par un Thomas Boudé frottant intuitivement ses cordes, comme celles d’un oud ou d’une kora.

Olivier Gay et Robinson Khoury

Une réelle transe, à laquelle se sont par la suite associés Tom Peyron et Olivier Gay, en des jeux carrément paroxystiques. On a pu penser que peut-être l’influence new-yorkaise avait un peu quitté le groupe, pour un je ne sais quoi de plus romain, presque Fellinien, tant la sensuelle complicité d’Olivier Gay et de Robinson Khoury, pouvait furtivement rappeler celle d’un Enrico Rava et d’un Gianluca Petrella. Atmosphère dont la force émotionnelle a également été ressentie dans l’ambitieux « Tintinnabulation » (Olivier Gay) qui a clôt ce concert ovni, avec ce lyrisme singulier, cette modernité militante, et une puissance évocatrice qui sont la marque de l’âme de l’Isotope Quartet. C’est une salle attentive qui a fait honneur à cet épatant groupe, grandement apprécié, même si le public était surtout venu pour le remarquable duo Paul LayÉric Le Lann. Retrouvons-les, avec  Michaël Ballue de retour au trombone, le 26 janvier au Quartier Libre à Bordeaux et le 2 avril au Sunside à Paris.

Isotope Quartet

Par Dom Imonk, photos Philippe Marzat

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Isotope Quartet est membre du Collectif Déluge

Isotope Quartet, le CD