Interview : Roberto Fonseca pour Jazz à Pessac #1

par Philippe Desmond

Pessac, le 14 septembre 2024

Après avoir fait les balances et au pied levé, Roberto Fonseca s’est prêté avec gentillesse à une interview pour Action Jazz. Avec son français meilleur que mon castillan nous n’avons eu aucun mal à communiquer.

AJ : merci Roberto de nous accorder cette interview. Comment s’est passé l’été, beaucoup de concerts ?

RF : pas beaucoup, quelques festivals et concerts mais j’aime en faire davantage, j’adore la scène

AJ : on s’était vus en décembre dernier près d’ici. Tu joues pas mal en France, tu aimes ce pays je crois.

RF : la France est vraiment importante pour moi, c’est le premier pays qui a ouvert la porte à ma propre musique. Avant je jouais avec le Buena Vista Social Club . Ça a commencé à Montpellier. Je sens que le public français aime la mélodie. La mélodie c’est vraiment important.

AJ : il a l’énergie mais avec la mélodie

RF : oui et la spiritualité aussi

AJ : le public français est différent des autres ?

RF : je ne peux pas dire , je répète c’est le premier public qui m’a ouvert la porte

AJ : la Gran Diversion est un retour aux sources de la musique cubaine. Comment se porte le jazz là-bas ?

RF : le jazz se porte vraiment bien, il y a plein de gens qui jouent des choses intéressantes. Je suis le directeur artistique du festival de la Havane et les gens aiment de plus en plus le jazz. A un moment les gens le refusaient.

AJ : la faute aux rapports compliqués avec les USA ?

RF : non, la faute des musiciens. Certains veulent faire passer une philosophie de la vie avec des musiques très compliquées et les gens n’apprécient pas. Dans le monde entier il y a beaucoup de douleur, de confusion alors si tu vas à un concert et que tu retrouves ces situations ce n’est pas la peine. Mais maintenant ça a changé à Cuba, les musiciens veulent partager la musique avec le public, retrouver l’enthousiasme, la spiritualité. La Gran Diversion est un hommage aux musiques des années 30 à 50. Et parfois j’ai l’impression d’être né dans ces périodes qui me plaisent tant. La musique était vivante, les musiciens proposaient des choses nouvelles, créatives. Aujourd’hui on utilise les computers… La Gran Diversion c’est aussi un hommage à un club de Montmartre à Paris, la Cabane Cubaine. Il y avait une grande connexion musicale entre la France et Cuba, le cabaret Sans Soucis et d’autres encore.

AJ : j’avais aimé l’hommage à ta mère Mercedes, qui t’a fait continuer la musique malgré l’avis défavorable du professeur. C’est une chance

RF : c’est pour cela que je dis que ce morceau-là « Mercedes » est le plus important dans ma vie, il lui est dédié. « Il ne sera jamais un pianiste » avait prédit le professeur !

AJ : un professeur ne doit jamais dire de choses pareilles ! Comment on arrive à faire passer de l’émotion comme tu le fais sur scène avec cette puissance et cette énergie musicale ?

RF : c’est la même chose, il faut profiter de la musique et tout arrive ensemble. J’ai une formation classique, je peux jouer Rachmaninov mais je préfère jouer avec le cœur, avec du sentiment.

AJ : des projets à venir ?

RF : oui avec un chanteur, en duo mais c’est un secret. C’est l première fois que je fais ça mais le résultat est au-delà de ce que j’imaginais

AJ : un avis Roberto sur ce nouveau festival de Pessac ?

RF : le site, l’équipe, c’est vraiment merveilleux, on s’occupe de nous très bien, le soleil, l’ambiance !

AJ : Merci de cet entretien mais maintenant « Aïe aïe äie aïe, qué dolor, se acabo, se termino ! »

RF : oui on va le chanter ce soir bien sûr !

Inutile de dire que le concert du soir a été un triomphe, près de deux heures de spectacle et de complicité avec le public.

Compte rendu du festival Jazz à Pessac