par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Rocher 650, Cenon le 31 janvier 2019.

L’intérêt du spectacle vivant, on ne le rappellera jamais assez, est manifeste. Aussi réussi soit un album, aussi travaillé soit-il, la sensation que procure le live n’est pas la même. Nous en avons encore eu la confirmation ce soir au Rocher de Palmer pour le concert d’Hugh Coltman autour de son projet « Who’s Happy ? ». Très bel album, très beau projet autour des musiques de New Orleans, cette ville souvent réduite à un seul style, celui des débuts du jazz. Pourtant que de diversité dans ce lieu cosmopolite influencé par des rythmes de toutes parts. C’est grâce au guitariste Freddy Koella, qui a travaillé avec Dylan, Willy Deville, Zacharie Richard, Dr John, Francis Cabrel, entre autres, que Hugh a pu réaliser cet album sur place avec des musiciens locaux.

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Ce soir Freddy est là bien sûr et ce sont d’autres musiciens français ou vivant en France qui l’accompagnent. On ne perd pas au change, regardez plutôt. Soufflants : Fred Couderc (sax baryton, sax à coulisse, clarinette), Jérôme Etcheberry (trompette), Jerry Edwards (trombone) ; rythmique : Didier Havet (sousaphone), le fidèle Raphaël Chassin (batterie) et une révélation pour beaucoup Gaël Rakotondrabe (piano, orgue). Pour la plupart des spécialistes de ces ambiances chamarrées de New Orleans. A noter que Fred et Jérôme sont des Girondins pure souche, du Bassin.

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Le public a dû patienter avant de les voir arriver sur scène, presque tout le groupe s’est fait piéger par la panne à la gare Montparnasse en début d’après-midi et les deux heures de TGV vantées par la SNCF se sont transformées en près de 6 heures de route en minibus. Ils sont arrivés à 20 heures, à l’ouverture prévue au public. Rapides balances et c’est avec moins d’une heure de retard que le concert a débuté. Des pros.

Les premières mesures de percussion de « Civvy Street » sont lancées par Raphaël Chassin, ses collègues arrivant au compte-goutte pour compléter l’harmonie. Voilà Hugh, taille fine, veste lamée, sobre, chic. Pas un crooner pour moi, il n’a pas ce côté mièvre de certains, sa voix n’en a pas le velouté, elle a du grain.

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La rythmique lourde, entretenue par le sousaphone, le tom basse et la grosse caisse, caractéristique des bands de NO installe l’ambiance contrastant avec la finesse des arrangements des cuivres. Le piano tous capots ouverts, en mode bastringue, rajoute à la couleur. La caisse claire rappelle les fanfares, New Orleans est là. Ca balance tranquillement.

Hugh nous chante ses mélodies et ses textes intéressants souvent teintés de nostalgie. Quel bonheur de l’entendre bavarder avec nous entre les morceaux, dans un Français délicieusement correct, évoquer ses fanfaronnades à 13 ans lors de la photo de classe, son premier « French Kiss » (« merci la France d’avoir inventé ça », mimiques de baiser profond à l’appui) dans un cimetière… Un hommage ironique à « celui qui a réussi son rêve américain d’arriver au plus haut, même si son père était milliardaire », vous avez compris. Multiple la NO on l’a dit, voilà de la soul, du boogie, du blues, le jazz, bien sûr, enveloppant le tout. Précision absolue des musiciens (ils viennent pourtant de s’avaler plus de 500 km) et cette forte présence scénique du chanteur. Il vit sa musique, danse, encourage ses compères, les soutient. Quand Jérôme Etcheberry arrivera du haut de la salle ciselant – je ne vois pas d’autre terme – un thème délicat en descendant les gradins, c’est Hugh qui s’emparera d’une poursuite pour l’éclairer depuis la scène. On sent une osmose dans ce groupe, il suffit de les regarder.

Passage poétique sur deux titres avec le bijou « Hand me down », Hugh à la guitare avec Freddy (« vous voyez quand le chanteur essaie de jouer d’un instrument les musiciens s’en vont ») ; la clarinette de Fred arrive, le Rocher se fait intimiste, personne ne respire plus, l’atmosphère est légère sur ces mesures de folk, une autre des musiques de NO. Un moment suspendu, le public finissant par siffloter le thème à l’invite de Hugh.

Quelle gentillesse ce Hugh Coltman, et pas feinte comme il le prouve chaque fois en rencontrant son public à la fin. Très attachant personnage se livrant dans ses chansons et ses propos truffés d’humour. La classe et la simplicité à la fois.

Le band repart de plus belle, proche d’un marching band, d’une second line de Louisiane, le concert finissant – avant les rappels – par une parade des soufflants laissant seul le pianiste arc bouté et désarticulé sur son clavier au bord de la destruction.

Trois titres en rappel, d’abord un medley soul avec le groupe seul et un groove vivifiant, une reprise amusante en mode NO de « Daydream » le tube des Lovin’ Spoonfull en 1966 – n’oublions pas que Coltman est issu de la pop – puis  un final en pente douce.

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Magnifique soirée.

La salle 650 aurait mérité d’être davantage remplie, vraiment il y en a qui se privent de bonnes choses… Mon petit doigt me dit qu’ils auront bientôt l’occasion de se rattraper…

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