Grand retour des « Jeudis du jazz » avec Crawfish Wallet

par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine.

Créon, jeudi 21 octobre 2021.

En 2019 on célébrait les 10 ans des « Jeudis du Jazz », personne ne se doutait que la suite allait être chaotique. Un seul concert du jeudi en octobre 2020, celui du quartet de Christian Paboeuf, au lieu des quatre habituels de la saison, l’association Larural allait-elle résister à la situation. Oui ! Et la soirée de reprise de ces « Jeudis du jazz » allait montrer que le public n’attendait que ça. Quel plaisir pour une fois de faire la queue devant le centre culturel des Arcades de Créon ; la soirée affiche complet en mode cabaret c’est à dire dégustation, repas et concert, les deux premiers étant optionnels. Deux cents personnes sont là.

On teste le château Mamou, convaincu on l’achète pour accompagner la soupe et la blanquette de veau avant le concert car ici pas de bruits de fourchettes pendant la musique, l’écoute est toujours très attentive.

Et quoi de mieux pour ces retrouvailles et lancer la saison prometteuse que ce groupe si festif, si jovial, Crawfish Wallet. Action Jazz le suit depuis sa création comme le relatent les nombreux articles dans notre blog.

Carliana Cavadore directrice de Larural et Serge Moulinier le musicien-programmateur nous présentent la saison jazz, l’association proposant une programmation dans des domaines très variés. En mode cabaret, Akoy Kartet le jeudi 16 décembre (ici c’est toujours le jeudi avant les petites vacances), Akoda avec son nouveau projet le 10 février 2022 et en mode spectacle Michel Portal et Roberto Negro le 14 avril. On s’en régale à l’avance, pour les vins et le menu ce sera la surprise. http://www.larural.fr/

Mais voilà que s’avance Crawfish Wallet c’est à dire Amandine Cabald-Roche au chant, percussions et washboard – et oui une femme à la planche à laver avec les dés à coudre aux doigts, on reste dans la tradition machiste ! – Gaëtan Martin au trombone, Jean-Michel Plassan au banjo et Fred Lasnier à la contrebasse. En route pour New Orleans avec cette musique si vivante aux forts parfums entremêlés de Louisiane et de Caraïbes.

Crawfish Wallet, le portefeuille en écrevisse, c’est l ‘équivalent de notre « oursin dans les poches » pourtant les musiciens ne sont pas radins bien au contraire ! Quelle générosité dans leur jeu ! Du blues, du gospel, du jazz, des références au vaudou avec « Marie Lavaud » la prêtresse-sorcière, des saveurs d’Antilles pas si loin de NO, des évocations du Mardi Gras, des parades en second line… Rythmique impeccable et contrastée avec les bling du banjo et les blong de la contrebasse – je plaisante – sur laquelle le trombone virevolte. Pour les effets de celui-ci pas d’électronique mais une multitude de sourdines dont Gaëtan Martin se saisit avec habileté, donnant des couleurs différentes à son jeu précis et musical. Ce qu’on peut faire avec un trombone !

Quant à Amandine c’est la lumière incarnée, une présence tellement naturelle et spontanée au service d’une voix haut perchée exceptionnelle. Quand elle chante Billie Holiday elle est Billie Holiday approchant vraiment de son grain de voix. Quelle fraîcheur dans ses attitudes, se réjouissant à haute voix du morceau qui arrive quand elle termine le précédent. Pourtant elle pourrait s’être habituée, voire lassée, le groupe a beaucoup joué cet été, mettant notamment le feu au bis de Marciac où le public a fait une razzia sur leurs disques. Mais non, elle rayonne et je vais encore repartir amoureux d’elle. Mais ne lui dites pas surtout.

On oublierait presque les deux de derrière mais ils se chargent de nous rappeler leur présence par des interventions remarquables, des sprints de banjo, des slaps de contrebasse et toujours cette rythmique tenace et indispensable. Tous les deux chantent, en chœur mais aussi en solistes. Tellement amusante cette version de « Et là-bas ! » dirigée par Jean-Michel et reprise par le public !

A ma table Alain Piarou, le président d’Action Jazz et sa femme Irène ont de temps en temps les larmes aux yeux, ces musiques de New Orleans ils avaient l’habitude de les entendre là-bas depuis dix sept ans qu’ils y passaient le printemps mais depuis 2019 ils n’ont pu y aller. Idem pour Gaëtan Martin un habitué du French Quarter et Amandine qui a découvert la ville et en a tiré la chanson titre de leur album « I’m in NOLA ». Mais la situation semble se débloquer et 2022 est porteuse d’espoir.

Deux clins d’œil quand même à la France avec « J’suis snob » de Boris Vian et « Black trombone » de Serge Gainsbourg avant qu’il ne devienne Gainsbarre.

Un concert jubilatoire traversé d’émotions diverses avec un groupe que je ne me lasse pas de voir, un lancement parfait pour les « Jeudis du jazz » ; la preuve, deux rappels spontanés.

Bonne saison à nos amis de Larural et vive la musique vivante surtout quand vivante elle l’est vraiment !

Carlina Cavadore de Larural