Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat
Rocher de Palmer, jeudi 30 mars 2023
En 2019 le festival Jazz à Caudéran, que nous organisions, avait fait découvrir au public le GL Project, le groupe de l’accordéonniste du Sud Gironde, Gaëtan Larrue. Il venait de sortir son premier album Décal’ Temps. Un jazz aux textures différentes, très marqué par un accordéon moderne mais porteur de ses traditions. Cet instrument déjà revenu en force à l’époque est maintenant devenu courant dans le jazz et bien au-delà du swing manouche ; plus de complexe à avoir pour les accordéonistes.
Est-ce cela qui a guidé Gaëtan Larrue pour se lancer dans un nouvel album avec bien sûr son équipe fidèle mais en sollicitant des invités qui lui, ce grand timide, le faisaient rêver. Et ce qui pour lui était de l’audace a atteint son but. Séduits par sa musique et certainement son authenticité d’artiste, ils ont accepté de collaborer se retrouvant avec ses musiciens pour enregistrer l’album Alchimie. Pas n’importe où car là encore Gaëtan avait osé, au studio de Francis Cabrel à Astaffort, un endroit apparemment magique au vu des images de l’enregistrement projetées hier soir en préambule du concert qui s’est deroulé en deux parties distinctes.
Première partie
Gaëtan Larrue (acc), Sandrine Régot (voix), Hugo Valantin (g), Nolwenn Leizour (cb), Xavier Duprat (cla), Thierry Volto puis Joris Seguin (bat), Franck Leymerégie (percus).
Dans la première partie du concert l’équipe girondine a durant une heure mélé des titres d’Alchimie à d’autres de Décal’ Temps. Le jazz vient animer des mélodies originales qui auraient pu être traditionnelles comme pourrait le laisser croire le son de l’accordéon. Parfois Sandrine Régot vient faire jaillir ses vocalises, impressionnante d’audace quand elle scatte, crie, vocalise, et même yodle comme sur le rythme antillais de « Wengé Chocolate ». Curieux titre mais que nous explique Gaëtan : wengé c’est le bois de son accordéon couleur chocolat au lait, alors que les boutons le sont de chocolat noir et le soufflet de chocolat blanc ; un instrument magnifique et qui sonne tellement bien entre ses mains. On sent une formation soudée, la rythmique porte les solistes, l’accordéon partageant aisément le devant de la scène. Belle reprise de « La vita é bella » de la BO de ce film si touchant que Sandrine éclaire de son chant, et un détour en Mauritanie avec la compo d’Hugo Valentin « Imragen ». Viendra l’hommage à celui qui a donné l’envie et appris à Gaëtan, l’accordéoniste Loris Capelli, une fine ballade en trio piano, accordéon, contrebasse. Un set très riche et varié plein d ‘émotion, cette émotion qui a du mal à quitter Gaëtan qui, d’une amusante maladresse et d’une touchante fraîcheur, présente les titres ; il est plus que pardonné avec la musique qu’il nous propose !
Deuxième partie
Gaëtan Larrue (acc), Sandrine Régot (voix), Jean-Marie Ecay (g), Swaeli M’Bappé (basse), Vincent Bidal (cla) Loïc Pontieux (bat), François Constantin (percus).
Changement de musiciens pour cette deuxième partie du concert, ils sont venus exprès de Paris et d’Hendaye. Ils ne sont pas là par hasard, Gaëtan avait envie de certains pour leur lien direct ou indirect avec une de ses idoles pour lequel il a écrit le titre « Nouga’Frik », vous avez devinez, le grand petit Claude. Loïc Pontieux et Jean-Marie Ecay ont joué et composé pour le poète toulousain quant à François Constantin, il est le fils de Jean qui a collaboré avec lui sur pas mal de chansons comme les légendaires « Pantoufles » ; si vous ne connaissez pas Jean Constantin (!) allez découvrir cet immense créateur foutraque et merveilleux ; son fils n’est pas mal non plus dans son genre. Vincent Bidal (le pianiste des stars) et Swaeli Mbappé ont suivi, faisant partie de cette galaxie parisienne de musiciens de folie qui gravitent autour du Baiser Salé de la rue des Lombards notamment. Aux balances, sans se concerter, en réglant leurs instruments et la sono ils se sont lancés dans un « Tutu » incroyable de groove pendant dix minutes ; de vrais killers.
Il ne manque que Camélia Ben Naceur présente sur l’album, empêchée ce soir mais elle est avec nous, on a échangé dans l’après-midi. Le répertoire va s’élargir à des compositions de Marc Berthoumieux, « Trinidad » de Loïc Pontieux, de Jean-Marie Ecay avec bien sûr le titre enregistré par l’équipe sur l’album Alchimie, « Nouga’Frik ». Le niveau sonore est monté, l’énergie aussi, j’oserai dire que les pains au chocolat sont venus montrer leurs muscles aux chocolatines, un genre d’opération commando musicale. Ça joue mais grave, ici on dit gavé ! La composition « Bras dessus, bras dessous » de Jean-Marie Ecay écrite pour Claude Nougaro (en deux minutes pour sa partie principale nous avouera-t-il après le concert) calmera un peu cette pulsation fiévreuse qui s’est installée sur scène, une pure beauté. Et Gaëtan et son accordéon là au milieu ? Tout à fait à sa place, il s’est libéré au fil du concert, il enchaîne les chorus, bataille avec Jean-Marie Ecay et Vincent Bidal, résiste aux attaques des percussionnistes, porté par la vive basse de Swaeli. Plus qu’un vrai régal, un très gros kiff !
Un concert en deux parties quasi indépendantes d’un niveau exceptionnel, deux formations, deux ambiances, une soirée qui restera dans les mémoires.
Pari réussi Gaëtan et c’est mérité ; tu peux en être fier, une marche de plus est franchie.
Galerie photos de Philippe Marzat
Balances
Partie 1
Deuxième partie
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