Emmet Cohen trio, un concert éblouissant pour Jazz For Ever

par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine et PhD

Jazz South West, sous l’impulsion de Jean-Marc Tailleur, regroupe l’association Jazz For Ever qui organise régulièrement des concerts (précédés d’un dîner optionnel) à l’Hôtel Mercure de Mérignac-Aéroport et Jazz & Swing qui fait de même au Radisson de Biarritz. Toujours de belles affiches, régionales, nationales et internationales. Et 31 ans que ça dure !

Lien :https://www.jazzsouthwest.fr/

Ce soir à Mérignac, devant une salle pleine, Jazz For Ever propose un concert exceptionnel du trio d’Emmet Cohen. A 33 ans, le pianiste américain est devenu une référence dans le monde du jazz et c’est une chance de l’entendre à nouveau chez nous. Il était venu en juillet dernier aux 24 Heures du Swing de Monségur ; lien : Monségur 2023

Emmet joue avec deux complices de longue date – autour de 10 ans – le contrebassiste Philip Norris, entendu avec Wynton Marsalis, David Sanborn, Joshua Redman, et le batteur Kyle Poole vu avec Cecil McLorin-Salvant (en 2018 au festival de Saint-Emilion), Jeremy Pelt, George Cables…

Une des caractéristiques du trio d’Emmet Cohen c’est qu’il aborde tous les jazz, du plus ancien, même du ragtime, au plus moderne, reprenant des standards ou jouant ses propres compositions. L’idée de transmission et de respect de l’histoire de cette musique si large sont importants tout en en faisant une relecture contemporaine. L’autre caractéristique de ce trio c’est le niveau auquel sont restituées ces musiques ; époustouflant !

Dès le premier titre, la cohésion des musiciens, l’osmose entre la finesse de jeu du piano et le drumming de dentelle vous saisissent. Le concert se serait arrêté après ce premier morceau que nous n’aurions pas été volés ! Frustrés certainement. Mais sans le savoir nous sommes partis pour une heure quarante cinq de bonheur musical, de virtuosité, de swing, d’improvisations éblouissantes ; tout cela dans une ambiance décontractée sur scène, faite de sourires, de regards complices, de joie de jouer.

Quel pianiste que cet Emmet Cohen, toucher léger ou lyrique, alternant délicatesse et fantaisie, élégance et vitesse inouïe sans démonstration ostentatoire, la musique d’abord. Cette façon d’ instiller des breaks, des silences, des relances, exceptionnelle de précision. Et quelle joie visible de jouer, de partager.

Pour Kyle Poole un mot, souvent galvaudé mais ici pas du tout, me vient à l’esprit : génial ! Ce batteur au gabarit de pilier de rugby est étonnamment d’une grande finesse ; très créatif, surprenant par ses variations de jeu, il a une entente si précise avec Emmet que cela semble irréel. Quand on sait en plus, comme me dira le pianiste, qu’il n’y avait pas de set-list, on mesure le niveau de ces musiciens.

Quant à Philip Norris, il réconcilie ceux qui n’aiment pas les solos de contrebasse (comme cette convive à la table d’Emmet Cohen qui nous relate cet échange avec humour) avec cet exercice certes parfois ennuyeux. Son intro de « Close your Eyes » est à ce titre un monument. Je dois dire que j’ai rarement entendu un contrebassiste nous étaler ainsi la si grande palette de cet instrument !

Gentillesse et simplicité aussi lors de ce concert. Emmet a repéré un jeune musicien bordelais qui passait par là (il venait d’atterrir à l’aéroport voisin, en provenance d’Écosse où il avait joué) et qu’il avait déjà croisé. Il lui a alors proposé de monter sur scène. C’est ainsi qu’avec sa trompette Loïc Guenneguez a transformé avec brio le trio en quartet pour un blues improvisé. Une découverte de ce musicien pour la plupart du public, pas pour nous, le trompettiste étant un des lauréats du Tremplin Action Jazz 2023.

En rappel les musiciens survoltés nous offrent un ragtime au tempo démesuré pour un final éclatant. Ils viennent de nous faire la démonstration qu’avec la formation basique du jazz, le trio on peut encore explorer des territoires inédits, bravo. Un concert qui marquera les esprits.

Le lendemain c’est le public de Tarnos qui subira le même sort, Jean-Marc Tailleur et Arnaud Labastie, le chef d’orchestre et organisateur landais, ayant uni leurs forces pour pouvoir nous offrir ce sublime trio lors des deux seules dates françaises de la tournée européenne. Là aussi le concert affichait complet.

En apéritif, juste avant le repas, le violoniste Théo Aroztegui et le pianiste Mathieu Cochard, originaires de Tarnos et encore étudiants au Conservatoire National de Région de Bordeaux, avaient offert un très apprécié petit concert aux convives. Je n’ai malheureusement pas pu y assister mais nous avions parlé d’eux lors du concert inaugural du récent festival Jazz en Mars.

Un grand merci aux organisateurs dont vous pouvez rejoindre l’association et aux techniciens Serge Bianne et Olivier Quesada -Tolosa venus spécialement des Landes pour assurer le son et la lumière.