EMILE PARISIEN SEXTET «LOUISE»

Concert au Rocher de Palmer à CENON le 19 Novembre 2022

Chronique de Martine Omiécinski , photos jean-Michel Meyre.

Emile PARISIEN : Saxophone soprano, composition

Théo CROKER : Trompette, composition

Roberto NEGRO : Piano, composition

Gabriel GOSSE : Guitare

Joe MARTIN : Contrebasse

Nasheet WAITS : Batterie

Samedi soir le Rocher de Palmer et sa dynamique équipe accueillaient le fougueux et talentueux saxophoniste multirécompensé* Emile PARISIEN et son sextet.

Alors, même si on l’a vu et apprécié de nombreuses fois sur scène, on revient pour savoir comment Emile poursuit sa route depuis ses premières apparitions à Jazz in Marciac.

Cette fois sa route l’a amené sur un projet partagé avec de fidèles compagnons européens : Roberto NEGRO et Manu CODJIA et des musiciens américains : Théo CROKER, Joe MARTIN et Nasheet WAITS. Les deux premiers ont embarqué Emile outre atlantique où il a vécu d’autres expériences et « enrôlé » les trois autres.

Ce soir Emile partage la scène avec eux sauf Manu CODJIA remplacé par le jeune guitariste Gabriel GOSSE.

Nous ne présentons plus Roberto NEGRO cet ovni du jazz et « free » très présent sur la scène jazz française et internationale, mais disons quelques mots sur les autres :

-Théo CROKER est le petit fils du légendaire chef d’orchestre et trompettiste Doc CHEATHAM compère de Cab CALLOWAY, il a été repéré et propulsé par Dee Dee BRIDGWATER pour devenir une figure de la scène jazz à New-York

– Joe MARTIN, le contrebassiste a joué notamment avec Brad MELHDAU, Chris POTTER et Marcus GILMORE

-Nasheet WAITS est aussi tombé tout petit dans la musique puisqu’il est le fils du percussionniste Freddy WAITS. Nasheet a joué avec Joe LOVANO, Ron CARTER ou Eddie GOMEZ, mais son nom vous dit peut-être quelque chose car il jouait des percussions sur l’excellent disque « Bailador » de Michel PORTAL enregistré à New-York et sorti en 2010.

-Gabriel GOSSE fait partie de ces jeunes talents à cheval sur la pop et le jazz, en jazz il joue ou a joué entre autres avec Laurent DEHORS et Ricardo DEL FRA, en pop avec Philippe KATERINE et Eddy DE PRETTO.

Maintenant que les présentations sont faites, rejoignons le public, pas assez nombreux encore une fois depuis la période de pandémie !

Le concert débute par le morceau (et aussi le titre de l’album) : « Louise », composition d’Emile, un double clin d’œil : d’une part à sa mère prénommée ainsi et à Louise BOURGEOIS, la sculptrice qui célèbre l’image maternelle dans ses œuvres.

Dès l’entame on reconnait le phrasé unique au soprano d’Emile accompagné de sa gestuelle très expressive (visage et corps), Roberto NEGRO le suit, plein de délicatesse, l’atmosphère de mystère se complète du beau son de la contrebasse de Joe MARTIN sublimé par l’émouvante trompette de Théo CROKER. Puis Nasheet WAITS réveille le tempo, le jeune guitariste Gabriel GOSSE peaufine le final.

Ensuite vient un hommage d’Emile à Joachin KUHN : « Jojo », le morceau est rapide, incisif, il nous emporte dans son univers toujours aussi inventif, suivi par ses comparses dans des soli explosifs.

Puis vient une trilogie dédiée à sa maman : « Memento » : Emile entame en douceur sur fond de bruitages avec Roberto frottant les cordes du piano et Joe à l’archet sur la contrebasse avant une plongée dans des sonorités aux accents plus traditionnels de jazz, l’apport de la guitare, d’abord lyrique se fait beaucoup plus pop. Un dialogue déchainé piano/contrebasse rejoint par le batteur nous envoie dans des « territoires de soli sauvages » comme dirait Bernard LUBAT grand expérimentateur de Free Jazz. Théo CROKER et Emile reprennent le flambeau dans un duo décoiffant ! Le public en redemande…

Le contrebassiste Joe MARTIN entame en solo la mélodieuse composition de Roberto NEGRO : « El giorno de la civetta » avec une impro séduisante, Emile entre en jeu, énigmatique et libre. Notons l’apport intéressant des accords pop à la guitare de Gabriel GOSSE, l’émouvant jeu soft aux balais de Nasheet WAITS et le passionnant et langoureux solo de trompette de Théo CROKER. Un beau moment !

Changement de décor pour partir à « Madagascar » sur une composition de Joe ZAWINUL, (rappelons qu’Emile a rendu hommage au Weather Report sur un de ses projets), ambiance plus bluesy, plus chaloupée, avec une rythmique prépondérante, à deux et à trois quand le piano s’en mêle. Nasheet WAITS envoie un long solo tonitruant avec quelques feintes de tempo déclenchant le rire d’Emile.

Le rappel : « Prayer 4 Peace » de Théo CROKER déroule un duo palpitant Théo/Emile sur fond de piano de Roberto en roue libre vers des sonorités d’un autre monde…La rythmique s’excite jusqu’au final remarquablement en place !!!

Les autres tentatives de rappel resteront sans réponse mais Emile se prête à la dédicace de son album

*Quand je dis multirécompensé, excusez du peu :

  • 2009 : Victoire du jazz en tant que révélation instrumentale
  • 2012 : Prix Django Reinhart de l’académie du jazz
  • 2014 : Victoire du jazz : artiste de l’année
  • 2017 : Echojazz (Allemagne) : meilleur instrumentiste international
  • 2017 : Victoire du jazz pour l’album sensation de l’année (« Sfumato »
  • 2020 : Coup de cœur jazz et Blues de l’académie Charles Cros pour « Abrazo » avec Vincent PEIRANI