Confiné avec… Lorenzo Naccarato

Nous vivons tous une période particulièrement difficile qui bouscule notre mode de vie d’une façon totalement imprévue. Les musiciens, comme tant d’autres métiers, n’échappent pas à la règle et sont particulièrement touchés économiquement. Comme ils ne peuvent plus exercer leur art autrement

que par quelques interventions sur les réseaux sociaux, nous avons pensé qu’il serait intéressant de continuer à tisser du lien avec eux par ce petit questionnaire.

Nous sommes avec : Lorenzo Naccarato

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Photo Alain Pelletier

Présente-toi rapidement. De quoi, avec qui, quelle musique joues-tu ?

J’ai trente ans, je suis pianiste et compositeur franco-italien. Je joue principalement avec mon projet Lorenzo Naccarato Trio, aux côtés d’Adrien Rodriguez (contrebasse) et Benjamin Naud (batterie). Je suis également pianiste pour un spectacle de concert dessiné autour de Nina Simone, en duo avec l’illustrateur Bruno Liance, pour le trio tango Cuchicheo, ou encore avec le chanteur Manu Galure avec qui nous préparions son nouveau spectacle avant le confinement. Je suis également pianiste et arrangeur pour le spectacle « Les Inoubliables du Cinema Italien », réalisé par la revue culturelle Radici rendant hommage aux célèbres musiques de films italiens.

Comment occupes-tu tes journées en ce moment ?

Je suis rentré chez mes parents, dans l’Allier. Je partage mes journées entre du travail dehors, pour entretenir le jardin, un temps pour la musique car ici j’ai la chance d’avoir encore mon piano d’enfance, et un temps consacré à cuisiner pour mes parents et à réfléchir à l’avenir de notre planète.

En profites tu-pour composer, travailler ton instrument, ta voix ?

J’essaye de mettre ce temps à profit en travaillant de nouvelles techniques et idées, je me suis en particulier penché sur le piano préparé qui ravive un aspect ludique et enfantin qui me fait beaucoup de bien aujourd’hui.

Comment arrives-tu à jouer « avec » les autres ?

Je n’y arrive pas, je devais avoir une semaine de résidence avec mon trio au sein du centre d’art La Cuisine à Nègrepelisse, mais elle a été reportée.

Écoutes-tu la radio, des disques, du streaming ? Quoi par exemple ?

J’écoute de la musique des Andes, Nicola Cruz ou encore Ranil y su conjunto tropical. J’ai réécouté les Children Songs de Chick Corea pendant que je coupais du bois ces derniers jours. J’ai écouté un peu de Bill Evans aussi.

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Photo Alain Pelletier

Cette situation change t-elle ta façon de voir les choses, la vie, ton métier ?

Incontestablement, je sens un moment de passage assez global. En intitulant mon dernier disque Nova Rupta, (la « nouvelle rupture » ou la « nouvelle éruption »), je faisais aussi référence à ce sentiment que nous vivons un moment de notre civilisation pouvant s’apparenter à un tournant, une rupture. Rhythm changes.

Aujourd’hui, par rapport à mon métier, cela me peine de ne pas pouvoir envisager de perspectives de travail pour les prochains mois. J’ai l’impression de n’avoir que peu de marches sur lesquelles m’appuyer pour envisager la suite de ce métier et cela me rend triste. Plus globalement, je pense que pour apprécier le moment présent, l’instant, il faut réussir à anticiper la prochaine mesure, le prochain accord, comme un musicien improvisateur l’éprouve si bien. En ce moment, l’espèce humaine peut difficilement évaluer la note qui va suivre, et cela m’inquiète. D’un autre côté, cette période peut aussi ressembler à une pause, un silence dans le tumulte de notre société moderne de consommation et de mondialisation. Et je veux croire que de ce silence pourront émerger des modèles de société où la place accordée à l’écosystème sera majeure. Plus de conscience et de présence au monde, moins de business et d’aveuglement.

Un titre qui te passerait par la tête ? 

« Volare », la version du maestro Domenico Modugno

 

« Pensamento Positivo », Hermeto Pascoal

 

Et une petite surprise, je fais une brève apparition à 0’30 » dans ce spot de la chaîne italienne Sky Sport, non pas avec ma tenue de pianiste, mais avec celle de tifoso de la Squadra Azzura. Mes cousins d’Italie me l’ont envoyée la semaine dernière, elle est en ce moment diffusée sur les chaînes italiennes. Par cette vidéo, Sky Sport a voulu rendre hommage au peuple italien soumis à très rude épreuve depuis plusieurs semaines et gardant pourtant l’enthousiasme qui le distingue. Orgoglio Italiano !

 

Photos Alain Pelletier

Carte AJ