Confiné avec… Émeline Marcon

Confiné avec… Émeline Marcon

Nous vivons tous une période particulièrement difficile qui bouscule notre mode de vie d’une façon totalement imprévue. Les musiciens, comme tant d’autres métiers, n’échappent pas à la règle et sont particulièrement touchés économiquement. Comme ils ne peuvent plus exercer leur art autrement que par quelques interventions sur les réseaux sociaux, nous avons pensé qu’il serait intéressant de continuer à tisser du lien avec eux par ce petit questionnaire.

Nous sommes avec : Émeline Marcon

Présentes-toi rapidement. De quoi, avec qui, quelle musique joues-tu ?

Mon instrument de prédilection est la voix. En ce moment les 3 projets principaux avec lesquels je travaille sont : EmYo (duo), Aurora 4tet et Navega (projet de mes compositions et de celles de Yori Moy, en cours d’écriture et de lancement) et ce sont surtout des musiques dont le fil conducteur est le Jazz, même si ce sont des esthétiques et formations complètement différentes.

Comment occupes-tu tes journées en ce moment ?

Elles passent tellement vite ! J’ai une kyrielle d’idées et d’occupations et 24h chez soi ne suffiront jamais à tout réaliser. C’est surtout de l’organisation, du rangement, pas mal de travail d’écriture, d’arrangements et d’écoute musicale. Beaucoup de rêveries et d’imaginaire comme à mon habitude, et beaucoup trop de temps à parler aux gens, je n’arrive pas à déconnecter…sans doute parce que je suis seule chez moi. Egalement de la danse à fond pour me défouler/dépenser.

En profites tu-pour composer, travailler ton instrument, ta voix ?

Se référer à la question précédente :). J’ajouterais juste que pour le moment je ne travaille pas ma technique vocale, mon corps est « perturbé » par ce changement de rythme, et doit prendre ses marques dans le confinement avant de pouvoir continuer ma routine vocale, que je ne peux pas abandonner car c’est vraiment un travail d’athlète je trouve.

Comment arrives-tu à jouer « avec » les autres ?

Eh bien par la pensée surtout malheureusement. Je visualise énormément de scènes de jeu avec mes amis/collègues musiciens. C’est la teuf dans ma tête !! Le jeu en live me manque terriblement. Partager la musique est une connexion vraiment précieuse à mes yeux. Je viens d’acquérir une carte son (reçue lundi 16 Mars, la veille du confinement OUF) et je vais enfin pouvoir enregistrer des choses que je pourrai envoyer ensuite à mes collègues pour continuer à plancher sur les compositions, ou autres petites créations récréatives pour le fun.

Écoutes-tu la radio, des disques, du streaming ? Quoi par exemple ?

Ces jours-ci j’écoute des podcasts de France Culture (le dernier était sur le groupe Radiohead), j’ai également des CDs (dernier écouté était un CD de mon enfance, de Boudu Les Cop’s) et j’écoute beaucoup Spotify oui, ou Bandcamp (dernièrement sur cette plateforme un album peu connu où chante Gretchen Parlato avec 2 autres chanteuses, Becca Stevens et Rebecca Martin : le projet se nomme Tillery et c’est pépite dorée !) et enfin j’ai le lecteur vinyles de mes aïeux mais je dois changer la courroie, donc en panne pour écouter le vieux disque d’Herbie Hancock qu’avait ma maman :).

Cette situation change t-elle ta façon de voir les choses, la vie, ton métier ?

Ahaaa !! De manière générale, ça devrait nous alerter à tous, nous êtres humains, sur notre façon de vivre ensemble, et de se rendre compte de ce qui est primordial ou superflu, histoire de faire un vrai tri. Et de se poser la question sur certaines de nos valeurs. De ce que j’observe dans le comportement général, je pense qu’il faut travailler à aller vers plus d’entraide et de bienveillance, à plus s’ouvrir aux
autres, à garder son sang-froid et ne pas se laisser guider par nos peurs, à essayer de gommer le plus possible cet égocentrisme maladif qui nous ronge. Ensuite concernant mon métier, comme je le disais plus haut, c’est de ne pas jouer en live, ni faire de répétitions, la scène, l’audience, les concerts qui manquent. Aussi admirer l’Art, s’alimenter de Culture derrière un écran ou des enceintes, à la longue…pfffff c’est frustrant. La vie est expérience, on a besoin de ressentir, que les choses nous traversent pleinement, de mettre les mains dans le cambouis pour apprendre. Même si l’on peut faire des choses chez soi sans s’ennuyer, il y a quand même de grosses limites. Le jour où je pourrai ENFIN serrer quelqu’un dans mes bras, lui toucher la main et jouer de la musique en vrai, je sais déjà que je pleurerai de joie. Vraiment. C’est comme si mon cerveau avait presque oublié ce que ça fait. Comme une vague souvenir, et ça m’attriste. Enfin ce serait vraiment superbe si l’on pouvait continuer de donner des concerts en « direct », depuis chez soi même en étant loin les uns des autres, mais ça demande une logistique, technologie et matériel de fou furieux. Parce qu’il faut que la connexion ne plante pas et qu’il y ait zéro latence. On n’en est pas si loin non ?

Un titre qui te passerait par la tête ?

Je peux en mettre deux ? Haha !

1) La Fille Aux Cheveux de Lin – Claude Debussy :

2) Nuit Pygmée – Leïla Martial Baa Box :

 

Photos Dom Imonk