Compagnie Ewa-Wiwanou
« La voie de mes ancêtres «
par Philippe Desmond
Le Royal, Pessac samedi 11 janvier 2025
Pour une fois on ne va pas parler de jazz dans ce blog, pourtant le sujet du jour a tout de même un rapport avec lui. On admet tous que le jazz a pris ses racines (ou certaines) en Afrique, la culture africaine n’ayant guère été que le seul bagage de ces pauvres gens, victimes du commerce triangulaire, basé sur l’esclavage.
Dans certains articles nous avons déjà évoqué l’afro jazz en danse et la musique avec Ewa Tohinnou et ses Tchango Messengers. C’est encore lui que nous sommes allés voir à la salle Le Royal de Pessac, un endroit de taille intéressante pour ce genre de spectacle avec ses 170 places. La soirée était organisée par Artistik Development, une dynamique association culturelle locale : Artistik Development
« La voie de mes ancêtres » annonce l’affiche, nous y voilà, les ancêtres, les racines, leurs messages, leurs influences qui finissent par se perdre dans nos vies actuelles en perpétuel mouvement dans un monde devenant parfois inhumain, trop numérique.
La première partie du spectacle créée par la compagnie Ewa-Wiwanou (ils sont deux, venus du Bénin, anciennement Dahomey, « haut-lieu » de la traite des Noirs) est un ballet, encore en construction musicale, Ewa à la musique (Kora, chant, percussions, percussions corporelles), Wiwanou (alias Samson Kpadonou Loko) à la danse. Une performance du danseur absolument monumentale, souvent sans musique, dans un silence émouvant, dans un décor simple et pourtant beau. Quel danseur ! Un corps sculptural, souple et dur, gracieux et félin, une énergie à la puissance maîtrisée pour traduire en expression corporelle les souffrances des ancêtres, leurs joies aussi, leurs rites ; esthétiquement magnifique et surtout très émouvant. Réminiscence des danses traditionnelles, écho des voix, mélopée de la Kora, questions réponses voix percussions, unissons de percussions corporelles, un moment suspendu. La danse jazz doit beaucoup à ces danses ancrées dans la terre, toniques et spectaculaires.
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En deuxième partie Ewa Tohinnou (chant, guitare, balafon, percussions corporelles) a chanté son « blues », ces chants inspirés du Bénin dont il vient, eux aussi évoquant les racines, les souffrances parfois mais aussi la fraternité, l’espoir . Quelques personnes ayant suivi ses stages l’ont aussi accompagné, vite rejoints par la salle, notamment pour son « tube » Tchango repris à l’unisson. Ewa a une présence réelle, véritable artiste, exigeant mais toujours prêt à faire parler son humour, à partager son rire.
Pas du jazz donc, mais une musique universelle.
Un spectacle qui ne demande qu’à vivre.
Et oui amateurs de jazz, n’oublions pas comment tout cela a commencé, comment cette musique si vivante a des racines africaines qui délivrent toujours leur sève plus de cent ans après.