AUM Grand Ensemble – You’ve never listened to the wind

You've Never Listened To The Wind Digipack

 

 

chez : onez heures onze

par : Alain Flèche

Julien Pontaviane : sax tn, cln, composition (Le chef !)

Antonin-Tri Houang : sax a, cln (l’homme de la Situ.) / Jean-Brice Godet : cln, k7 (il est là)/ Ellen Giacone : voix (La voix…) / Josef Dumoulin : pn (outch-merciDom)/ Tony Pallerman : Fender Rhodes (de + en + bon/lui) / Amélie Grould : vb (chut, ça vibre) / Stéphane Garin, Julien Loutelier : percu, gamelan (de la terre au ciel, a-r, à 2)/ Richard Comte : gt (et ponctuation ) / Alexandre Herer : electro (la liaison)/ Simon Tailleu, Youen Cadiou : cb (direct au cœur, en écho) / Baptiste Bouquin : direction (quel beau boulot de chef) / Pierre Favrez : ingé son (idem, bravo)

Bel écrin pour un vrai joyau

AUM : Son Primordial (en sanskrit), équivalent du Verbe, du Souffle. Le Grand (énorme) Ensemble (vraiment ensemble) se met au service de la poésie de Fernando Pessoa, l’habite et l’habille . Celle-ci parle du vent : « n’as-tu jamais écouté le vent, il parle de mémoires et de mélancolie », mais,n’en déplaise à Bob Dylan ici : ‘le vent ne parle que du vent’. Ça va parler aussi de pasteur, gardien de moutonsss, ou tout comme… Quasi ésotérique l’histoire ! Ça décolle, et ça plane, haut.

Le voyage commence. Des extraits de voix… et un Vent, inattendu, brusque et fort, portant et emportant en lui la mémoire du Chaos, démoniaque et apocalyptique. Souvenir du ‘Voyage’ de Pierre Henri, d’après le ‘livre des morts tibétain’, dans laquelle œuvre, un son d’ouragan, proche, accompagne la traversée du Styx, lorsque l’âme quitte le monde et la matière. L’autre coté du miroir. Mise en reflet et en relief, ici, par les instruments doublés. Seule, la voix. Parfois, l’air devient rare, et immobile. Le son est en attente dans sa potentialité inexprimée . Silence . Sujet déjà travaillé par l’auteur du présent projet, c’est une fixette, un dada, une évidence, une quête. Le silence, à la fois sépare et relie le(s) son(s). Finira par créer et installer le rythme et le temps. Le silence qui précède l’orage, et qui procède à la Création. Et qui stigmatise la finitude. Silence qui prépare à l’écoute de sons, de masses sonores, fusions de timbres choisis, triés, assemblés en accords non tempérés, des processus annonçant un événement en devenir qui ne trouvera un semblant de finalité qu’à la fin de l’œuvre. Bien malin qui reconnaîtra les instruments, à part les claviers, eux distincts (excellents, souples et durs, démoniaques et mélancoliques, non-interchangeables) , mais sans cesse enrichit d’autres couleurs qu’apportent les autres musiciens.

La voix, fil conducteur qui se perd et se retrouve, fil d’Ariane qui tricote un tableau arc-en-ciel. Au début, un souffle. Chant des sphères, des étoiles, reflet d’un équilibre éphémère. Une psalmodie plus qu’un chant. Issue de toutes les traditions, sans age ni racine figées. Puis, sur une trame de musique contemporaine où chantent Messiaen, Ligeti, ou LaMonte Young, on croit sentir un air de chant grégorien, ou baroque, renaissance ou XVIIIème, XXème ou pour demain… avec le piano, ça se prend un air de cantique, lied ou cantate. Chant orthodoxe, Bach ou Arvo Part . Le vent passe et raconte son histoire. Une histoire de temps. Les repères sont flous, le temps s’étire et chevauche le vent. Le temps passe et laisse son empreinte dans la mémoire. Un accord sombre de piano qui roule comme une vague qui n’en finit pas de se rompre. D’autres notes, des gouttelettes qu’emportera le vent vers la terre, d’où germera la vie. Magma de sons informels, accords désaccordés d’un piano qui chantera avec la voix qui revient sur la pointe d’une plainte contenue. Et le Silence. Silence d’ un « clair de lune derrière les plus hautes branches ». Enfin : « les choses ne sont que les causes cachées des choses » (d’après Pessoa). Notes comme nostalgiques, espacées, jouées comme à regret, du piano qui s’évanouit déjà. Silence . Un chant d’orgue s’insinue, se déploie, enfle, s’entête. Entre le Requiem de Mozart et les grands moments du Pink Floyd . Habille la voix de soieries et de velours. Taille et laisse une faille profonde dans la mémoire d’un monde oublié. Silence enfin qui ne sera plus troublé. Est-ce encore le disque ou l’eau dans les tuyauteries de la maison, ou les voisins, ou bien une voiture qui passe.

C’est : « le son du silence, d’une espèce de silence