par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat

Arcachon, jeudi 8 décembre 2022.

Un nouveau festival qui arrive et en plein mois de décembre ! Quelle bonne nouvelle que l’on doit à la Ville d’Arcachon qui s’est lancée dans cette aventure suite au succès des Jeudis du Jazz de l’Olympia (infos sur www.arcachon.com) avec le parrainage actif d’un Arcachonnais de naissance, le grand batteur Guillaume Nouaux.

Guillaume Nouaux entre l’adjoint à la Culture au micro et le directeur de l’Olympia ouvrent le tout premier festival d’Arcachon

Deux concerts indépendants par soir, le premier dans la salle Arlequin en formule cabaret, on peut se restaurer et prendre un verre, le second dans la grande salle de 700 places.

Thomas Bercy trio

C’est une réelle joie de retrouver lors du premier concert le pianiste Thomas Bercy en trio. Très actif avant la pandémie, celle-ci avait mis un coup d’arrêt à son incroyable travail de diffusion du jazz en Sud Gironde et au delà. Le voilà reparti avec des projets plein la tête ! Il est accompagné du contrebassiste espagnol Chuchi Garcia et de Jericho Ballan à la batterie tout cela pour un hommage à Duke Ellington. Et oui on a tendance à l’oublier, le big band de Duke est la forêt qui cache l’arbre du grand pianiste qu’il est. Arrangées en trio, les compositions révèlent encore plus leur incroyable niveau mélodique. Et comme une force du jazz c’est qu’on peut interpréter les titres, les jouer à sa façon, chose interdite en musique classique, nous voilà en train de redécouvrir ce répertoire qu’on se dit connaître par cœur et qui sonne ici terriblement moderne. Thomas Bercy est en liberté sur son clavier avec une fougue plus retenue que d’habitude, mais bien présente de temps en temps, et beaucoup plus de sensibilité. Excellemment soutenu par Chuchi et Jericho il va nous plonger dans une série de titres légendaires ou moins célèbres durant une heure trente. Thomas nous rappellera souvent le toucher de Duke y mêlant le sien avec naturel. Les grands « tubes » – le mot n’existait pas à l’époque et paraît désormais désuet – sont là, « C Jam Blues », « Caravan », « Perdido », « Mack the Knife », « In a Mellow Tone »… les ballades les ponctuent, « Isfahan », « In a Sentimental Mood », « Day Dream »… Le trio c’est finalement l’essence du jazz, cet échange permanent entre musiciens, cette réactivité quand viennent les impros, les variations, cette simplicité apparente qui ne tolère pourtant aucune faiblesse. Une très belle entrée en matière du festival – c’était complet – grâce à cette musique intemporelle jouée magistralement par ce trio.

 

Manu Katché « the Scope »

Changement radical d’ambiance, on passe dans la grande salle et de musique, on va vite s’en rendre compte mais on le sait déjà. Le public s’est déplacé très nombreux, certes il reste quelques places mais pas tant que cela. Ce public est d’ailleurs plus intergénérationnel cela certainement grâce à la notoriété médiatique de Manu Katché, ses références dans le rock et la pop avec Peter Gabriel, Sting, la chanson française de qualité avec Michel Jonasz, Véronique Sanson, la world avec Youssou N’Dour et des tas d’autres immenses artistes. L’album « The Scope » est sorti en 2019 victime lui aussi de la pandémie pour permettre sa diffusion en concerts. C’est chose faite, le groupe tournant pas mal en ce moment. La musique de Manu Katché c’est avant tout le groove, cette pulsation permanente qu’il produit à la batterie : caisse claire sèche, grosse caisse omniprésente, soin des détails avec les cymbales. Un drumming nerveux mais de grande précision sans exhibition. Sur scène avec lui, Jerôme Regard à la basse électrique, Patrick Manouguian à la guitare et Elvin Galland aux claviers et machines. Alors oui ce n’est pas vraiment du jazz disent quelques uns, pas du tout même pour certains, c’est plutôt de l’electro soul précisent d’autres. Qu’importe. Electro soul mais sans trop d’électro, de machines infernales, force reste aux hommes, aux musiciens. Parfois on n’est pas loin de la grande époque du jazz rock avant qu’on ne l’appelle fusion, je pense à Tony Williams avec Allan Holdworth. Sur l’album pas mal d’invités qui évidemment ne peuvent être là, alors Manu a choisi de les intégrer par des bandes sons et même des vidéos pour deux d’entre eux : le chanteur Faada Freddy et le rappeur Jazzy Bazz (magnifique texte de « Paris me manque » ) . Pour Jonatha Brooke seule sa voix nous parviendra.

Manu toujours aussi sympa et naturel vient de temps en temps nous expliquer sa démarche, faire passer quelques messages « Continuons à faire des disques, autant de traces qu’on laissera pour les générations futures, comme quand nos aïeuls nous montraient les photos de famille en noir et blanc ». Il arrivera même à faire chanter la salle avec plus ou moins de bonheur ! Manu Katché sera le14 avril à l’Auditorium de Bordeaux et avec le même projet musical.

Apparemment le festival d’Arcachon est parti sur de bonnes bases, la fréquentation du premier jour est excellente, les réservations des deux jour suivants le sont aussi, alors longue vie à lui s’il est bien né.

Galerie photos de Philippe Marzat