Anglet Jazz Festival 2024 #2/2
Par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine, Vincent Lajus, PhD
Déjà deux soirées de passées, le week-end est arrivé au Anglet Jazz Festival et un riche programme nous attend.
Samedi 21 septembre 2024
Serendipity
Serendipité en français, « capacité, aptitude à faire par hasard une découverte inattendue et à en saisir l’utilité » selon le Robert. Le titre du projet d’Olivier Ker Ourio (harmonica chromatique) et de Quentin Dujardin (guitare nylon, loops) évoque très bien ce que nous allons vivre. La découverte est là, un duo d’instruments pas du tout courant donc inattendu, utilité de s’approprier ainsi de nouvelles émotions musicales. Le « Blue in Green » de Miles (piqué à Bill Evans) sonne tellement différemment avec le son caractéristique d’harmonica, si fin, si pur, si précis, la guitare, aux reflets gitans parfois, colorant ce blues. Dans l’hommage à Toots Thielemans, dont Olivier est le digne héritier musical, composé par Quentin on s’émerveille que le si petit instrument qu’est l’harmonica entre les lèvres d’un tel artiste puisse produire cette richesse de sons. Arrive alors un ce blues incroyable « Blues for M & N » qui va s’étirer de longues minutes (pas assez peut-être ) la guitare assurant rythmique et percussion et à l’aide de la loop station, finissant par proposer cinq voix (ou voies) différentes, l’harmonica colorant le tout. Citons aussi cette version totalement retricotée de « Goodbye Pork Pie Hat » de Mingus, il aurait sûrement aimé cette interprétation, lui le tenant de la liberté musicale ; une merveille de créativité.
Sylvain
L’an dernier à ce festival nous avions la chance d’entendre Sylvain Luc, en duo avec Paul Lay. Action Jazz les avait interviewés, une rencontre riche mais détendue et sympathique. Malheureusement Sylvain nous a quittés il y a six mois, bien trop tôt, tellement brutalement. Son ami le journaliste et écrivain Robert Latxague lui rend un bel hommage par un poème avec son lyrisme et sa verve habituelle.
Profonde émotion dans la salle et sur scène où Marc Tambourindéguy au piano et Olivier Ker Ourio à l’harmonica le rejoignent pour une musique basque, de celles que Sylvain adorait jouer à sa façon.
Antonio Lizana, le flamenco et le jazz
Des émotions nous allons en avoir d’autres, gaies cette fois avec cette formation dont la notoriété ne cesse de grandir. Demain ils seront en Allemagne, dans quelques semaines au Japon et ensuite à Katmadou au Népal ! Alors amis aquitains et d’ailleurs, ne les ratez pas le 12 octobre au festival Jazz & Garonne de Marmande et le 13 au Rocher de Palmer de Cenon.
Antonio Lizana (voix, sax alto, flûte), Daniel García (piano), Shayan Fathi (batterie), Arin Keshishi (basse), El Mawi de Cadíz (danse, voix) sont donc ici à Anglet ce soir avec ce jazz flamenco qui est leur signature. Un spectacle total de musique, chant et danse mêlant l’univers flamenco, parfois un peu raide à mon goût, à celui du jazz et de sa liberté musicale. Une totale réussite qui va enthousiasmer le public. Antonio magistral à la voix et au sax alto, à ses côtés Daniel une des étoiles actuelles du piano, une rythmique de très haut vol avec Shayan et Arin, et El Mawi un danseur aux tacones percutants et aux arabesques nerveuses. « Amar » déclenchera une véritable ovation. Bel exemple de fusion musicale, le jazz et le flamenco, ce blues andalou auquel avec sa joie et sa gentillesse va nous initier en nous faisant chanter ensemble. Succès total !
La jam aux écuries de Baroja
C’est la tradition ici, le samedi soir après les concerts au Quintaou tout le monde est invité à la jam aux écuries de Baroja toutes proches. Tout le monde pour finalement bien peu de monde. Quel dommage de se priver de ces moments d’intimité musicale précieux et normalement chaleureux ! Un quartet nous y attend pour lancer le bœuf (après les toros bravos) avec Pascal Ségala (batterie), Arnaud Labastie (piano), Laurent Chavoit (contrebasse) et Alex Golino (sax ténor). Olivier Ker Ourio a eu la gentillesse de venir et il va nous offrir la légendaire « Bluesette » de Toots ; quel cadeau d’être là si près de lui et de vivre ce moment. Puis les jeunes musiciens du Asura Quartet (on parle d’eux après) viendront se mêler aux autres, ainsi que Vincent Thomas batteur et manager d’Antonio Lizana. Il est deux heures du matin, la délégation d’Action Jazz est encore là au complet, beaucoup font déjà de beaux rêves…
Dimanche 22 septembre 2024
C’est l’automne ! On aurait dû se retrouver « sur l’herbe » au parc de Baroja, les prévisions météo en ont décidé autrement mais se sont trompées annonçant des pluies ; on aurait pu, mais c’est vrai que la situation est longtemps restée incertaine. Assez parlé de la pluie et du beau temps. Le positif dans l’affaire c’est de permettre aux groupes de jouer dans des conditions techniques parfaites au Quintaou. Le public du dimanche est plus familial que les autres jours et ça va être l’occasion pour lui de découvrir des musiques pour beaucoup inhabituelles.
Asura quartet
Ce groupe a récemment remporté notre 11ème Tremplin Action Jazz et grâce à notre partenariat avec le festival a bénéficié d’une résidence de quatre jours à Baroja avant le concert. Ils ont pu ainsi peaufiner leur répertoire de compositions originales et aussi créer un titre. Martin Arnoux (guitare), Pierre Thiot (saxo soprano), Octave Potier (contrebasse), Simon Jodlowski (batterie) proposent une musique riche, osent des choses, n’oubliant jamais les mélodies et les agrémentant de chorus inspirés. Le sax soprano de Pierre Thiot donne la couleur du quartet, élégante, onirique et surtout accessible comme le prouve le chaleureux accueil d’un public plutôt novice en ce dimanche. Une confirmation du bon choix du jury du tremplin.
Patrick-Astrid Defossez trio
Patrick-Astrid Defossez, responsable des ateliers jazz et impro au Conservatoire Maurice Ravel de Bayonne le pianiste est un esthète de la musique, un savant de la composition et des arrangements. Il nous propose avec son trio une relecture très riche, très élaborée et souvent vagabonde de titres légendaires . Entre ses doigts Coltrane, Miles, Monk, Carla Bley prennent une couleur lyrique, flirtant avec le classique, la musique contemporaine et parfois le minimalisme. Assisté par une rythmique superbe de sensibilité avec Pierre Dayraud à la batterie et Vincent Posty à la contrebasse il a pu montrer à un public très attentif un visage du jazz de grande qualité.
Final flamboyant avec le Big Band Côte Sud
Long changement de plateau car il faut maintenant accueillir 18 musiciens sur heureusement la vaste scène du Quintaou. Cet orchestre mêlant pro et amateurs joue en ce moment les arrangements et compositions de Quincy Jones période big band. Ce dernier formidable arrangeur a adapté de nombreux titres devenus des références du genre. On entendra notamment l’obligatoire « Tickle Toe » de Basie, la « Gravy Waltz » de Ray Brown ou encore le swinguant « Killer Joe » de Benny Golson ; on ne savait pas encore que le grand saxophoniste était décédé la veille… Tous les codes de ce type de formation sont là, l’énergie, les breaks, les nuances, les chorus et même une chasse de saxophones exercice très prisé du public de a grande époque des big bands. Un final flamboyant pour ce festival qui nous a proposé une programmation riche et variée.
Pascal Drapeau : direction, arrangements, trompette / Jerôme Okresik, Pascal lacouture, Corentin Darmanthé, Dominique Lauga : trompettes / Michel Lesgourgues, Franck Loubère, Sylvain Gutierrez, Pierre Vignacq, Didier Grégoire, Baptiste Annette : saxophones / François Darrigan, Charles Caup, Bertrand Deyris, Gérard Portellano : trombones / Marie-Hélène Gastinel : batterie / Jean-Paul Gilles : contrebasse / Vincent Lajus : piano.
Merci à toute l’équipe de l’association Clef de Jazz, autour du directeur musical Marc Tambourindéguy.
Un grand bravo aux techniciens, le son et la lumière étaient au top.
On souhaite donc une édition 2025 avec cette fois un bar restaurant du théâtre Quintaou ouvert, repris par un gérant efficace. L’organisation du festival n’y est malheureusement pour rien mais il nous a vraiment manqué cette année.
Jours 1 et 2 : jours 1 et 2
