Interview : Antonio Lizana au Anglet Jazz festival
par Philippe Desmond, photos Vincent Lajus et Christine Sardaine.
A l’occasion de son passage au Anglet Jazz Festival, nous avons pu rencontrer Antonio Lizana le saxophoniste et chanteur andalou, chef de file actuel du jazz aux couleurs du flamenco. Un entretien très chaleureux Antonio étant d’une grande amabilité, très disponible.
Merci à Vincent Thomas manager du groupe et aussi batteur remplaçant pour son aide linguistique.
Action Jazz : de quand date cette envie de mêler le jazz et le flamenco ?
Antonio Lizana : j’ai d’abord commencé à joué avec des groupes de flamenco et c’est là qu’a surgi la nécessité d’improviser et comme je jouais déjà du saxophone j’ai cherché à travers les improvisateurs de jazz, d’abord Jorge Pardo puis les saxophonistes américains. Et en même temps que je continuais avec le groupe de flamenco j’ai commencé à apprendre comment improviser.
AJ : parle-moi de ta formation musicale
AL : j’ai fait de la musique classique, dix ans de conservatoire et après quatre ans d’enseignement supérieur et j’ai appris le flamenco dans la rue de Cadiz avec des groupes de musiciens locaux
AJ : tu n’as pas peur de désorienter le public jazz et en même temps de choquer les puristes du flamenco ?
AL : non parce que dans le public du jazz et du flamenco il y a une tradition à connaître, à aimer mais il n’y a pas de problème à découvrir des choses nouvelles. En plus la musique pure n’existe pas.
AJ : l’accueil du public est-il différent en Espagne, dans d’autres ou dans les pays hispanophones comme en Amérique Latine ?
AL : il y a des choses distinctes, par exemple en Espagne le flamenco n’est pas super connu mais il est familier aux gens. En Andalousie quand je joue en évoquant les traditions ils se sentent bien. Ce qui compte aussi en Espagne et en Amérique du Sud c’est que dans ma musique il y a des paroles que les gens comprennent. Dans les pays où on ne parle pas l’espagnol le phénomène c’est le côté exotique, comme venant d’une tribu !
AJ : le flamenco c’est en quelque sorte le blues espagnol avec les influences maures aussi. Est-ce que finalement ce n’est pas ça le jazz que de puiser dans des racines culturelles et de les amener dans un autre univers ?
AL : le jazz (il prononce yass) est le langage de la musique moderne, il a le pouvoir d’aller de tous les côtés et de transformer toutes les musiques traditionnelles. Le flamenco c’est le blues de l’Andalousie il est similaire, la musique des ports, ces endroits où il y a beaucoup d’échanges, ainsi c’est un contresens que de parler de blues pur ou de flamenco pur car là où il se crée il y a des arabes, des noirs, des juifs, des castillans, des gitans et d’autres gens aussi.
Vincent Thomas : il a bien dit blues d’Andalousie, pas d’Espagne.
AJ : quand tu composes, c’est la musique qui vient en premier puis les paroles ou l’inverse ?
AL : la musique en premier et après suivant la couleur de la chanson je me dis que je peux parler de ça ou ça et je commence à écrire.
AJ : comment se porte le jazz en Espagne ?
AL : il y a un bon niveau maintenant depuis une quinzaine d’années car il y a beaucoup d’écoles de jazz. Le problème c’est qu’il n’y a pas de structures comme en France. En France dans chaque région il y a des festivals, des centres culturels qui ont une programmation de jazz et les musiciens peuvent accéder au public. Il y a aussi l’intermittence, des aides, la situation est plus favorable, plus réaliste. Être musicien en France n’est pas perçu comme une folie, c’est une chose normale.
AJ : en Nouvelle Aquitaine il y a 82 festivals de jazz de différentes tailles bien sûr.
VT : en Espagne il y en a 200 maximum pour tout le pays
AJ : et l’âge du public en Espagne ? Ici il est assez vieillissant…
AL : la proportion jeunes/vieux est peut-être la même. Dans les grandes villes c’est moitié-moitié, il y a beaucoup d’étudiants , beaucoup de musiciens. Par exemple à Madrid, même à Paris, lors des concerts de présentation de mon dernier album c’était ça. Mais dans les petites villes il y a moins de jeunes aussi.
AJ : n’est-ce pas compliqué d’avoir dans son groupe un certain Daniel Garcia dont la carrière en leader explose aussi ?
AL : quand tu montes un groupe et que chacun a beaucoup de talent, tu sais à quoi t’attendre, que quand il peut il peut et quand ce n’est pas possible vient un autre !
AJ : merci Antonio et bon concert ce soir.
Le concert a été flamboyant bien sûr, le public finissant debout, initié au chant flamenco par un Antonio chaleureux.
Concerts au Anglet Jazz festival jours 3 et 4
Antonio Lizana sera en concert le samedi 12 octobre au festival Jazz & Garonne à Marmande (47) et le dimanche 13 au Rocher de Palmer à Cenon (33). Si vous pouvez ne ratez pas ça !