Anglet Jazz Festival 2024 #1/2

par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine et Vincent Lajus.
C’est le 17ème festival de jazz à Anglet, déjà. Débuté avec « Jazz sur l’Herbe » au parc de Baroja, il s’est développé un peu plus tard grâce à la magnifique salle du théâtre Quintaou. Le dimanche reste toujours sur l’herbe… quand la météo souvent humide du Pays Basque le permet. Malheureusement cette année encore on sait dès le jeudi que l’herbe sera trop humide pour nous accueillir et que le repli aura lieu au Quintaou.
Jeudi 19 septembre 2024

Marc Tambourindéguy directeur musical du festival

La dentelle de jazz du trio de Marc Copland

A 76 ans le pianiste américain possède un CV extraordinaire, il a joué avec David Liebman, Gary Peacock, John Abercrombie, Joe Lovano, tant d’autres. Sa discographie personnelle est très fournie, au piano mais aussi au saxophone. C’est une réelle opportunité que de le recevoir ici à Anglet et Marc Tambourindéguy le directeur du festival, lui-même pianiste, n’a pas hésité longtemps pour nous offrir ce cadeau. Mark Copland a rejoint en France Fabrice Moreau à la batterie et Stéphane Kerecki à la contrebasse ; pas une formation habituelle mais déjà des collaborations.
Le concert va s’avérer d’une grande délicatesse, préparé avec une minutie extrême par chacun des trois lors des balances. Quel respect du public que de lui permettre d’entendre la quintessence de la musique en soignant les moindres détails. Le concert débute avec Miles ou Bill, on ne le saura jamais, avec « Nardis », une version très douce, Mark suggérant le thème plutôt que le jouant vraiment, c’est un peu une de ses signatures. Stéphane ne le quitte pas d’une note alors que Fabrice caresse ses cymbales avec légèreté, tout en nuances. Il joue sur une batterie qu’on connait bien, la Yamaha verte du regretté Nicolas Filiatreau qui est ainsi toujours présent ici, lui le fidèle compagnon du festival. Après une composition de Stéphane Kerecki en hommage à Gary Peacock c’est « Round she goes » qui nous entraine dans cette rythmique cyclique envoutante, colorée du fin toucher impressionniste de Mark et des rebonds de batterie et de contrebasse. On entendra « Blue in green » (Miles, Bill ?), un assez alerte « All Blues » aux chemins de piano détournés, « Greensleeves » pour finir. De la dentelle de jazz par trois artistes absolus, du nectar.

Impression Steam quartet

Le concert suivant promet d’être très original. Stéphane Guillaume lors du fameux confinement de 2020 a créé de la musique pour une formation inhabituelle, pas tant par le choix des instruments mais par celui des musiciens, musiciennes plus précisément. Certes son fidèle batteur Antoine Bainville est là dès le départ associé deux musiciennes classiques, la pianiste grecque Maria Papapetropoulou ainsi que la violoncelliste turque Sedef Erçetin. Menant une carrière éclectique, Stéphane Guillaume avait eu l’occasion de jouer avec elles auparavant. Il a entièrement composé la musique, ce qu’on appelle désormais un « crossover » mêlant musique de chambre et musique de club, le jazz. Chacun apporte son bagage, sa couleur, les deux musiciens glissant bien sûr la liberté des improvisations. Au saxophone soprano Stéphane Guillaume va nous éblouir par son lyrisme musical et sa virtuosité technique , porté par l’accompagnement sensible du piano et du violoncelle. Deux cultures différentes, deux approches diverses, improvisation d’un côté, suivi de la partition de l’autre avec parfois aussi de petites variations – ce n’est que la deuxième fois qu’ils jouent ensemble – le mariage est étonnant, enluminé au son délicat des cymbales . Quartet de chambre ? Quatuor de jazz ? Peu importe après tout, de la musique, de la belle musique avant tout.


Vendredi 20 septembre 2024

Flash Pig sur les pas de Wong Kar-Way

Fasciné par la musique du film « In the mood for love » le quartet créé en 2008 lui a consacré un album éponyme. Adrien Sanchez (sax ténor), Maxime Sanchez (piano) Florent Nisse (contrebasse) et Gautier Garrigue (batterie) sont là ce soir pour nous le jouer. Grâce aux explications éclairées de Maxime, nous allons pénétrer avec encore plus d’intérêt dans cet univers musical, cette musique retravaillée, métamorphosée souvent. Dès l’entrée free dans une lumière d’un rouge éclatant, on comprend que les quatre garçons n’ont peur de rien, qu’ils proposent une musique personnelle, sans aucun complexe, qu’ils sont capables de tout et avec force talent. N’enchaînent-ils pas sur un mambo Nat King Colien des plus classiques, type combo au bord de la piscine d’un palace à l’heure du drink, pour ensuite se lancer dans une adaptation effrénées de BO, lancés à une allure folle, la tension retombant sur le thème feutré. Voilà un opéra chinois (toujours la BO) d’une grande ampleur et comme nous a prévenu Maxime Sanchez, massacré, mais avec style ! Quatre musiciens fabuleux qui tout en respectant le passé n’hésitent pas à déboiter le grand standard « Quizas, quizas, quizas » avec beaucoup d’humour. Du grand art.

Alfio Origlio « Human Flow »

Alfio Origlio est un musicien éclectique, de la variété de qualité (Jonasz, Salvador) il a pu passer au jazz sans problème (Manu Katché, Didier Lockwood, Gregory Porter, Eric Séva…). Il mène aussi ses propres projets (14 albums !) tel ce « Human Flow » électrisé. Alfio au synthé, Rhodes, synthé de basse (très baaasse) est entouré de la jeune franco-éthiopienne Fleur Worku à la voix et au violon de Noé Reine, impérial à la guitare électrique et Marcol Savoy un batteur suisse qui vaut le détour (sa chasse lors d’un titre avec Alfio, remarquable). Démarré sur un tempo de reggae le concert va ensuite se promener dans la soul, le jazz fusion (on pense bien sûr à Didier Lockwood, à Jean-Luc Ponty) avec une forte énergie électrique ma rappelant mes jeunes années jazz-rock. Les compositions originales alternent avec des reprises insolites telle celle très réussie de la BO du film « Il était une fois dans l’Ouest » ou encore un surprenant « Maniac » titre phare de Flashdance. Avis partagés à la sortie, favorable de mon côté avec ces sons parfois vintage des 70’s et une belle énergie. Une réelle surprise.

À suivre…

Jours 3 et 4 : jours 3 et 4

https://angletjazzfestival.fr/

Galeries photos de Christine Sardaine