par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat et Christine Sardaine

Anglet Jazz Festival, jeudi 15 septembre 2022.

L’été touche à sa fin, une guirlande de concerts, de festivals l’a éclairé et dans notre région c’est à Anglet de tirer le rideau sur une saison chaude… de musiques.

Pour sa 15ème édition le Anglet Jazz Festival organisé par l’association ARCAD n’a pas lésiné sur la programmation comme toujours régionale, nationale et internationale mise en place par Marc Tambourindéguy.

En ce premier soir pour le concert inaugural c’est l’Espagne voisine qui est à l’honneur avec le trio du pianiste Daniel García Diego. Déjà quatre albums à son actif dont les deux derniers chez ACT, gage de qualité. Je réalise que je l’ai vu lors de la tournée en France au printemps du saxophoniste espagnol Antonio Lizana. Il était déjà associé au batteur Shayan Fathi, le contrebassiste Reiner Elizarde « El Negrón » complétant aujourd’hui le trio. Formé au Berklee College of Music, Daniel propose une musique mêlant ses racines espagnoles aux influences américaines du jazz. Nougaro aurait dit que l’Espagne poussait sa corne dans ses compositions et d’ailleurs Daniel le revendique ; hommages à Paco de Lucia, à Camaron de la Isla, ces deux Andalous qui ont fait faire un pas de côté au flamenco, l’ouvrant à la modernité et au jazz. Voilà en ouverture un piano solo jarrettien bientôt rejoint par une batterie sonnant comme un cajón, on sent de suite arriver le sud. La contrebasse installée voilà en effet la chaleur de cette musique qui s’installe avec ces ponctuations rythmiques qui claquent comme des talons de bottes andalouses. Les tempos s’emballent et la cohésion du groupe les maîtrise, c’est flamboyant, à la fois lyrique et mélodieux. La fantaisie du Negrón mais surtout son toucher, l’agilité de Shayan sur ses peaux servent parfaitement une très belle inventivité de Daniel au piano ; il a tant de choses à dire, il nous en fait profiter dans des chorus qu’on voudrait encore plus longs. Que le flamenco et le jazz ont de choses en commun ! L’humour n’est jamais loin avec ces trois joyeux drilles, comme ce blues au tempo abusivement lent et du plus bel effet… comique. Diego peut aussi s’avérer un pianiste romantique et n’est pas sans rappeler un certain Shai Maestro qui ici même avait ébloui la salle l’an passé. Comme lui il arrivera à faire fredonner la salle lors d’un rappel réclamé à cor et à cri par un public debout. Vraiment une magnifique découverte que ce trio qui se produisait pour la première fois en France ! Nous y étions !

 

Pour le second concert c’est un autre ancien de Berklee qui s’avance, le batteur Raphaël Pannier qui a passé déjà une bonne partie de sa vie de musiciens entre Boston et New York et qui depuis deux ans est revenu au pays. La Gazette Bleue avait il y quelques mois présenté son album « Fauves ». Il est en quartet avec Stéphane Guillaume aux sax ténor et soprano, Thomas Enhco au piano et Jérémy Bruyère à la contrebasse remplaçant François Moutin.

Un très beau line up. Ça part de suite très fort les caresses de batterie, les broderies de piano laissant place à une rythmique nerveuse aiguillonnée pas un sax ténor volcanique, limite free ; « Lonely Woman » un titre réarrangé d’Ornette Coleman, carrément. On ne s’est pas rendu compte du changement d’ambiance, il est venu progressivement, nous cueillant à notre insu, du grand art. Raphaël Pannier à la batterie c’est de la créativité pure, une surprise permanente quel que soit le registre, le tempo. Il nous explique que son jeu mêle l’académisme européen au swing américain ; totale maîtrise. On passe avec « Midtown Blues » à du pur hard bop, on est à NYC dans un club de jazz enfumé comme autrefois ; musiciens en liberté dans une structure classique où les chorus se succèdent, magnifiques. Stéphane s’éclipse, laisse les autres en découdre en trio, les unissons des trois sont sublimes, la batterie depuis le début s’est montrée musicale elle le confirme ici. Revoilà Stéphane au soprano, brillant, ils le sont tous. « ESP » de Wayne Shorter en rappel ; shorter, je rebondis sur le mot, un peu trop court le concert à mon goût mais tellement intense, du nectar.

C’est fini pour aujourd’hui mais quel bonheur, encore trois jours !

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