par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Andernos Jazz Festival, samedi 28 juillet 2018.
Quand la deuxième soirée démarre le soleil fait bien davantage que caresser les peaux, tant mieux car c’est du jazz créole qui nous est proposé, celui du trio Akoda, bien connu dans la région et lauréat du Tremplin Action Jazz en 2014. C’est l’un des nombreux projets de Valérie Chane-Tef pianiste et compositrice de grand talent.
Elle en est l’âme et la couleur créole du groupe n’est pas étrangère à ses origines réunionnaises. Des compositions originales, anciennes mais remaniées plus jazz, plus punchy, de nouveaux titres où Valérie n’hésite pas à s’engager, à chanter, à scatter, des reprises de Danyèl Waro bien sûr, un des emblèmes de l’île Bourbon, notamment « Gardyin Volcan ».
Des interventions d’Agneta, danseuse malgache à la grâce et l’énergie remarquables et bien sûr le spectaculaire Franck Leymerégie au set de percussions ainsi que Benjamin Pellier plus groovy que jamais à la basse. Très bel accueil du public sollicité plusieurs fois par le groupe, c’est l’été, c’est Andernos, le Bassin est rempli et les visages sourient.
La soirée ne fait que commencer…
Rendez-vous au Jardin Louis David où une grosse scène a été installée. On va y célébrer musicalement le 50ème anniversaire du festival : https://www.andernos-jazz-festival.fr/edition-2018/
Il y a presque un an Eric Coignat a chargé le Collectif Caravan de Cécile Royer et son directeur musical, le pianiste Thomas Bercy, de réfléchir à un moyen de retracer en musique l’histoire du festival. Eric ne s’est pas adressé à eux par hasard, ce collectif de musiciens et d’artistes, installé dans le Sud Gironde y anime, et bien au delà, de façon très active la vie culturelle, faisant souvent l’objet d’articles dans ce blog.
Ce soir ce spectacle unique, jamais joué et certainement jamais rejoué sous cette forme-là , réunit une sorte de All Stars du jazz, plutôt des jazz, du plus tradi au plus moderne. Le Continuum Orchestra : Thomas Bercy (p), Guillaume Nouaux (dr), Jonathan Hédeline (cb), Bernard Lubat (p et dr), Maxime Berton (sax), Julien Dubois (sax), Jérôme Etcheberry (tr), Mickaël Chevalier (tr), Aurélie Tropez (cl), Baptiste Techer (tb), David Blenkhorn (g), Alexis Valet (vib), Sébastien Girardot (cb), Eric Pérez (dr) et Marco Codja (voix et textes) ; ajoutons VJ Naj, vidéo jockey et voilà l’équipe de choc qui va nous narrer le Andernos Jazz Festival de 1968 à 2018.
De Claude Luter, présent en 1968, à Kenny Garrett, qui joue ici ce dimanche, c’est à un feu d’artifice musical que nous avons assisté. Nous n’avions pas un big band mais une formation à géométrie variable selon le répertoire et l’hommage rendu. Un travail énorme de préparation qui jusqu’au dernier moment a subi des évolutions, la panne SNCF désormais régulière du week-end, ayant fortement perturbé l’acheminement de pas mal de musiciens et empêché l’un d’entre eux de venir, Michel Pastre.
Pas de défilement chronologique des titres mais un continuum où les choses s’enchaînent avec naturel. Une multitude de combinaisons du solo (« l’entracte » insolite et remarquable au piano de Lubat désarçonnant le public, il adore ça) au n’tet, des rencontres de musiciens improbables de par leur style habituel, des moments d’émotion intense, Miles, Michel Petrucciani , Nougaro… du swing, Lionel Hampton, du blues, du be-bop, du NO, du free… un spectacle éblouissant.
On y aura aussi recroisé, Herbie, Benny, Stan, Maxim, Al, George, Ray, Jo, Clark, Illinois, Joe, Dizzy, Eddy tous venus au moins une fois à Andernos. Un jardin Louis David envahi, une écoute extraordinaire malgré la foule, quelques morceaux de bravoure comme le solo très sensible de Jonathan Hédeline en introduction d' »All Blues » ou celui étincelant de Guillaume Nouaux se terminant par la Marseillaise jouée à la cymbale crash (!) et un cri tonitruant et décalé « Champions du Monde » ; du rire des larmes, du bonheur. Un spectacle visuel aussi dans la seconde partie, le VJ étant en interaction avec la musique par ses illustrations, le bassin en carte postale, les luttes anti ségrégationnistes aux USA, l’histoire en image du jazz… Des textes ciselés et engagés de Marco pour habiller le tout, superbe vraiment.
Un bouquet final éblouissant avec tous les musiciens sur scène et un public debout après trois heures de spectacle ininterrompu.
Chapeau (un porkpie hat ?) Cécile, Thomas et toute la troupe ! Belle idée que la tienne Eric, te voilà soulagé et récompensé de toutes les inquiétudes liées à sa préparation. Une soirée inoubliable dont on reparlera dans 50 ans dans ces colonnes !
Et, comme dit la pub, c’est pas fini !
Ce dimanche, la traditionnelle messe gospel avec le Bordeaux Mass Choir, à midi les surprises musicales de Didier Lelouch et son Cap Groove, puis à 18h30 Clap, le duo révélation du dernier tremplin AJ. Clopin-Clopant fera swinguer la jetée à 21 heures.
Le soir à 20h45, sur le site idyllique de la plage du Betey, Scott Hamilton & Champian Fulton en quartet. vont nous régaler de leur swing chaleureux. La pianiste chanteuse et le saxophoniste sont deux purs talents reconnus internationalement. Enfin l’immense Kenny Garrett sera là en quintet. Le saxophoniste fait partie de l’histoire d’Andernos Jazz car il est venu ici deux fois avec Miles Davis, en 87 et 91. Et lui même est devenu une légende. A ne pas laisser passer !
Tous à Andernos aujourd’hui ! Rappel : c’est gra-tuit !