texte et photos Philippe Desmond.

Le Thélonious, Bordeaux le 3 janvier 2020.

Je me souviens parfaitement du jour où j’ai découvert la Bossa Nova. C’était fin décembre 1970, j’avais 15 ans, pour le dernier cours de maths avant les vacances de Noël, en 1ère au lycée technique de Talence. Le professeur, monsieur Guenoun, nous avait demandé de porter des disques de la musique que nous aimions. Si je ne me souviens plus de mon choix – ça devait être les Stones ou Jimi – je me rappelle très bien que lui nous avait fait découvrir ce jour-là cette musique, créée un peu plus de dix ans auparavant. Il en était fou, nous à l’époque un peu moins, mais si cela est resté dans ma mémoire c’est que cette découverte m’a marqué.

A l’origine venue d’un rejet de la samba et plus généralement de la musique populaire brésilienne elle a fini en se mariant avec le cool jazz par envahir le monde. Et si le courant a vraiment duré moins de 20 ans il fait partie des styles majeurs encore joués. Que de titres merveilleux cette « nouvelle vague » a déposés sur les rives mondiales de la musique. Courant important du jazz pour beaucoup, musique d’ascenseur pour certains, style sirupeux pour d’autres avec ces rivières de violons rapportées parfois débordantes, la Bossa Nova n’en reste pas moins un phénomène intemporel.

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Ce soir dans un Thélonious encore complet, c’est un des spécialistes, entre autres, de ce cool jazz qui nous rafraîchit la mémoire, le saxophoniste Alex Golino en quartet avec Yann Pénichou à la guitare, Laurent Vanhée à la contrebasse et Guillermo Roatta à la batterie, caution sud-américaine du groupe ; pas de Joao ni d’Astrud, simplement des versions instrumentales.

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La Bossa Nova c’est une galaxie de tubes, voilà le premier pour démarrer ce concert, « Favela » d’Antonio Carlos Jobim, Tom pour les intimes, et de suite ce rythme syncopé marqué par les cross-sticks, cette façon de taper le bord de la caisse claire pour en tirer ce son sec caractéristique. Guillermo va ainsi toute la soirée marquer le tempo à la façon d’un métronome saccadé, économisant les peaux de la Gretsch maison, ne les sollicitant qu’avec les balais ou sur quelques rares chorus. Un exercice certainement frustrant et pas facile pour un batteur, nécessitant une vraie précision et une grande sensibilité pour rester à sa place, derrière. Mais Guillermo sait faire ça à merveille et il aura l’occasion par deux fois de nous faire profiter de son humour, agrémentant des solos de ses commentaires à haute voix et en espagnol – il est Colombien- nous souhaitant ses vœux sur l’un et sur l’autre nous faisant faire le tour de l’Amérique du Sud en citant presque tous les pays pour trouver enfin celui d’origine de « Tico Tico » ; le Brésil bien sûr ! Et au fait regardez comment il incline sa caisse claire, le seul à faire ainsi, sa signature.

Derrière qui ? Les deux solistes, Alex et Yann qui à tour de rôle vont broder sur les thèmes, les Stan et João du soir. Mais que ce répertoire leur va bien ! Alex Golino et son Selmer Mark VI à la patine vintage, y développe le velouté de son timbre, cette suave nonchalance ou cette attaque franche parfois. Ses chorus nous embarquent nous faisant oublier l’absence de mélodie chantée, élégance et gentillesse, la sienne, sortent de son sax ténor.

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Pas de duel avec Yann mais des passages de relais en douceur bien réglés. Avec sa belle Gibson ES 175 à la découpe florentine (pan coupé arrondi finissant en pointe) adjectif convenant aussi à son jeu, subtile et raffiné, Yann Pénichou prend visiblement du plaisir à se promener autour des thèmes toujours très mélodieux et de fait il nous en donne beaucoup. Mais que cette musique est délicieuse, agréable, idéale pour relancer en douceur une autre année de concert.

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Mais pour que cela tienne en place, en plus du tempo de Guillermo il faut une colonne vertébrale rythmique, un fond pour faire ressortir le tout, c’est le rôle de Laurent Vanhée et de sa contrebasse brou de noix. Tranquille la rythmique de bossa ? Pas du tout il y en a des choses à faire, des syncopes, des contre chants… Laurent nous offrira des chorus très musicaux bien calés sur la mélodie mais la rejouant à sa manière.

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Ici donc, pas de violons, pas d’ascenseur, de la musique de la vraie, du nectar de Bossa. Un seul regret que la Garota de Ipañema évoquée dans le rappel n’ait pas traversé le club de son pas cool et swinguant…

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Set 1

Favela

O Pato

O grande amor

Barulho noturno

Indian Summer

Corcovado

Samba de una nota

Set 2

Triste

Black Orpheus

Felicidade

So danço samba

Wave

Tico Tico

Rappel : Garota de Ipañema

  • Portrait d’Alex Golino dans la Gazette Bleue :

https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/gazette-bleue-n20-janvier-2017/

  • Lien vers un article très intéressant sur la Bossa Nova :

https://www.francemusique.fr/emissions/l-autre-bout-du-casque/aux-origines-de-la-bossa-nova-19537

  • https://thelonious-jazz-club-bordeaux.com/